Pascal Salin ne se contente pas d'affirmer, il démontre : "La cause essentielle de cette crise, écrit-il, provient [...] de l'extraordinaire variabilité de la politique monétaire américaine au cours des années récentes. Or, celle-ci est bien évidemment décidée par des autorités publiques et non déterminée par le marché [...]. Pendant toute la période de bas taux d'intérêt et de crédit facile, le monde a été submergé de liquidités. Afin de profiter de cette magnifique occasion de profits faciles, les établissements financiers ont accordé des crédits à des emprunteurs de moins en moins fiables, comme l'a montré la crise des "subprimes" (voir mon article Le marché du crédit hypothécaire perverti par l'interventionnisme ). Lorsque l'on est revenu à des taux d'intérêt plus normaux, les excès du passé sont apparus au grand jour : c'est l'éclatement de la "bulle financière".
A cette cause essentielle il faut ajouter des facteurs aggravants : la certitude implicite d'un sauvetage par les autorités publiques en cas de difficultés (voir mon article La bouée étatique à l'origine de la crise financière ) - ce qui n'a pas manqué, et qui n'incite pas à la responsabilité - et le contournement par les banques de leur obligation arbitraire de maintenir un ratio de 8% de fonds propres sur avoirs, en dissimulant une partie non négligeable de leurs encours derrière le paravent d'autres organismes, tels que des fonds d'investissement. On a donc créé des liquidités artificielles. Au lieu de fonder la croissance sur des fonds propres, on l'a fait sur du crédit, et sur une apparence illusoire de fonds propres. On a imposé un résultat qui "ne remplacera jamais le libre jeu des décisions d'être humains responsables (c'est-à-dire capitalistes)".
Il ne faut pas confondre régulation et réglementation. La régulation de l'activité économique est le résultat du libre fonctionnement des marchés : "les actions de ceux qui interviennent sur les marchés apportent de nouvelles informations qui les conduisent à s'ajuster continuellement à leur environnement". La réglementation, ou régulation étatique, est la prétention d'un petit nombre qui détiendraient "des informations meilleures et plus nombreuses que les innombrables intervenants des marchés", ce qui justifierait qu'ils soient "chargés de réglementer et de contrôler les autres".
Un modèle de référence serait caractérisé par un système où la création monétaire arbitraire serait impossible et se traduirait par une monnaie stable et par une évolution lente et prévisible des prix; par une épargne abondante et volontaire, répartie "entre des fonds propres, rémunérés par un taux de rendement risqué et donc variable, et des fonds prêtables rémunérés par un taux d'intérêt fixé à l'avance de manière contractuelle entre prêteurs et emprunteurs". Ce modèle de référence a existé, au XIXe siècle...
Aujourd'hui il en va tout autrement : "Le taux d'intérêt n'est plus déterminé uniquement par le marché des fonds prêtables, mais il est devenu un instrument de la politique monétaire. La création monétaire est entre les mains des autorités publiques et celles-ci déterminent le taux d'intérêt, soit directement, soit indirectement par les achats et les ventes d'avoirs financiers de la banque centrale. Il en résulte qu'un écart plus ou moins important peut exister entre le taux d'intérêt résultant de la politique monétaire et le taux d'intérêt qui reflète la rareté relative de l'épargne prêtable, celui qui serait déterminé par les désirs des prêteurs et des emprunteurs".
La "politique d'argent bon marché" est destinée à stimuler l'activité économique et l'investissement. En réalité l'épargne étant insuffisante on crée de la monnaie et "corrélativement le taux d'intérêt diminue. Cette baisse d'intérêt est totalement artificielle puisqu'elle laisse croire que l'épargne prêtable est plus abondante qu'elle ne l'est en réalité. Ce faisant, les autorités publiques donnent une information fausse aux marchés [...]. Le taux d'intérêt étant bas, les emprunteurs sont incités à emprunter plus, pour financer des investissements, pour acheter des actifs financiers ou pour acheter des logements (cas des Etats-Unis ou de l'Espagne au début du XXIe siècle). C'est ainsi que naissent les "bulles financières" ou les "bulles immobilières"." Effet pervers : "la baisse d'intérêt effectif réduit l'offre de fonds prêtables".
Pascal Salin parle de "l'illusion de la relance économique" ( voir la vidéo dans mon article Les politiques
Le dirigeant politique doit donc faire quelque chose. Heureusement pour lui il y aurait "une règle simple, inspirée de la théorie keynésienne : pour relancer l'activité économique, il faut accroître la demande globale et, pour cela, il faut soit augmenter les dépenses publiques, soit relancer la consommation, soit encore créer de nouvelles liquidités monétaires". On a vu ce qu'il en était de la création monétaire. Les dépenses publiques, ce n'est pas mieux : "[elles] ne créent pas de nouvelles richesses; elles ne consistent qu'à prendre à certains la richesse qu'ils ont créée afin de l'utiliser pour acquérir des biens choisis arbitrairement par les politiciens et les bureaucrates".
Pour relancer la consommation "Obama a promis de baisser l'impôt sur le revenu pour 95% des Américains, ce qui serait très bien (s'il peut jamais y parvenir). Mais cela serait très bien non pas parce que c'est censé accroître la consommation - étant donné que la croissance nécessite l'accumulation de capital, soit de l'épargne et non de la consommation - mais parce que cela introduirait davantage d'incitations à travailler plus, épargner plus, engager davantage de salariés, etc."
Le problème est que dans le même temps Obama a prévu "d'augmenter les taux d'imposition marginaux sur les hauts revenus", ce qui provoquera inévitablement un ralentissement économique : "La raison en est que dans n'importe quelle société, toutes les personnes sont interdépendantes : si l'on décourage un entrepreneur d'investir et de créer de nouveaux emplois, cela entraîne un taux de croissance plus faible et un taux de chômage plus élevé".
Comme on le voit, nos dirigeants ont tout faux. Pascal Salin va encore plus loin : "Contrairement à ce qu'on a tendance à penser, les faillites sont créatrices et non destructrices : le maintien des entreprises en difficulté perpétuerait les mauvais choix, alors que les faillites permettent de transférer leurs actifs vers des propriétaires et managers qui sauront mieux les utiliser".
Le moins qu'on puisse dire est que Pascal Salin ne pratique pas la langue de bois. Il ne nous laisse d'ailleurs aucun espoir sur le financement des folles dépenses que nos dirigeants s'apprêtent ou ont déjà commencé à faire : "ils ont recours à l'impôt - diminuant d'autant le pouvoir d'achat des citoyens - ou à l'emprunt - limitant alors les ressources nécessaires à l'investissement".
Fermez le ban !
Francis Richard
L'internaute peut écouter sur le site de Radio Silence (ici) mon émission sur le même thème.