Je m'accommode de moi

Publié le 14 janvier 2009 par Paulo Lobo

L'image dans le miroir, ce n'est pas moi, elle m'est étrangère, je ne la connais pas. Moi, je ne suis pas celui-là. Je ne suis pas ça. Cette espèce de personnage virtuel en voie d'extinction.Moi, je suis un autre.Vous savez bien. Moi, c'est dans vos yeux que je me retrouve. C'est dans votre voix. Dans votre façon de me renvoyer la balle. Je suis moi pour de vrai, à ce moment-là. Devant la glace, je reste de glace. Le monde m'échappe. Il part à la dérive comme un détective privé en mal d'enquête et porté sur la bouteille.Le temps change tout le temps, vous ne me le faites pas dire, et on ne peut pas arrêter la roue qui tourne.Cette figure étrange, ce serait moi? Comment ai-je pu changer à ce point, perdre l'emprise, me couper sur le fil sur le rasoir, me défigurer, tomber en chute libre ?C'est du bluff, je ne te crois pas, tu es bas de gamme, tu ne réfléchis pas correctement, l'éclairage t'induit en erreur, tu prends et tu déformes, sale miroir de pacotille, va te rhabiller, prends de nouvelles résolutions, et ensuite seulement reviens.L'image inversée qui me plaît, qui me transperce de sa brillance, qui me poignarde de son éclat, c'est quand je suis devant vous. Je me reconnais alors, plein de foi et de feu, idiot et misérable, croyant et évadé du bagne, miraculé, espion et bandit des grands chemins. Une illusion? Un mensonge?La vie est-elle un rêve?Suis-je en train de me berner, de me bercer de vains horizons?Ne faut-il pas se contenter de ce qui est immédiatement perceptible, palpable, visible?Où se loge la vérité, ma vérité, ma place, mon être? Comment m'accommoder de moi, de cette enveloppe qui m'encercle, qui me plie à sa volonté?Dans ma tête, où suis-je? Existe-t-il un miroir pour mon âme, une surface qui me dira ma profondeur et le devenir de mes synapses?Simple comme le bonjour, les choses devraient être aussi évidentes que la clarté du matin et la beauté d'une femme, comme quand j'avais vingt ans. Bêtises que tout cela, ton esprit te joue des tours, rien n'a jamais été limpide comme l'eau de roche, la tourmente a toujours existé, le doute et le malaise ne sont pas des inconnus débarqués de nulle part. M'accommoder de moi. Chercher le sourire qui m'illuminera et me remettra sur pied. Donner en premier. Dépenser sans compter. Ne pas avoir peur. Ne pas emmagasiner des provisions. Jouer le jeu de l'instant. Croire en moi, croire en vous, soleil exceptionnel qu'il m'importe peu de toucher, à l'impossible nul n'est tenu, il me suffit des doux rayons réchauffant mon être.