Quels sont les produits concernés ? « Les produits les plus importants de toutes les grandes marques, nous dit-il. (…) Il s’agit des produits leaders, à savoir les produits de marque
qui typiquement sont aussi proposés dans les discounts ».
Cette baisse « historique » serait-elle donc une réponse à l’arrivée prochaine d'un nouveau discounter allemand sur le marché helvétique tel qu'Aldi ? Que nenni répond Monsieur Loosli : « Non, nous redistribuons à nos clients les fruits de nos efforts ».
Coop comme son nom l’indique est une coopérative - Migros itou d'ailleurs. Aussi son patron ajoute-t-il : « Comme nous n’avons pas d’actionnaires auxquels verser des dividendes, nous pouvons réinvestir une partie du bénéfice. Et c’est exactement ce que nous faisons, lorsque nous baissons les prix des plus importants articles de marque de 100 millions de francs ».
Coop baisserait ses prix de produits de marque sans acheter meilleur marché. Et les prix de ses autres produits de marque resteraient inchangés. Il faut donc en conclure que Coop accepte de réduire ses marges, obtenues grâce à de substantiels gains de productivité, et d'en faire profiter ses clients.
La fusion, en 2001, des coopératives régionales Coop a permis à l’administration interne d’être plus efficiente. L’investissement dans l’informatique et la simplification des processus ont permis la diminution des coûts de distribution, de même que la vente de centres non indispensables, au profit de l'acquisition de nouveaux points de vente, et de centres de logistiques, plus performants.
En 2005 ont été lancés les produits « prix garantie » au nombre de 400 aujourd’hui. Coop commercialise également des produits sous sa marque, destinés à rivaliser avec les produits Migros. A tous ces produits s’ajoutent ceux de la qualité « premium ». Ce qui fait dire à Monsieur Loosli : « Nous offrons ainsi à nos clients le plus grand choix à la même enseigne ».
Dans Le Matin du 6 janvier ( ici ) c’est-à-dire le même jour que la parution de Coopération, on apprenait que Coop avait réalisé en 2008 une
croissance de 16% de son chiffre d’affaires, par rapport à 2007, chiffre d’affaires qui s’établit en 2008 à 18,3 milliards de francs, pour un total de 1885 points de vente contre 1739 l’année
précédente.
Sans compter les acquisitions de Fust et de Carrefour, la croissance de Coop est de 9%, ce qui est d’autant plus remarquable que dans le même temps les prix chez Coop n’auraient
augmenté en moyenne que de 0,9% , soit de 1% de moins que la moyenne du secteur, Coop ayant réduit les tarifs de 480 de ses articles en 2008.
Le même jour, 6 janvier - une véritable épiphanie de la grande
distribution - on apprenait sur le site de Romandie.ch (ici ) que Migros « avait réalisé l'an dernier un
chiffre d'affaires en hausse de 13 à 15% par rapport au résultat record de 2007, soit 22,7 milliards de francs, selon une estimation livrée par son patron. Le bénéfice du groupe a toutefois pâti
de la crise financière ».
Car la Fédération des coopératives Migros fait des placements. 2008 ayant été ce que nous savons, ces placements vont obérer le résultat opérationnel de 2008, pourtant « un
des meilleurs résultats de son histoire ».
Interrogé le même jour sur l’offensive sur les prix de Coop, le patron de Migros, Herbert Bolliger, a affirmé que Migros ne la laisserait pas sans réponse.
La première réponse à Coop est toutefois venue de Manor qui, le 9 janvier, nous rapporte la
Tribune de Genève ( ici ), réplique ainsi, par la voix de son patron,
Markus Laub : «Nous réagissons en effet à l’annonce de notre concurrent avec une diminution comparable de nos propres prix. Et elle porte sur le même nombre de
produits».
Deux jours plus tard, une semaine après l’annonce de Coop, Migros, le 11 janvier (voir ici la dépêche parue dans 24 Heures du 12 janvier), « baisse à son tour avec effet immédiat les prix de 150 articles de marque ». La réponse de Migros n’a donc pas non plus
traîné. Pour être complet il faut préciser, comme le rappelle la dépêche de 24 Heures, que l’assortiment de Migros est constitué à 90% de marques
propres.
On ne peut donc pas dire que l’annonce fracassante de Coop ait laissé le petit monde de la grande distribution sans réactions.
Là-dessus le journal de défense des consommateurs, Bon à Savoir, décide de faire un contrôle de ce que tous ces braves gens annoncent.
Sa rédactrice en chef, Zeynep
Ersan Berdoz , après une enquête menée à Lausanne, lundi 12 et mardi 13, publie le 13 une lettre ouverte ( ici ) à Monsieur Loosli. Lettre qui, à son tour, fait du bruit. Madame Berdoz souligne que
seuls 600 articles sur un total de 39400 articles ont vu leurs prix baisser, et affirme qu’il s’agit non pas d’« une baisse historique », mais d’un alignement sur les prix de Denner, la
filiale de Migros, acquise en 2007.
Pour bien peser les propos de Madame Berdoz il faudrait toutefois connaître le poids des 600 articles en question sur le total des ventes. Cependant il faut reconnaître qu'en annexe à sa
lettre le tableau comparatif de 40 articles de marque vendus par Coop, Manor, Migros et Denner, est édifiant : ils sont les mêmes au centime près...
Madame Berdoz reproche également à Coop son manque de transparence, puisque la coopérative n’a consenti à divulguer qu’une liste de 100 parmi les 600 articles qui ont baissé le 5 janvier, pour ne pas faciliter la tâche de la concurrence...
La simple annonce de la venue d'un autre discounter, Aldi, a donc vraisemblablement eu cet effet de baisse générale, car il est difficile de croire que de
telles baisses auraient été pratiquées sans cela, et en aussi peu de temps, c'est-à-dire en définitive sans que de bonnes marges ne le permettent.
C’est beau, c’est grand, c’est généreux la concurrence !
Francis Richard
L'internaute peut écouter sur le site de Radio Silence (ici) mon émission sur le même thème.