Passée le post-punk, cette fichue décennie a été triste à mourir sous ses faux airs de paillettes et de strass, et on lui doit, probablement la plus sinistre cuvée ever, j'ai nommé l'improbable année 83, merdeuse entre toutes !
Pourtant, cette même année, les choses s'organisent ; et certains groupes d'outre-Manche ont essaimé quelques délicieux premiers singles, EP's voire des LP's parfois difficilement dégrossis....mais prometteurs ! Ces groupes essentiels ont pour nom Smiths, Felt, Lilac Time, Monochrome Set, Pale Fountains......ils ont même leurs cousins US, les R.E.M, les Apartments.....
Las, de la pop neurasthénique, toujours et encore ! Et même si la pop-folk princière est mise à l'honneur avec les noms cités, il manque cependant un combo couillu, burné, reprenant le combat sur les braises du punk, un groupe sulfureux, qui dérange et qui divise : ce sera les Jesus And Mary Chain !
Déjà, ce nom ! Ensuite , l'emballage : ce look improbable de proto Robert Smith hirsute (pléonasme !) et de jeune lycéen acnéique et en rage contre la terre entière, la fratrie Reid était en soi tout un poème ! Si l'on ajoute en sus l'accent rocailleux du Barras district de Glasgow, d'obédience catholique - ô ironie - l'une des faces B épiques du groupe ne s'intitule-t-elle pas "Jesus Sucks" ?- on ne peut imaginer meilleurs gimmicks pour ressortir du lot !
Alors, à l'heure où est sorti l'admirable DVD The Power Of Negative Thinking, mis à disposition des meilleurs hottes du Noël passé, et consistant en un plantureux menu de faces B et d'inédits, force est de nous rappeler de quelle façon les Glaswegians se sont révélés aussi essentiels à la face de l'indé !
Un premier single qui fait resurgir un "Vegetable Man" des limes de l'oeuvre de Syd Barrett, une oeuvre parallèle (façon les Smiths) , j'entends celle des "chutes", des rogatons oubliés, pratiquement aussi pléthorique et réussie que l'oeuvre officielle, se référer pour cela aux compiles Barbed Wire Kisses (1988)et The Sound Of Speed (1993).
A quoi ressemblait donc ce déferlement de chaos qu'était la musique des Mary Chain ? Oh, sans doute pas aux Beach Boys, comme il l'est parfois abusivement mentionné ; mais plus sûrement à l'oeuvre des Ramones qui sous son apparente facilité, et parfois uniformité diront les plus ronchons !, recélait des trésors de chansons pop simplissimes, mais qui méritaient toute la leur légitimité de classiques !
Alors, pour un groupe privilégiant autant l'apparence, la provoc dans la forme, ne manquait plus que la valeur ajoutée qui allait rendre leurs refrains angéliques terriblement ensorcelants. Pour ce faire, les deux frères eurent l'idée de conjuguer leur savoir-faire pop à une production velvetienne en diable ; et non pas celle posée ou léchée de The Velvet Underground (1969) ou de Loaded (1970), mais plutôt celle faite de distortions crades et crues façon White Light White Heat (1967). Il faut d'ailleurs voir sur les videos d'époque un Bobby Gillespie (futur frontman des Primal Scream juvénile, tapant de façon martiale debout sur ses futs, tel une Moe Tucker réincarnée !
Pour le reste, point de shoegazers de toute sorte sans ce disque - ce qui en soi......- mais surtout point de pop noisy façon My Bloody Valentine, Boo Radleys ou Wedding Present sans les JAMC - et que dire des pitres de BRMC !- mais plus grave, sans doute les Magnetic Fields n'auraient jamais émergé : se souvenir qu'un dizième (sic !) de 69 Love Songs, constitue un hommage évident à Psychocandy !
L'influence de ce disque fondateur se retrouve du reste dans chez de nombreux artistes ; que penser par exemple de la superbe ballade "Just Like Honey" là utilisée dans le soundtrack du Lost In Translation de Sofia Coppola, ici repris par Alela Diane au sein du superbe projet Headless Heroes.
A quoi tient cet héritage, alors ? Bien sûr à ce son, entrelacs effarant de guitares à fil de fer barbelé, tout pour la distorsion ! Bon, les JAMC n'ont rien inventé en 85 ; déjà le lutin Dave Davies avait eu l'idée géniale de lacérer son ampli à coup de cutter pour lui donner cette saturation si caractéristique, sur les premiers singles des Kinks, et puis, il y avait eu Sister Ray, donc....
Mais rien qui ressemblât de près ou de loin à ces stridences, au son crissant que l'on peut entendre à l'intro de Never Understand, ou sur l'insolent et ébouriffant tryptique que constituent "The Living End", "In A Hole" et "Taste The Floor". Heureusement, quelques midtempos à tomber (" Cut Dead", "It's So Hard") - ce qui sera bientôt la marque de fabrique du groupe- parsèment le disque pour nous permettre de récupérer de cet uppercut !
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En bref : Pour qui n'a jamais entendu Etienne Daho chanter sous fond de perceuses électriques et a envie de se faire vriller le tympan de manière irréversible au son de chansons pop fédératrices !
Le site des Jesus And Mary Chain, leur Myspace
"The Living End" :