[Parution in Journal du Jeune Praticien n°278 du 30 juin 1993]
On se souvient de l’humoriste Tristan Bernard prétendant, au début du XXème siècle, que « l’extension du service des ambulances urbaines » serait infinie car, en accourant pour relever les blessés, les ambulanciers rouleraient trop vite et renverseraient immanquablement d’autres piétons, pour lesquels il faudrait d’autres ambulances qui à leur tour… Même s’il est –fort heureusement– farfelu pour les ambulances, ce boomerang est plus sérieux qu’il n’y paraît ! C’est en effet le principe des réactions en chaîne (ou divergences), concernant notamment des mouvements de foules (panique) ou l’escalade des fissions nucléaires, contrôlées (réacteurs) ou non (explosions). Cette cinétique exponentielle du phénomène agissant en retour sur ses causes génératrices pour en amplifier l’effet (emballement ou runaway) tend à se rencontrer désormais dans le problème des déchets orbitaux, assez préoccupant pour qu’une conférence internationale lui ait été consacrée récemment à Darmstadt (Allemagne). Avec des dizaines de milliers de débris en orbite, des fragments minuscules (mais compromettant la sécurité des spationautes, du fait de leur énergie cinétique) aux épaves des grands satellites, l’espace devient en effet une gigantesque poubelle, sans voirie en vue actuellement ! Et cette remarque de France-Soir (5/04/1993) montre que la boutade de T. Bernard sur les ambulances reprend – sérieusement cette fois ! – du service dans l’espace : « un fragment d’un centimètre à 5km/s peut mettre en pièces un satellite de cent millions de dollars. Cher le débris ! D’autant qu’après, la collision donne naissance à d’autres fragments, qui eux-mêmes… etc. »