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Les commentaires de blog

Publié le 16 janvier 2009 par Argoul

Il y a un moment que je veux me pencher sur cette partie de la littérature qui a émergé avec la nouveauté technologique. J’ai déjà évoqué les blogs en général et les blogs ados en particulier. J’ai aussi cherché à comprendre pourquoi la réflexion était si peu répandue, au contraire du réactif et du zapping.

Prenons comme cas concret ma note d’hier sur « L’éducation et le mal français ». Tout d’abord, une autocritique : j’ai voulu trop embrasser, ce qui a désorienté les lecteurs. On croit le savoir, en journalisme, c’est une idée un billet – pas plus, sinon le lecteur perd le fil. C’est encore pire sur écran où la lecture n’est pas aisée. J’ai donc juxtaposé les « contradictions » des revendications sur l’éducation et les « maux français ». Certes, la liaison est logique, mais la polémique politique de la fin étouffe les exemples concrets du début. C’est une erreur de mise en scène, j’aurais dû faire deux notes séparées.

Le sujet a intéressé : 2322 visiteurs hier contre 950 la veille. C’est le cas des sujets d’actualité (Ségolène contre les éléphants, Obama victorieux, le conflit à Gaza…). Ensuite, le ton polémique et argumenté a plu (avec les réserves ci-dessus) : 12 commentaires, ce n’est pas mal pour un blog plutôt « difficile ». En revanche, aucune femme n’est venu commenter (ou alors déguisée en pseudo-mec). Est-ce le ton polémique qui ne plaît pas à l’élément féminin ? Ou le découragement à vouloir trop dire ?

Examinons les commentaires. Il y a les partagés (Pierre) les opposants (El-Kaïm, Sabotage, Laurent) et les approbateurs (Nigel, Manu). C’est bien le signe que la note est plutôt équilibrée, donnant des arguments pour et contre, en tout cas faisant penser tout l’éventail des opinions. Il y a ceux qui réfléchissent et qui complètent (Pierre, Ben, Hermann) et ceux qui se contentent de “réagir” sans même penser (El-Kaïm, Sabotage). Cette dernière attitude renvoie au manque de leur éducation (ils n’ont pas les mots pour le dire ni la méthode pour l’exposer), à l’immédiateté d’époque (on est épidermique, émotionnel, superficiel) et au communautarisme rampant (chacun chez soi, on reste entre nous, vibrer en bande).

Par exemple Sabotage, c’est du style Renaud, casse-toi t’es pas d’ma bande, niveau petit caïd de banlieue qui ne supporte pas qu’on regarde sa meuf - sa jouissance perso. Sabotage énumère une litanie d’expressions vides, sans jamais donner un exemple. Il ne s’agit que d’affirmations gratuites énumérées en liste, le niveau zéro de la pensée critique. Il a découvert la base de données, mais pas encore le logiciel : penser, critiquer, faire avancer le débat, ça s’apprend. Il y a des règles de rhétorique et des exemples à donner si l’on veut avancer. Non, pour lui la démocratie, le débat, il s’en fout. Il se contente d’affirmer et de réaffirmer son moi-je dans son ghetto culturel. Histrionisme affiché “de gauche” mais paroles strictement réactionnaires, sans aucune volonté de faire avancer quoi que ce soit, ni de convaincre ceux qui n’appartiennent pas déjà à sa bande. Autre exemple, El-Kaïm n’a rien compris et n’a surtout pas lu (ou voulu lire) ma précision à Pierre, pourtant juste au-dessus de son “commentaire”. S’il note ses élèves avec autant de superficialité que son jugement sur ce billet, pôvres gamins ! En revanche Laurent, pas d’accord, le prouve avec des arguments. Sauf la 2ème partie de son commentaire, misérabiliste et un tant soit peu naïf - quoi, profs persécutés, êtes-vous donc seuls au monde ? « Agression, insultes, manque de considération, difficultés d’exercice » - mais tout cela n’est-il pas le lot de quasiment tous les métiers (y compris Président de la République) ? Demandez aux flics, aux médecins urgentistes, aux guichetières de Poste, aux caissières de supermarché, aux employés de banque, aux conseillers en patrimoine même, soi-disant “privilégiés” (salaire), quand ils doivent trouver le mouton à 5 pattes pour le client jamais content qui exige plus de performances, sans aucun risque et sans aucun impôt bien sûr ? Ne vous apitoyez pas sur vous-même, Laurent.

Mais la profitude n’était pas le sujet de la note. Il s’agissait de montrer la pente naturelle du tempérament humain, prof comme élèves et gouvernement tous prêts à « ne rien faire » ou à « reculer » pour avoir la paix. Comme tous (c’est humain) chacun est tenté d’en faire le moins possible pour le maximum d’avantages. C’est cette pente qu’il ne faut pas encourager par la démagogie, si l’on veut faire société. Et ne surtout pas inciter les mineurs à la débauche par ce déplorable exemple ! (Débaucher = ‘faire défection’ au travail) Que les ados s’opposent, rien que de plus normal, c’est dans leur « programme » pour grandir. Mais que les adultes s’assument aux responsabilités, c’est bien leur rôle. En cela, les contradictions pointées (qui n’échappent pas aux yeux acérés des gamins) sont encore à résoudre.

Il faut bien que les gens se dévouent : et pas seulement pour “le salaire”. C’est là où je rejoins en partie Sabotage avec sa critique (outrée et premier degré mais où il y reste un vague quelque chose) de ce qu’il appelle la “société ultra-libérale”. Le libéralisme n’a rien à voir avec ce qu’il dénonce, mais la déviation des mots est tellement française qu’il faut bien prendre en compte ce genre de jugement tordu. « Liberal », aux États-Unis, c’est être « libéral » au sens français des Lumières, c’est-à-dire pour l’intervention de l’État dans ses missions d’intérêt général. Et c’est dans ce sens exact que j’emploie toujours le mot « libéral ». La lumpen-intelligenstia a fabriqué sa petite poupée vaudou pour lui piquer les critiques limitées qu’elle  sait (et éviter de parler des « vraies » questions sur la dérive du système à l’américaine, dont on voit les dégâts en 2008). Mais on voit ce qu’il veut dire : il y a des comportements qui ne sont pas marchands et des choses qui valent qu’on se batte pour elles. Enseigner en est une. Mais ce n’est pas en braillant avec les hormonaux opportunistes (chic, on va louper les cours !) qu’on sert la politique qu’on veut.

Et qu’on ne vienne pas me dire que la « défense des zacquis » en termes de postes, de salaire, d’horaires ou d’organisation du travail, ce n’est pas du corporatisme ! Le corporatisme est la pente paresseuse du ghetto professionnel. C’est vrai dans tous les métiers, mais particulièrement en France (pas en Allemagne ni dans les pays scandinaves), dans la fonction publique ou semi (SNCF), où l’État est considéré comme un « patron » capitaliste-exploiteur-émanation-de-la-classe-dominante que l’on peut faire cracher à merci. Alors que l’État c’est vous, c’est nous, c’est l’intérêt général au-dessus des partis et des intérêts catégoriels.


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