Au Parlement européen à Strasbourg, la présidence tchèque s'est présentée en faisant souffler le froid et le chaud... Cela ne suscite guère l'enthousiasme...Mais cela a le mérite de la franchise! C'est ce que l'on peut appeller un service minimum. Dans un semestre où l'Union joue en partie sa crédibilité internationale.
Crédit photo : Jonathan Ruchti/SXC
Le froid: Le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek dont le pays préside l'Union européenne depuis le 1er janvier dernier, juge le traité de Lisbonne est "un peu pire" que celui de Nice! Bel enthousiasme qui doit ravir les Irlandais, les eurocritiques polonais et les Eurosceptiques tchèques...
Le chaud: "à titre personnel", il votera "pour" au parlement, où le texte doit être présenté en ce début d'année. L'art d'avancer à reculons...
Le froid: Mirek Topolanek a pris la défense du président tchèque, Vaclav Klaus, qui refuse le drapeau européen et a multiplié les attaques contre l'Union qu'il considère comme ausi totalitaire que le COMECON de jadis. Curieuse appréciation de l' Histoire et du présent! "Vaclav Klaus est l'icône de la transformation économique des années 1990 dans notre pays", a-t-il affirmé avant d'assurer qu'il répondrait "à toutes les attaques qui viseront la présidence tchèque".Belle ambiance en perspective.
Le chaud: Prague assumera pleinement sa présidence en restant "consensuel", en s'efforçant de représenter l'ensemble de l'Union européenne.Tout de même.
LES FAITS:LE DEBAT
Les députés ont tenu un long débat sur les priorités de la nouvelle présidence avec le Premier Ministre tchèque Mirek Topolánek. L'économie, l'énergie, la place de l'Union européenne dans le monde et plus spécifiquement la crise gazière Russie/Ukraine et le conflit dans la bande de Gaza ont figuré en bonne place des discussions.
Les députés ont également fait part de leurs préoccupations concernant la crise économique et le devenir du traité de Lisbonne.
"Vous pouvez compter sur le soutien du PE" a déclaré le Président Hans-Gert Pöttering en accueillant le Président en exercice de l'Union européenne, Mirek Topolánek. Le Président du Parlement a rappelé le chemin parcouru par la République tchèque, depuis l'ère communiste jusqu'à l'adhésion à l'UE. Il a également souligné que ce pays est, après la Slovénie, le deuxième État nouvel Etat membre, après l'élargissement de 2004, qui prend en charge la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Présidence du Conseil
"La République tchèque a pris la présidence de l'UE après la France, ce qui est plus que symbolique" vu l'important rôle historique joué par la France dans la construction de l'Etat tchèque, a relevé en introduction le premier ministre tchèque, Mirek Topolánek, rappelant notamment la contribution de Charles IV.
"Il n'est pas facile de reprendre la présidence du Conseil après la France, mais Charles IV a aussi eu à intégrer et représenter tout un empire diversifié", a-t-il souligné.
Mirek Topolánek a dit "croire en une Europe des libertés, des droits, des idées et des règles". "Dans cet univers où la loi prévaut sur l'individu, ce n'est pas la taille du pays qui compte, mais sa capacité à servir une idée commune". "Aujourd'hui je ne suis pas là en tant que premier ministre tchèque mais en tant que Président du Conseil européen", a-t-il affirmé, "les idées que je vais vous présenter ne sont pas mes idées personnelles ou la position du gouvernement tchèque, mais représentent des consensus entre les 27 tels que définis dans les conclusions du Conseil européen". "La première mission de la présidence sera de trouver des solutions qui recueillent la majorité", a-t-il encore ajouté.
"On dit que les Tchèques sont toujours mécontents à propos de quelque chose", "je ne suis pas d'accord : comme Masaryk, notre premier président, je suis convaincu que la question tchèque est en fait une question européenne", a dit Mirek Topolánek.
"Nous estimons être un membre à part entière et de longue date de l'UE et durant ces six mois nous aurons l'opportunité de démontrer notre engagement en faveur de l'intégration européenne", a-t-il affirmé.
2009 marquera les 5 ans de l'élargissement de l'UE aux pays d'Europe centrale et orientale, les 20 ans de la chute du rideau de fer, et les 30 ans des premières élections du Parlement européen au suffrage universel direct, a relevé Mirek Topolánek, soulignant que la présidence tchèque considère le PE comme la source de la légitimité politique directe dans le triangle institutionnel de l'UE.
2009 sera aussi une année de défis, a ajouté Mirek Topolánek: "nous devons résoudre les questions institutionnelles, le rôle international de l'UE est mis à l'épreuve par le conflit non-résolu en Géorgie et dans l'escalade des tensions au Moyen-Orient, et la sécurité énergétique redevient une question brûlante".
Sécurité énergétique, partenariat avec l'Est et crise financière
"La première tâche de la présidence sera d'assurer que ses priorités ne représentent pas seulement la position tchèque mais reflètent l'évolution de la situation dans l'UE", ce qui sera une "tâche consensuelle et pas conflictuelle", a souligné le Président du Conseil. Mirek Topolánek a indiqué qu'il entendait d'abord utiliser l'expérience acquise par son pays dans ses relations au sein de l'ancien bloc soviétique pour traiter la question des approvisionnements énergétiques de l'UE.
"Nous souhaitons aussi renforcer notre coopération avec ceux qui sont restés en dehors de l'UE", a-t-il continué, évoquant le partenariat avec les pays de l'Est. "Notre troisième tâche sera de mettre notre savoir-faire bancaire à profit dans la crise financière", a-t-il ajouté.
Selon Mirek Topolánek, l'Europe ne pourra réaliser pleinement ses objectifs que si elle supprime ses obstacles internes, que si elle réalise ses quatre libertés: les "entraves administratives inutiles aux entreprises", ou "l'absence de connections entre réseaux énergétiques" empêchent la réalisation du marché intérieur de l'énergie.
"Les résultats de notre présidence sont déjà marquants: nous avons négocié un accord entre la Russie et l'Ukraine sur le problème complexe de l'approvisionnement en gaz et mené une délégation sur le lieu du conflit au Moyen Orient, ce qui a été une tâche difficile": "je pense que ces résultats sont la meilleure réponse à ceux qui doutaient de la capacité de la République tchèque à conduire la présidence de l'UE", a souligné Mirek Topolánek.
E comme économie
Détaillant les priorités de la présidence dans le domaine économique, le premier ministre tchèque a souligné sa volonté d'achever les travaux sur la directive réglementant les assurances, sur les règles relatives aux agences de notation, la réglementation des paiements en euros et de se "consacrer pleinement" à la réalisation du plan de relance économique.
Il a aussi fait part de sa volonté d'entamer les discussions sur des réformes structurelles à long terme comme celle de la politique agricole commune, pour laquelle il sera "essentiel de fixer des termes équivalents pour tous les Etats membres" en "mettant fin aux disparités historiques" tout en tenant compte de la diversité des situations entre pays.
La présidence tchèque souhaite aussi "renforcer la compétitivité de l'UE", "réduire la charge administrative des entreprises, en particulier des PME", et "mener à bien" les négociations de l'OMC sur l'agenda de Doha, a indiqué Mirek Topolánek. Il ne faut pas oublier non plus les investissements dans l'éducation, la recherche et le développement, a-t-il ajouté à destination du chef du groupe socialiste, Martin Schulz.
E comme énergie, conflit gazier
"La présidence tchèque entend poursuivre les efforts pour doter l'Europe d'une énergie sûre, compétitive et durable", a indiqué Mirek Topolánek, "nous souhaitons achever la révision du second cadre stratégique", "terminer les travaux sur la directive visant à porter les stocks minimums de pétrole à 120 jours", "renforcer les infrastructures existantes", "diversifier les routes d'approvisionnement" et le mix énergétiques, ainsi que soutenir les investissements dans les nouvelles technologies.
Abordant la question du conflit gazier entre la Russie et l'Ukraine, qui affecte plusieurs Etats membres, Mirek Topolánek a souligné que la présidence tchèque avait "réussi à convaincre les deux parties à signer un texte qui permettra la reprise des livraisons vers l'UE".
Au niveau du marché intérieur, "nous devrons mieux coordonner nos systèmes de transmission entre opérateurs énergétiques de façon à achever la mise en place d'un marché unifié de l'électricité et du gaz naturel", conclure le troisième paquet énergie, mettre en place l'Agence européenne des régulateurs, et poursuivre plus en détails les travaux sur l'efficacité énergétique, a-t-il ajouté.
La priorité énergétique sera étroitement liée à celle de la question du changement climatique, a-t-il continué, soulignant que la présidence "essaiera d'obtenir un accord international acceptable sur la poursuite des réductions d'émission de gaz à effet de serre après 2012, en essayant de convaincre les Etats Unis, l'Inde et la Chine d'y participer".
Relations extérieures, conflit à Gaza
"Ce début d'année montre que nous devons toujours être préparés à ce qui n'était pas prévu", a poursuivi Mirek Topolánek, estimant que l'escalade du conflit au Moyen-Orient "requiert une approche active de l'UE ainsi qu'une coordination avec les principaux acteurs régionaux et internationaux". Selon lui, la paix passe par "un Etat palestinien indépendant capable de garantir l'ordre et la sécurité" et de "bonnes relations à la fois avec les Palestiniens et Israël". L'UE doit donc poursuivre ses efforts pour construire des infrastructures et renforcer l'autorité palestinienne.
Le partenariat avec l'Est sera une autre priorité pour la présidence en raison notamment de la nécessité de diversifier les sources d'approvisionnements énergétiques de l'UE. Par ailleurs, "si elle on ne renforce pas ses relations transatlantiques, l'UE ne pourra pas jouer son rôle d'acteur international à part entière". La négociation du nouvel accord de partenariat avec la Russie sera aussi d'une "importance fondamentale". Et, "il ne faut pas oublier les Balkans occidentaux au motif que l'UE a des problèmes économiques". "La présidence fera tout en son pouvoir pour permettre l'adhésion aussi rapide que possible de la Croatie", a souligné Mirek Topolánek. Enfin, la présidence tchèque entend poursuivre les travaux sur la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.
"Nous sommes conscients que notre présidence sera marquée par les élections du PE, dans une atmosphère politique tendue", a relevé Mirek Topolánek. La présidence tchèque devra aussi poursuivre le débat avec l'Irlande sur le sort du Traité de Lisbonne. "Je suis convaincu que nous devons poursuivre ces discussions avec prudence et dans le respect de la souveraineté des Irlandais. Si un référendum était organisé en République tchèque, le Traité ne serait pas accepté non plus. Il est nécessaire de trouver une solution qui sera acceptable pour les Irlandais", a-t-il souligné.
Commission européenne
"Les 6 prochains mois vont mettre l'UE à l'épreuve. Elle devra prouver sa solidarité dans des situations d'urgence, comme l'arrêt brutal des approvisionnements en gaz", a déclaré José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, en ouverture de son discours. Le problème est abordé en étroite collaboration avec la présidence tchèque du Conseil. Il a réaffirmé sa "pleine confiance dans la capacité de la République tchèque à remplir cette fonction".
La Commission, a-t-il ajouté, s'attachera à démontrer que l'Union est "à la hauteur de la tâche". Il faut montrer aux Européens qu'ils ont "un intérêt direct à prendre la parole et à voter aux élections européennes". "Nous partons d'une base solide", a-t-il poursuivi, "en 2008, l'Union a montré qu'elle était capable de prendre des décisions difficiles", comme le paquet énergie. Elle a aussi "apporté la preuve de son adaptation au changement", comme le démontre l'accord rapide sur un plan de relance. De plus, l'Union entame 2009 "forte d'une solide réputation internationale", suite au règlement du conflit entre la Russie et la Géorgie et son "attachement sans réserve" à l'ouverture des marchés à Doha. Pour rappel, c'était grâce à l'UE que des couloirs humanitaires ont été ouverts à Gaza.
D'autre part, la Commission va continuer à "tout faire pour qu'on ne perde pas l'élan trouvé à Washington lors du G20". La réunion du G20 à Londres sera "une occasion extraordinaire" pour l'UE de parler d'une seule voix.
Le Président de la Commission a mentionné les initiatives importantes qui seront prises en 2009, notamment un nouveau programme d'action dans le domaine "liberté, justice, sécurité" et la recherche de solutions au changement climatique. Il a également annoncé devoir être attentif à l'évolution économique et sociale. Il a également dit espérer "que les dossiers en cours pourront être adoptés avant la fin de la législature", notamment les mesures liées à la crise financière, le paquet social, le marché intérieur de l'énergie, le paquet télécoms et les transports routiers.
Faire de la question énergétique une priorité
La crise du gaz nécessite l'attention urgente de l'Europe. C'est une situation "inacceptable et incroyable" aux yeux du Président de la Commission. Inacceptable parce que les consommateurs européens dans certains Etats membres sont privés de gaz. Incroyable, parce que nous sommes dans la même situation alors qu'un accord a été trouvé.
"La Russie et l'Ukraine montrent qu'ils sont incapables de respecter leurs engagements à l'égard de certains Etats membres", a-t-il déploré. Si l'accord parrainé par l'UE n'est pas honoré "de façon urgente", le Président Barroso a annoncé que la Commission allait conseiller à certaines sociétés d'aller devant les tribunaux pour assurer le transit énergétique. Et cela voudrait dire que la Russie et l'Ukraine "ne peuvent plus être considérées comme des partenaires fiables dans le domaine de l'approvisionnement énergétique". La mise en œuvre du paquet climat/énergie va être à ce titre essentielle. "L'Europe doit agir maintenant pour éviter que cette situation se répète".
Porter une attention particulière à la crise économique
"Tous les signes montrent que le climat économique s'aggrave", a poursuivi le Président de la Commission. Il ne faut pas cacher la gravité de la situation. D'après lui, l'UE est en mesure d'atténuer l'impact pour les personnes les plus vulnérables de la société. "La priorité des semaines qui viennent c'est de travailler ensemble", a-t-il ajouté. 1,5% du PNB de l'Union représente "un montant important" : cela facilitera la compétitivité à long terme de l'économie et constituera un stimulant à court terme "pour relever la tête".
Les conséquences sociales de la crise doivent être traitées directement. Pour mettre en œuvre ce programme, "nous avons besoin de l'engagement actif de la présidence et des Etats membres". La mise en œuvre effective du plan permettra d'injecter 2 milliards d'euros dans l'économie européenne. Il a rappelé en outre qu'il ne fallait pas perdre de vue le long terme, par exemple, le marché intérieur.
La devise de la présidence tchèque, "Une Europe sans barrières", le montre bien : elle a besoin de règles européennes, pour assurer un niveau d'égalité entre Etats membres, et garantir la durabilité de notre mode de vie. "Nous voulons une Europe qui combine la liberté, l'égalité et la sécurité au bénéfice de tous les Européens", a-t-il conclu.
Groupes politiques
"A peine entrée en fonction, la Présidence tchèque se trouve confrontée (...) à la lourde tâche de gérer trois crises majeures: la poursuite de la crise économique et sociale, le conflit gazier qui oppose la Russie et l'Ukraine, et qui affecte gravement l'Union et son voisinage, et l'éclatement d'une nouvelle guerre au Moyen-Orient", a estimé Joseph Daul (FR) pour le groupe PPE-DE. Face à ces défis, "la seule attitude est de faire bloc, de faire preuve de solidarité et d'agir de façon à la fois coordonnée et déterminée", a-t-il insisté. La Présidence tchèque a agi de manière rapide et unie dans le conflit énergétique, mais "nous ne pouvons tolérer que les Etats Membres de l'UE se retrouvent pris en otage par ce conflit". Le président du PPE-DE a appelé à réfléchir aux moyens de réduire cette dépendance, et d'assurer une diversification des ressources énergétiques.
La situation au Moyen-Orient implique également pour l'Europe, première donatrice d'aide humanitaire, de prendre ses responsabilités sur le plan mondial. Mais "ce n'est pas l'aide humanitaire qui va résoudre le conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens, ce qu'il faut à l'Europe, c'est une volonté politique forte, articulée, et disposant des moyens humains, militaires et financiers suffisants pour être un acteur crédible dans le monde". Evoquant l'arrivée prochaine au pouvoir de Barack Obama, il s'est interrogé: "sommes-nous prêts à assumer notre part du multilatéralisme ? Sommes-nous prêts à dégager des moyens militaires, pas pour faire la guerre, mais pour assurer la paix ? Sommes-nous prêts à dégager les moyens budgétaires nécessaires pour nous donner les moyens de notre politique?"
Enfin, la Présidence en exercice devra faire face à la crise économique et sociale, en veillant à la mise en place des plans de relance nationaux et en pilotant l'UE lors du Sommet du G20 qui se réunira à Londres au mois d'avril. Il conviendra de "définir et mettre en place, avec nos partenaires internationaux, les règles qui s'imposent aux opérateurs économiques". L'UE doit "défendre son modèle de société, l'économie sociale de marché, et promouvoir la mise en place, sur les marchés financiers mondiaux, d'un système de supervision des marchés similaire à celui qui prévaut dans nos pays". Et de conclure : "Nous comptons, M. Topolanek, sur votre présidence, pour faire preuve de volontarisme et pour la guider dans cette période difficile".
Martin Schulz (DE), s'exprimant au nom des socialistes, a rappelé que la première présidence du mandat avait été conduite par les Pays-Bas. "Personne ne se souvient plus de ce qu'on nous a dit à l'époque et de ce que nous avons répondu!" La question décisive pour ces prochains mois sera pour lui la participation aux élections. Les socialistes européens souhaitent la réussite de la présidence tchèque, a-t-il déclaré. Il a avoué "avoir eu quelques doutes au début", en particulier suite aux déclarations de Karel Schwarzenberg sur le "droit de légitime défense d'Israël" et celles de Mirek Topolanek sur le conflit gazier ("nous n'allons pas servir de médiateur"), mais le tir a été rectifié d'après lui. "Ce que vous avez dit nous donne confiance pour les mois à venir", a-t-il convenu. "La crise financière est la défaite des capitalistes, qui nous ont raconté pendant des années que nous n'avions pas besoin de règles", a-t-il poursuivi, "si aujourd'hui vous nous dites que nous avons besoin d'une Europe des règles, je vous souhaite la bienvenue dans le club des partisans de la régulation en Europe". Alors que nous nous trouvons dans une phase décisive au niveau international, "nous avons besoin d'être unis". Mais cela ne sera possible qu'avec une base constitutionnelle forte, le traité de Lisbonne. Il a ainsi fait savoir au Premier Ministre tchèque que la ratification du traité par son pays sera "un message fort". Il a ensuite exprimé le souhait qu'à l'instar de Charles IV "les prochains locataires du château de Prague [soient] de vrais européens".
Se référant à l'objectif de la présidence de supprimer les barrières, Graham Watson (ADLE, UK) a plaidé tout d'abord pour une plus grande libéralisation des biens et services :"l'expérience de la République tchèque montre le rôle essentiel du marché pour faire évoluer une situation". De même, le changement climatique, selon lui, ne doit pas être vu comme une limitation car il peut donner un élan pour développer les énergies renouvelables. Il a ensuite évoqué la crise gazière qui a fermé l'approvisionnent de certains pays et risque de mener à la réouverture de certaines centrales nucléaires. Aussi l'UE doit elle jouer un rôle majeur pour résoudre ce conflit et mobiliser les investissements nécessaires. Le président du groupe ADLE a interpellé le président du Conseil : "Pourquoi avoir reporté la signature du Traité de Lisbonne ? Pourquoi l'Europe se ridiculise-t-elle par plusieurs missions différentes au Moyen orient sans une position unie. Le problème n'est pas de savoir qui est responsable du conflit car il y a eu des fautes de part et d'autre". Et de conclure : "votre président a comparé l'Union européenne à l'ancienne URSS mais nous sommes ici une union d'amis sur un pied d'égalité. Nous soutiendrons vos objectifs ambitieux".
Pour Brian Crowley (IE), qui s'exprime au nom de l'UEN, il faut de meilleurs rapports politiques entre l'UE et les Etats Unis. Il souhaite que la présidence tchèque y travaille pendant les 6 mois à venir. L'arrivée au pouvoir du nouveau président des Etats Unis la semaine prochaine signifie "des défis à relever pour nous attaquer aux grandes questions d'actualité". La présidence tchèque arrive "à un moment clé". Il a apporté son soutien à leurs efforts "pour faire entendre la voix d'une Europe forte". Sur la crise du gaz, il a rendu hommage à la présidence et au Président Barroso pour leur intervention. Il a recommandé de "développer les partenariats avec pays de l'est et des Balkans". La 5ème liberté - la circulation du savoir - "peut nous donner les outils nécessaires pour développer notre potentiel". Il rappelé que la République tchèque a connu le totalitarisme, la liberté et le savoir. Pour cela, ce pays peut montrer la voie à l'Europe. Evoquant le concept de "nouvelle frontière" de JF Kennedy, il a conclu "qu'en ce qui nous concerne, c'est une suite de défis à surmonter".
"En ce moment même des bombes tombent sur la population de Gaza et notre plus grand devoir est d'empêcher ce conflit sans se préoccuper de savoir à qui incombent les responsabilités", a estimé Monica Frassoni (IT) pour le groupe des Verts/ALE. Elle a qualifié la vision de l'UE du Premier Ministre de "passéiste qui ne se préoccupe que du marché et des affaires, loin des préoccupations des citoyens". De même, la coprésidente du groupe des Verts-ALE a fustigé une conception de la politique environnementale "perçue comme une entrave et non comme un facteur de développement". Elle a également critiqué la promotion d'une conception machiste "qui vise à renvoyer les femmes à la maison" et de "l'immigration vue uniquement sous l'angle de la sécurité sans mettre l'accent sur la cohésion indispensable et sur la lutte contre la discrimination". A propos du conflit gazier, elle a estimé que la présidence n'avait pas joué son rôle de médiateur face au problème des réouvertures de centrales nucléaires. Et d'ajouter : "La sécurité énergétique passe par une action forte en faveur d'innovation, par une réduction de 20% de la consommation d'ici 2020 et 20% de renouvelables". Enfin, la députée a interpellé le président du Conseil : "pourquoi n'avez-vous pas encore ratifié le traité de Lisbonne, quand comptez-vous le faire?"
Le député tchèque Miloslav Ransdorf est intervenu au nom du groupe GUE/NGL. "Il faut nous libérer de nos dogmes et de nos préjugés", a-t-il lancé. D'après lui, la présidence tchèque devrait "essayer de viser une économie sociale". Sur un point, "je suis entièrement d'accord avec le Premier Ministre tchèque", a-t-il déclaré : "nous devons insister sur l'innovation, qui nous permettra de sortir de la crise. Nous avons besoin d'une classe créatrice". Le courage de changer est quelque chose qui est exigé de nous tous. Citant un écrivain allemand, il a ensuite déclaré que "l'avenir appartient à ceux qui sont capables de changer". Il a exprimé le souhait que l'Europe surmonte la division entre Europe de l'est et Europe de l'ouest. "Nous devons construire une Union qui ne souffrira plus d'un complexe d'infériorité vis-à-vis des USA. Il est bon que la présidence présente des objectifs ambitieux au début de son mandat", a-t-il conclu.
Vladimír Zelezny (CZ), au nom du groupe IND/DEM a souhaité "bonne chance" à la présidence tchèque pour combler le déficit démocratique de l'Union européenne. La présidence a "des priorités raisonnables et sera un succès", a-t-il ajouté, précisant que les Tchèques ont "un Président compétent et populaire qui s'oppose au traité de Lisbonne". D'après le Traité de Lisbonne, "nous sommes censés laisser la conduite des affaires à ceux qui sont les plus importants", a-t-il poursuivi, c'est pourquoi la présidence tchèque est importante, pour montrer qu'un petit pays peut conduire une présidence "sans être mégalomaniaque et sans mettre trop l'accent sur la communication".
Jana Bobosikova (NI, CZ) a estimé qu'il était temps de dire que "le traité de Lisbonne - qui ne fait que promouvoir le renforcement du pouvoir technocratique au détriment de la démocratie - est mort". Et d'ajouter : "Après avoir libéré l'Europe des horreurs nazies et de la pauvreté résultant du Pacte de Varsovie, comment voulez vous que les décisions pour questions essentielles comme la protection sociale, la santé, l'éducation ne soient plus du ressort des Etats membres?". Elle a critiqué notamment le Traité de Lisbonne pour la suppression du droit de véto appliquée à une cinquantaine de domaines et la perte de pouvoir des petits pays. La députée a conclu :"respectez les citoyens si souvent ignorés".
Prague (Sven Wildschut/SXC)
Présidence du Conseil
Répondant aux premières interventions des députés, Mirek Topolánek a souhaité "réagir aux critiques contre Václav Klaus, qui est l'icône de la transformation économique dans notre pays, et de la réussite économique des années 90". "Je suis très fier que nous soyons devenus membres de l'OTAN et de l'Union européenne, il semblait incroyable à cette époque que la République tchèque préside un jour l'UE. Si nous n'avons plus la capacité d'exprimer notre liberté d'opinion alors ce sera l'enfer et je répondrai à toutes les attaques contre la présidence tchèque", a-t-il souligné.
S'agissant du Traité de Lisbonne, "je crois personnellement qu'il est 'légèrement pire' que le Traité de Nice". "Nous avons approuvé ce Traité, je l'ai signé et je voterai pour au Parlement, mais dire aux Etats membres qu'ils doivent absolument le ratifier est tout à fait absurde".
Revenant sur la crise au Moyen-Orient, Mirek Topolánek a estimé que la situation nouvelle du fait de l'arrivée de Barack Obama à la présidence des Etats Unis "mérite que nous ayons un rôle plus actif" dans la recherche d'une solution au conflit. "Je ne veux pas attribuer la faute à telle ou telle partie", a-t-il affirmé, soulignant qu'il avait vu les conséquences des tirs du Hamas mais que les Palestiniens avaient droit à une vie décente. "Nous n'arriverons pas à résoudre le conflit du jour au lendemain mais devons limiter au maximum la violence", a-t-il estimé, saluant le rôle joué par l'Egypte.
"Si l'UE souhaite prendre la tête des efforts dans le domaine du changement climatique, il faudra convaincre les Etats-Unis, l'Inde et la Chine sinon l'Europe jouera cavalier seul et ses actions seront limitées", a encore indiqué Mirek Topolánek. Mais "je ne peux imaginer que dans des pays qui sont tributaires à 90% de l'énergie à base charbon on puisse passer du jour au lendemain à un nouveau mode de production, il faut changer progressivement notre mix énergétique".
Sur le conflit gazier entre la Russie et l'Ukraine, le Premier Ministre tchèque a "refusé de montrer du doigt telle ou telle partie", car "les deux sont en faute". Ce qui importe est de "créer une plus grande solidarité et une stabilité entre Etats membres ainsi qu'un plan d'urgence pour des situations de ce type".
"Je ne pense pas que notre programme soit trop libéral, nous donnons suite à ce qui a été fait dans l'UE", a encore dit Mirek Topolánek. "Il n'est pas vrai que la présidence ne met pas assez l'accent sur les questions sociales, nous ne sous-estimons pas leur importance, notamment celles qui concernent la non-discrimination et le rôle des femmes dans la société", a-t-il souligné.
"Nous ne manquons pas de confiance, la République tchèque est le plus grand des petits pays de l'UE mais c'est aussi le plus petit des plus grands", a souligné Mirek Topolánek, soulignant que la Suède en 2001 avait aussi dû faire face à de nombreuses critiques au début de sa présidence.
Députés francophones
Philippe De Villiers (IND/DEM, FR) a salué "respectueusement" la Présidence tchèque, en lui disant sa "considération parce que le peuple tchèque a traversé de grandes épreuves et est mieux à même que beaucoup d'entre nous, de comprendre le prix et le sens du mot liberté". La présidence tchèque représente deux espoirs pour lui "écouter la voix des peuples, c'est à dire, faire respecter le référendum sur le traité de Lisbonne dans toute l'Europe et rendre aux peuples leur liberté pour libérer les peuples de la bureaucratie bruxelloise".
Bernard Poignant (PSE, FR), se référant à l'histoire de la Tchéquie, notamment l'abandon de la France et du Royaume-Uni en 1938, le coup d'État de 1948, l'arrivée des chars soviétiques en 1968, a ironisé sur le chiffre "8" peu porteur pour se pays. De même il a rappelé que "Barroso n'était pas Brejnev" et que l'Union européenne était "une construction à la souveraineté partagée et librement consentie". Le député a lancé un vibrant appel : "Le traité de Lisbonne ce n'est qu'un moment dans cette histoire, ce n'est qu'une étape dans cette histoire. Je vous en supplie, 2008 c'est fini, ratifiez en 2009!".
Présidence du Conseil
Remerciant les députés pour leur "accueil plus chaleureux" que ce qu'il attendait, Mirek Topolánek a promis que la présidence tchèque resterait en contact étroit avec le PE et la Commission. Estimant que ses propos sur le Traité de Lisbonne avaient été mal interprétés, il a souligné que ce traité doit être perçu "comme un moyen et pas comme une fin". "On ne peut pas l'imposer à un Etat membre et je ne veux pas influencer les décisions des 2 chambres parlementaires de mon pays", a-t-il répondu aux questions sur la finalisation de la ratification du Traité en République tchèque.
Revenant sur le conflit gazier, il a indiqué voir le gazoduc Nabucco comme "un complément et un itinéraire alternatif aux routes actuelles" pour l'acheminement du gaz. Mais, a-t-il ajouté, "si l'Ukraine n'arrive pas à résoudre ses problèmes, on peut la perdre dans ce jeu". Il a jugé la coupure des livraisons de gaz russe "très grave" pour la Bulgarie et la Slovaquie, où de nombreuses entreprises ne sont plus en mesure de fonctionner. "Nous devons agir à l'égard des deux partenaires et avoir un langage clair", a insisté Mirek Topolánek.
Beaucoup de questions ont été posées à propos des Balkans, a relevé le premier ministre tchèque, "M. Peterle sait bien que le problème entre la Croatie et la Slovénie devra être réglé de manière bilatérale, ce n'est pas un conflit européen".
Mirek Topolánek a dit refuser d'avoir à choisir entre "une Europe plus sociale ou plus libérale" : "je suis pour une Europe libérale conservatrice", a-t-il déclaré.
Il a précisé que le slogan de la présidence tchèque, "une Europe sans frontières" ne signifie pas seulement la suppression des entraves sur le marché intérieur mais aussi la levée des barrières intellectuelles entre Européens et l'ouverture de l'UE au monde.
"Ne vous préoccupez pas des problèmes internes à la politique tchèque, la présidence ne se laissera pas influencer par eux", a encore déclaré Mirek Topolánek.
Il a aussi eu des propos pour Václav Havel, "gravement malade à l'hôpital". "C'est le premier ressortissant tchèque qui nous a permis de nous exprimer devant le PE et je lui souhaite un prompt rétablissement", a-t-il déclaré.
"Nous savons que nous appartenons à une Communauté de peuples et nous apprécions la possibilité de présider cette Europe, ma génération ne l'aurait pas imaginé il y a 30 ans", a dit en conclusion Mirek Topolánek. "L'important est qu'il puisse y avoir des discussions libres entre nous. La démocratie est un débat, ce débat est ouvert et il doit être franc", a-t-il affirmé.
Commission européenne
Répondant aux différents orateurs José Manuel Barroso a qualifié la discussion de très utile "parce que je constate que nous avons la même compréhension des conflits." Le Président de la Commission a réaffirmé son souhait de travailler de manière loyale et constructive. Et de préciser : "étant donné qu'il s'agit de la dernière présidence avant les élections européennes, il est important que nous montrions l'importance de nos institutions pour le bien-être, la prospérité et la sécurité pour nos concitoyens. Nous devons agir de concert dans un esprit de partenariat, c'est important pour l'avenir de l'Europe."
Il a insisté sur la nécessité de revoir la directive sécurité du gaz "urgemment", précisant que la Commission "travaille d'arrache pied pour proposer une législation". Soulignant la nécessité de faire des progrès pour assurer la sécurité énergétique de l'Europe et assurer l'interconnexion énergétique, il a demandé aux Etats membres de "travailler plus activement à la mise en place de mécanismes de solidarité énergétique. Il est absolument crucial que 5 milliards du budget communautaire soient attribués à ces objectifs. La présidence tchèque doit rendre cela concret".
Le Président a souligné également que "pour passer à travers cette crise économique et remettre l'Europe sur le chemin de la croissance verte, cela passe par le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes."
En outre, il a insisté sur le fait que le traité de Lisbonne devait être ratifié par tous les Etats membres en ajoutant : "lorsqu'un Etat signe un traité, il prend l'engagement solennel de le mettre en vigueur!".
Rappelant que c'était la première fois qu'un ex-membre du pacte de Varsovie est président du Conseil européen, il a fait part de sa "totale confiance" envers la République tchèque. La Tchéquie n'est pas un petit pays, a-t-il tenu à préciser : "comme l'a dit Paul-Henri Spaak, en Europe il n'y a plus de grand et de petit pays", mais "le problème est que certains ne l'ont pas encore compris".
Et de conclure : "Nous devons travailler tous ensemble pour être forts dans le monde et je souhaite le plus grand succès à la présidence tchèque".