Un article de Libération sur les méfaits de la pub chez les jeunes enfants
Passionnante étude que celle publiée par les Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine dans leur livraison du mois d'août. Elle prouve que la pub marque bel et bien le cerveau des très jeunes enfants au point de guider leurs perceptions et leurs goûts.
La recherche a été menée par une équipe de médecins et chercheurs américains, dirigée par le Dr Thomas Robinson du département de pédiatrie à la fac de médecine de l'université de Stanford (Californie).
Pour leur expérience, les chercheurs ont pris pour cobayes 63 enfants entre 3 et 5 ans, donc d'âge préscolaire. Ces petits ont été recrutés dans la région de San Mateo en Californie, via des centres sociaux aidant les familles à bas revenus.
L'objectif était de tester si les préférences des très jeunes enfants étaient influencées par un marketing intense.
Sur quelle marque les scientifiques ont-ils jeté leur dévolu ? Eh bien sur McDonald's, «le plus gros annonceur aux Etats-Unis», expliquent-ils. S'ils ont choisi d'étudier les produits de cette marque, c'est aussi parce que 20 % des petits Américains sont obèses (une proportion qui a triplé en quarante ans), parce que l'OMS et la FAO ont estimé dans un rapport commun datant de 2003 que la publicité pour les aliments très énergétiques et le fast-food constitue une «cause probable» de l'augmentation du surpoids et de l'obésité parmi les enfants du monde entier.
Concrètement, l'expérience s'est déroulée ainsi : chaque enfant s'est vu proposer deux échantillons de nourriture parfaitement identique, l'un présenté dans un emballage portant le logo de McDo, l'autre dans un emballage neutre.
L'enfant devait goûter les deux échantillons et dire si ça avait le même goût ou, sinon, indiquer lequel il préférait.
Une série de cinq aliments et boissons a été testée : un quart de hamburger, un Chicken Nugget, des frites, ces trois aliments venant du McDo voisin ; les chercheurs ont également proposé deux échantillons de lait ecrémé, l'un servi dans une tasse avec couvercle et paille McDo, l'autre dans une tasse similaire sans logo. Dernier aliment proposé: des mini carottes, placées dans un sachet de frites McDo et dans un sachet neutre.
Résultat: les enfants ont très largement préféré le goût des aliments estampillés McDo, c'est-à-dire quand ils pensaient que ceux-ci venaient de chez McDonald's.
Pour le hamburger, cela été le cas de 48,3 % des enfants, tandis que 36 % ont dit préférer le hamburger qui était emballé dans un sachet neutre et que 15 % ont trouvé le même goût aux deux échantillons.
Pour le Chicken Nugget, 59 % ont préféré celui dans l'emballage McDo, 18 % le neutre, et 23 % ont trouvé le même goût aux deux échantillons.
Quant aux frites, c'est le record : 76 % ont préféré celles au logo McDo, 13 % celles dans un sachet standard, et 6 % n'ont pas fait la différence.
S'agissant du lait, les résultats sont du même ordre (61 %, 21 %, et 17 %).
A noter le cas des carottes : alors que ce produit n'était pas à l'époque de l'étude aux menus de McDonald's, les enfants ont, à 54 %, préféré celles emballées McDo ! 23 % ont jugé meilleures celles dans un sachet neutre, et 23 % ont trouvé que c'était kif-kif.
Préalablement à l'expérience de dégustation, les parents des enfants, pour moitié d'origine hispanique, avaient eu à remplir un questionnaire. Avec notamment les interrogations suivantes: à quelle fréquence ils emmenaient leurs gamins dans un restau McDo (39,7 % entre une et trois fois par mois) ; le nombre de téléviseurs dans la maison et si l'enfant en avait un dans sa chambre (réponse positive dans 57 % des cas) ; s'il y avait à la maison des jouets McDo (offerts dans les menus enfant Happy Meals) (oui dans 76 % des cas).
A l'issue de l'expérience et de son analyse, l'équipe du Dr Robinson préconise de «réguler voire de bannir la publicité et le marketing des produits hautes-calories et à faible valeur nutritionnelle, ou d'interdire tout marketing visant directement les jeunes enfants». D'autant, estiment les chercheurs, qu'une telle pub est «par essence déloyale» (inherently unfair), parce que «les moins de 7/8 ans sont incapables de comprendre les visées persuasives de la publicité». A noter qu'en France, McDo ne diffuse plus de spots télé dans les dessins animés du matin, quand les enfants sont seuls à regarder.
Autre conclusion de l'équipe, en forme de bonne nouvelle : puisque les effets de la pub McDo sont très nets sur les petits, on peut imaginer que des campagnes pour des produits plus sains influenceront pareillement les choix et les goûts des enfants. Avec cependant un sacré bémol : encore faudrait-il que les campagnes de prévention et de santé publique soient aussi massives que la pub McDo…
• Marie-Dominique Arrighi •
NDLR
Je suis personnellement persuadé depuis longtemps que la pub a considérablement influencé les jeunes générations. A tel point qu'il ne leur vient pas même pas à l'idée de remettre en cause la société de consommation. !de quelque façon que ce soit ! Voir mon
billet "A bas la pub" à l'adresse : http://www.deridet.com/index.php?action=article№=4
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LES COMMENTAIRES (1)
posté le 07 janvier à 16:24
Il est évident que viser les enfants dans les promotions de marketing est une chose aberrante, mais de ne pas réagir est encore plus surprenant. Nous sommes vraiment soumis à la loi marchande et nous en sommes très affaiblis...
Les chercheurs devraient se pencher d'avantage sur ce phénomène vis-à-vis les enfants roi... voire, les enfants aux cerveaux lessivés.