L'année 2008 est-elle une année pour rien ? Pascal Décaillet pose la question sur son blog ( ici ) dans un article paru le 26 décembre. Cette question est fondamentale pour tous ceux qui se soucient de l'avenir de la Suisse, indépendamment,
mais compte tenu, des circonstances.
Pascal Décaillet précise d'emblée quelle est son interrogation : "Le coup du 12 décembre 2007, à moitié rattrapé par celui du 10 décembre 2008, n'a-t-il pas fait perdre un an à la
Suisse ? La question, sérieusement, se pose. Un pays a-t-il intérêt, en termes d'efficacité, à bouter hors de son gouvernement le parti arrivé nettement en tête aux élections ?".
Au soir de l'élection d'Ueli Maurer au Conseil fédéral, j'écrivais : "Pendant un an les comploteurs du 12 décembre 2007 ont plongé le pays dans la division. La Providence a permis que cette
parenthèse fratricide soit refermée un an plus tard." (voir mon article ici ). Pascal Décaillet emploie lui l'expression
"à moitié rattrapé". Il a raison puisque tout n'est pas résolu pour autant.
Comme le souligne Pascal Décaillet, l'UDC, puisqu'il s'agit d'elle, aurait très bien pu ne pas se ranger dans l'opposition, mais elle y a été logiquement poussée. Pascal Décaillet
explique : "Le Parlement, pour le choix des conseillers fédéraux, est certes souverain, mais cette souveraineté est inséparable d'une responsabilité : quand on humilie un parti entier, a
fortiori le vainqueur des élections, il faut bien s'attendre à quelques conséquences".
Cette parenthèse d'un an a eu le mérite de faire sortir du bois les tenants d'une concordance qui ne serait pas seulement arithmétique mais concordance sur des objectifs gouvernementaux . Avec
raison Pascal Décaillet s'indigne que l'on ait voulu mettre en oeuvre une telle concordance en cours de législature : "On vient changer les règles pendant le jeu, et cela, ça n'est
absolument pas acceptable".
Pascal Décaillet va plus loin. Aujourd'hui les tenants de cette nouvelle concordance forme une "alliance, tricotée dans l'imaginaire, sous paravent de morale, en fait pour les
besoins de la manoeuvre, entre une partie du centre-droit et les socialistes, contre l'UDC, (qui) est une formule de pure convenance pour se maintenir, entre soi, au pouvoir". Mais demain
?
Demain, à ce compte-là, les socialistes pourraient très bien être renvoyés "à leurs chères études" : "Pourquoi pas, un jour, une alliance entre l'UDC, les libéraux-radicaux, et le PDC, à
eux trois largement majoritaires dans la sociologie électorale"? J' y faisais allusion dans mon article du 1er décembre sur le Groupe 13 ( ici ) : "L'esprit de la démocratie de concordance a (...) permis au parti socialiste de figurer au gouvernement à
majorité bourgeoise (...). Il ferait bien de ne pas l'oublier".
Les deux élections, celle du 12 décembre 2007 et celle du 10 décembre 2008, ont un autre mérite. Elles conduisent à se poser la question du bien-fondé de l'élection du Conseil fédéral par le
Parlement, puisque le Parlement a du mal à assumer sereinement sa responsabilité.
Dans un autre article, cette fois paru dans Le Temps ( ici ), en date du 29 décembre, Philippe Roch, ancien secrétaire d'état, explique qu'il est possible, et même
souhaitable, que l'élection du Conseil fédéral soit faite par le peuple. Ce mode d'élection, avec un peu d'imagination, permettrait de conserver les valeurs essentielles auxquelles le peuple
suisse est attaché : la séparation des pouvoirs - incompatible avec l'élection de l'exécutif par le législatif -, la représentation des minorités et la concordance.
Philippe Roch propose que des équipes de 7 candidats se présentent au premier tour et que ne soient retenues pour le second que les deux ou trois équipes arrivées en tête. Chaque
équipe devrait remplir quelques conditions. Par exemple "être composée au moins de trois hommes et trois femmes, et au moins de deux Alémaniques et deux Latins", afin de représenter
les femmes et les régions.
Philippe Roch laisse alors libre cours à son imagination : "On imagine que dans la composition parlementaire actuelle une équipe constituée d'une personne de la ligne dure de l'UDC, d'une
personne de sa ligne traditionnelle, d'une personne pour chacune des tendances radical-libérale, PDC, et verte et de deux de gauche sortirait gagnante".
Et va jusqu'au bout de son rêve : "La constitution de ces listes permettrait à des personnalités de s'assembler par affinité personnelle malgré leur diversité politique et de constituer ainsi une
véritable équipe gouvernementale. Le lien des personnes avec les partis serait moins absolu qu'aujourd'hui, et l'on peut imaginer des équipes comportant des personnalités connues du public,
occupant des postes à responsabilité dans le monde associatif, économique, scientifique, sportif ou artistique sans qu'elles aient eu préalablement une expérience parlementaire".
Je laisse à l'internaute le soin de lire cet article dans son entier s'il veut en savoir davantage sur les idées de Philippe Roch. Pour ma part je retiens de ces propositions qu'elles
n'auraient jamais été faites sans les dégâts provoqués par le coup parlementaire du 12 décembre 2007. En ce sens, si elles sont un jour suivies d'un quelconque effet, l'année 2008 n'aura
pas été complètement perdue.
Francis Richard
L'internaute peut écouter sur le site de Radio Silence (ici) mon émission sur le même thème.