Leila Khaled Hijacker est un film documentaire de Lina Makboul, réalisé en 2005, sur la jeune Palestinienne qui avait défrayé la chronique à la fin des années 60 pour avoir détourné deux avions de ligne, au profit de la cause du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP).
Contrepoint intéressant en ces temps de conflit extrême et insupportable dans la bande de Gaza, le film de Lina Makboul, Suédoise d’origine palestinienne, brosse un portrait intelligent, mesuré et émouvant de la militante du FPLP. Leila Khaled fut et reste une icône pour tous les Palestiniens, comme pour la jeune réalisatrice, qui cependant n’hésite pas à casser le mythe, à poser des questions qui fâchent à son idole : “Vous êtes quand même une terroriste, comment pouvez-vous justifier cela?” Et plus loin : “Comment justifie-t-on que le FPLP ait entraîné des enfants à faire la guerre civile?” Elle filme Leila Khaled, l’icône glamour de la Palestine, l’ancienne beauté détourneuse d’avions, en pyjama, passant l’aspirateur en pantoufles, essayant de la gaver de brochettes en vraie mamma arabe.
Je me suis aperçue que Leila Khaled n’avait aucun regret, dit la jolie voix de la réalisatrice dans son commentaire. Est-ce que le terrorisme est toujours condamnable? Peut-être pas. Je ne vous donne pas, ici, la clef de sa réflexion, car elle la délivre un peu plus loin, et vous verrez que derrière ce qui peut apparaître comme une provocation se cache un point de vue profond et intelligent sur le conflit israélo-palestinien. Impliquée, prête à faire exploser le mythe, Lina Makboul rend visite aux pilotes des avions détournés, à une des hôtesses de l’air, aux otages. (Il est important de souligner que ces détournements d’avion n’ont fait aucune victime). La réalisatrice multiplie ainsi les points de vue, et on peut craindre qu’elle en oublie de prendre parti. Mais ce n’est pas le cas. Comme le dit l’hôtesse de l’air interviewée : C’est tout de même une grande injustice que les Palestiniens n’aient toujours pas de pays aujourd’hui.
Venons-en maintenant aux qualités esthétiques du film ; si la caméra procède à quelques mouvements un peu maladroits (zooms et dézooms mal contrôlés, hésitations de cadre…) le montage extrêmement dynamique, fort de nombreuses images d’archives, d’interviews, de moments forts partagés entre la réalisatrice qui entre volontairement dans le cadre, et son sujet, et un travail du son particulièrement intéressant, fait de Leila Khaled Hijacker un moment de pur plaisir cinématographique. On ne baille jamais devant cette histoire, pourtant complexe et chargée de faits de guerre très lourds (massacres de Deir Yassin en 1948 et de Chatila en 1982, exode des Arabes de Haïfa en 1948). Lina Makboul maltraite son icône, la montre parfois dure, cassante, trop campée sur ses positions politiques. Ce qui la rend d’autant plus émouvante, lorsqu’elle fond en larmes devant un morceau de carrelage que la réalisatrice lui a rapportée de sa maison de Haïfa. Mon rêve, dit Leila Khaled dans une de ses interviews, quand la Palestine sera libre, ce sera de dormir trois jours sous un arbre à Haïfa. Pas dans une maison. Je veux sentir la terre.
On peut craindre que ce rêve ne reste qu’un fantasme. Leila Khaled a aujourd’hui soixante-cinq ans. Si voir ce film, quatre ans après sa réalisation et au moment où le Hamas et Israël se sont engagés dans une guerre atroce, ne justifie en aucun cas les actions du premier, il peut au moins aider à comprendre un peu le pourquoi de cette escalade de violence.
Leila Khaled aujourd’hui.
Je ne suis pas sûre que vous pourrez trouver le film aisément en boutique en France, mais il existe sur Internet et vous pouvez vous le procurer ici, pour peu que vous parliez anglais… ou suédois !