C’est la deuxième fois que je regarde avec les débats du Comité pour la réforme des collectivités locales, retransmis sur LCP, et je dois dire que c’est passionnant. Après avoir vu il y a une semaine l’audition de Jacques Pellissard, président de l’AMF, c’était ce matin l’audition de Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Je reviendrai plus longuement sur cette audition en fin de semaine, notamment lorsque sa rediffusion sera mise en ligne, mais je tiens à réagir immédiatement à cette étonnante séance de ce matin. Etonnante, parce qu’on l’aurait crue à jeux renversés. D’un côté, Bertrand Delanoë présente le syndicat mixte ouvert Paris-Métropole, (menacé par un nouveau refus de nombreux élus de droite, UMP et Nouveau Centre), rappelle qu’il défendra le double statut de Paris, ville et département, et cite «efficacité», «proximité» et «exigence démocratique» comme étant les piliers de Paris-Métropole, dont la vocation est de « devenir une structure stratégique de coordination et de fédération des outils existants mais aussi un outil pour entreprendre et mettre en œuvre les politiques devant être gérées à l’échelle métropolitaine». Discours connu et sans surprise.
Trois réponses à Bertrand Delanoë donnent le ton du débat. Edouard Balladur, avec sa suavité piquante fait remarquer au maire de Paris que l’efficacité de Paris-Métropole n’est pas encore faite, ce à quoi Bertrand Delanoë rétorque avec à propos que Paris-Métropole est né en décembre, « mais à quel prix ! », et on imagine que dans son esprit défilaient à ce moment la dure et longue opposition de la région au lancement de la Conférence Métropolitaine, mais surtout le long boycott (à quelques courageuses exceptions près) de l’UMP et de la droite.
Jacques Julliard réagit lui sur la question de la démocratie posant la question « Paris-Métropole démocratie d’élus, mais est-ce que ça peut devenir une démocratie d’électeurs ? » Et comment les citoyens pourront-ils se sentir partie prenante de cette nouvelle circonscription dans l’empilage et l’assemblage de collectivités. La question de la légitimité démocratique de Paris-Métropole se pose effectivement. Elle est certainement celle des élus qui approuvent les statuts de Paris-Métropole et décident de l’adhésion de leur commune ou collectivité au syndicat mixte, mais combien ont été mandatés sur ce thème après avoir présenté ce programme au moment de leur campagne électorale, d’autant plus que celle-ci a eu lieu avant la décision de la Conférence Métropolitaine de lancer Paris-Métropole ? Le travail reste à faire pour créer cette légitimité et l’adhésion non plus des collectivités, mais des citoyens.
Et la réaction la plus intéressante est certainement celle de Pierre Mauroy, qui prône la transformation des communautés urbaines en villes de plein exercice, et se trouve déçu de la timidité de la démarche parisienne. Il explique avec une ironie un peu triste que tout vient d’habitude en premier de Paris : « Comme Paris nous précède en tout, je pensais que Paris allait nous précéder aussi sur ce point là. Que Paris allait améliorer ses structures (celle des communautés urbaines ndlr) et se mettre au diapason de ce qu’on peut imaginer ou rêver pour les grandes villes françaises », et après avoir tout de même souhaité tout le succès possible, il conclut que « Paris-Métropole va vivre avec beaucoup de retard ce que les autres villes ont vécu avec les communautés urbaines. »
Et finalement tous posent la question, puisque Paris-Métropole est présenté comme une étape, c’est une étape vers quoi ? vers une Communauté urbaine ou vers une Ville de plein droit ?
Il est certainement plus facile à Pierre Mauroy aujourd’hui d’avoir une position que l’on pourrait qualifier de maximaliste, par rapport à un Bertrand Delanoë plus « minimaliste », même si ce dernier explique qu’au début de son premier mandat, il avait lui aussi des aspirations plus maximalistes pour l’agglomération parisienne. Mais tout de même, un peu plus de volonté et de détermination seraient les bienvenues. Ou alors faut-il laisser ce rôle à un comité qui pourra hors contraintes politiques, qu’elles soient locales ou nationales, faire avancer le débat, donner de nouvelles orientations et proposer une réforme nécessaire ? Mais là encore, ne risque-t-on pas de critiquer le fait du prince, reprocher à Nicolas Sarkozy de jouer une fois de plus le rôle d’omniprésident, et créer un opposition politicienne inutile sur une réforme qu’un ancien Premier Ministre de François Mitterrand appelle de ses vœux ?
En attendant, les pistes proposées par le comité Balladur, ses « questions à éclaircir » sont particulièrement intéressantes : réflexion sur le poids de la ville centre dans les intercommunalités, sur la transformation des communautés urbaines en métropoles-villes de plein exercice, élection des membres de l’assemblée délibérante des intercommunalités au suffrage universel direct, en tout cas dans les « métropoles », réduction du nombre de régions à 15, fusion départements-régions, clause de compétence générales réservées aux seules intercommunalités, sans oublier la création d’un Grand-Paris. Bref, il ne reste qu’une chose à souhaiter au Comité Balladur et à ses conclusions, ne pas subir le même sort que la Commission Attali !
à suivre, avec intérêt…
Jean-Paul Chapon