Tandis que le Président de la République et le gouvernement français se félicitent des "bons" chiffres des expulsions des immigrés en 2008, je relis avec tristesse ce témoignage recueilli par Amandine Penna et délivré par le site Rue89 en Août dernier.
En voici quelques extraits :
" On l’appelait la maman des jumeaux. Deux enfants d’un père nigérian du réseau, dont elle a accouché à la hâte à la maternité publique de Tanger avant de s’enfuir par crainte de la police marocaine. L’un est mort de soif à la frontière algérienne lors d’une déportation. L’autre est mort en mer, avec un autre fils plus âgé, lors d’une malheureuse tentative de passer de l’autre côté du détroit de Gibraltar.
Evelyn était en rade depuis des années dans ce port du bout nord de l’Afrique. Les yeux rivés sur la côte espagnole se profilant à moins de 20 kilomètres. Sans pouvoir tenter d’autres voies plus coûteuses : l’assaut des grillages des enclaves espagnoles de Ceuta ou Melilla ou, plus au Sud, la traversée de la Mauritanie vers les Iles Canaries. Pour survivre, Evelyn préparait et vendait des beignets, faisait un peu d’aumône, comptait sur la protection de son "fiancé". Mère des mères, elle s’occupait des nouveaux-nés de ses jeunes compagnes d’infortune, les épaulait dans leur piaule vétuste de la médina.
En juillet dernier, alors que les pays membres de l’Union européenne débattaient entre eux à Cannes de leur projet d’immigration et d’asile, la météo était favorable aux traversées. Malgré les radars de la citadelle Europe et les vagues du destin, Evelyn a de nouveau tenté sa chance. Elle a payé son ticket dieu seul sait comment. La patera était surchargée (une quarantaine de passagers), probablement sans marin à bord (les passeurs ne prennent plus le risque de faire des aller-retour, mais confient le cap à l’un des candidats). Les vagues ont été les plus fortes.
Evelyn a sûrement essayé de protéger les enfant à bord, de la peur, de la soif, des brûlures du soleil et du carburant. La patera a chaviré au large de Motril, dans la province espagnole de Grenade. Evelyn ne savait pas nager. Elle a rejoint ses enfants. Son nom et ceux de treize autres personnes se sont ajoutés aux milliers de victimes sur la liste sans fin des immigrés clandestins naufragés de l’Europe dans le détroit de Gibraltar."
Sinon, voici décortiqués, analysés et démontés dans Le Monde, les chiffres de l'immigration du Ministère de l'identité nationale. Et bravo à Patrick Weil pour ce travail.