Flux tendus

Publié le 18 janvier 2009 par Galaxiedesparadoxes@orange.fr

[Parution in Journal du Jeune Praticien n°261 du 15 février 1993]

« Dans les phénomènes complexes, la certitude est plus proche de l’erreur que l’incertitude. » Attribuée à Edgar Morin, cette opinion paradoxale fut illustrée récemment à propos du dogme de l’organisation en « flux tendus » (ou stocks sur pneus, c’est-à-dire le roulement quasi permanent des marchandises entrant et sortant d’une usine, grâce aux camions de livraison permettant un déstockage continu qui minimise les stocks fixes). Alors que les stratèges des entreprises, à l’école des gagneurs nippons, s’appuyaient tous jusque-là sur la certitude économique de la supériorité du concept de « zéro stock », celui-ci révéla brusquement son caractère de boomerang insidieux, durant la grève estivale des routiers (à propos du permis à points). En effet, l’interruption prolongée du trafic routier faillit paralyser maintes entreprises, soudain asphyxiées par le manque de pièces détachées à l’entrée, comme par l’absence d’enlèvement régulier des stocks produits. Panacée classique de l’industrie, cette politique des flux tendus se métamorphosait brutalement en une terrible épée de Damoclès ! Comme l’a commenté Le Figaro-économie, « l’épreuve d’une crise constitue le meilleur tamis pour la viabilité de certains modes de management ».