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Pour ce qui est de la critique littéraire, notre collaborateur en charge de cette rubrique est loin de faire l'affaire. Nous lui avons conservé sa place dans la mesure où il s'occupe un petit peu du ménage. Son défaut principal ? C'est un piètre lecteur. Il est un petit peu trop imaginatif. Mais comme il fait un peut tout, il ne pas tout faire. Ce serait bien qu'il aille nous préparer un petit repas là.
Ecrire un feuilleton dans un blog est un art très particulier. Certains vont tout préparer à l'avance, fignoler leur ouvrage et ne le publier qu'au fur et à mesure. D'autres vont préparer un canevas et se lancer. Quelques casse-cous vont oser se lancer sur un coup de tête, se placer délibérément dans des situations narratives impossibles par goût du risque et de l'accident.
On ne sait pas exactement à quelle catégorie appartient Dorham. A toutes un petit peu dans une proportion qui lui est propre.
Le blog de Dorham est un plaisir pour les yeux, il est élégant ; Dorham aime accompagner ses textes d'une image qui en prolonge le plaisir ou offre au lecteur un raccourci émotionnel. La série d'illustrations choisie pour "Belle" (tel est le nom de l'opus que nous allons évoquer) est merveilleuse. Vous êtes en train de vous demander si votre serviteur n'exagère pas un tout petit peu avec sa brosse reluire. Pourtant, je n'ai encore demandé à personne de lire. Vous pouvez facilement vérifier mes assertions.
Bien sûr, il n'y a pas d'actualité urgente à lire un feuilleton. Et pourtant si. Vous êtes ici, je ne parle pas des habitués, parce qu'un blogueur machiavélique propose un lien sur son blog, une ou deux fois par mois. Le lectorat explose à cette occasion. Certains pensent que la notion d'influence pour un blog est ridicule, c'est faux.
Vous êtes ici, et bien, en sortant, j'espère que vous la trouverez, Belle. Le premier épisode a été publié le 11 novembre 2008. N'allons pas jusqu'à dire qu'il faut lire cet épisode le jour des cendres (c'est son titre). Ce serait abusivement restreindre le lectorat d'un premier épisode qui pour ce qui me concerne m'a littéralement renversé.
Dorham nous a par la suite mis au supplice. La naissance des flammes le 13. Tu veux dormir avec moi, Ray ? le 18. La chasse aux onze pistes le 21. Les vivants et les morts le 25. Les pilleurs de tombe le 4 décembre. Les hommes s'en vont le 23 décembre. Et enfin huitième et dernier épisode, la retraite des braves le 15 janvier. Songez que nous avons passé deux mois sur le gril.
Vous attendrez moins votre hareng pomme à l'huile. J.P. Géné l'évoque dans sa chronique du Monde 2 de samedi : "Un plat de haute précision". “Le hanreng pomme à l'huile, faut pas confondre avec le maquereau au vin blanc. C'est pas pareil.” Seule une fréquentation assidue des comptoirs où l'on pense permet de recueillir de telles vérités, empreintes de sagesse bistrotière (1/3 ricard, 2/3 d'eau). Le hareng n'est pas sujet de conversation aux tables de bridge. Il est plein d'arêtes, sent fort, ne vaut pas grand-chose et se vautre dans le gras avec des patates. Un plat de basse extraction, tiré de la mer et sorti de la terre à la force des bras. Il a les ongles sales, les mains crevassées et l'haleine forte. C'est un régal."
Ayant en charge la rubrique gastronomique et celle consacrée à la littérature, je vous prie de bien vouloir comprendre que nous ne pouvons abandonner notre lecteur pour une telle lecture le ventre vide. Et nous voyons une analogie entre ce plat, la mécanique du polar telle que l'utilise Dorham et son esprit. Littérature de basse extraction, le polar est méprisable par son odeur, de peu de valeur et ne flatte pas l'intellect. Avec Dorham, il vous laissera les ongles sales, les mains crevassées et l'haleine forte. Et comme J.P. Géné, il vous faudra conclure que c'est un régal. Merci à Nicolas qui nous a fourni les lecteurs et le hareng.photo : Stefan Söderström