France 2 ne diffusera pas, comme prévu jeudi 15 janvier à 22 h 40, le film de Jacques Cotta ”Dans le secret de l’accès aux soins en danger”. La chaîne publique justifie la modification de la grille par un hommage rendu en première partie de soirée à Claude Berri. Certains participants au documentaire évoquent eux, une décision politique à un moment délicat pour le gouvernement. L’Assemblée nationale examinera le trés controversé projet de loi Bachelot sur l’organisation de la santé vers la mi-février. Une journée plus générale de manifestation est déjà arrêtée le 29 janvier.
La déception est forte pour les associations de malades qui se félicitaient à l’avance de la diffusion, sur une grande chaîne publique, d’un documentaire au ton engagé et donc polémique, sur l’accès aux soins. Le film de Jacques Cotta revient sur le concept dominant selon lequel le modèle de sécurité sociale hérité de l’après guerre ne serait plus viable et que la seule solution est un grignotage de la prise en charge (déremboursements, franchises médicales…) et tant pis, pour les moins fortunés.
Les réalisateurs de “L’accès aux soins en danger”, Jacques Cotta et Pascal Martin confrontent les propos des décideurs politiques en matière de santé à ceux des malades, du corps médical et d’économistes spécialistes des services de santé. Le principal intérêt du documentaire est sans doute de donner la parole à des patients anonymes qui confient leur détresse, leurs choix dramatiques entre se loger, se nourrir ou se soigner. Or, à choisir, beaucoup préfèrent renoncer aux traitements, faute de moyens. Dans ce paysage, l’avenir des hôpitaux, les risques liés à autonomie de gestion sont abordés.
Le côté explosif du documentaire est de tenter de démontrer que les réformes en cours visent à assurer le transfert complet, vers le secteur marchand, des soins « rentables » ou « achetables » et à maintenir un service minimum pour les soins « invendables » ou « non rentables ». La loi « Hôpital patients santé territoires » encourage en effet les hôpitaux à se regrouper dans des « communautés hospitalières de territoire ». Chaque hôpital devra passer un contrat d’objectifs et de moyens pluriannuel avec l’agence régionale de santé, le directeur de l’ARS assignant des objectifs précis au directeur d’établissement. Les pouvoirs du directeur d’hôpital seront renforcés : il présidera un directoire « resserré », le conseil d’administration étant remplacé par un conseil de surveillance. Le texte prévoit un nouveau statut contractuel (avec une part variable) pour attirer les médecins vers l’hôpital, et des mesures d’intéressement pour les salariés.
Dans un contexte de montée en puissance d’une crise économique majeure, le documentaire retiré avait pour principal mérite de poser un débat qui n’a rien de théorique. Une enquête du Secours populaire fait apparaître un recul important de l’accès aux soins pour près de 40% des Français au cours du dernier semestre 2008.
Les tensions sociales croissantes pourraient expliquer, si c’est le cas, d’éventuelles pressions destinées à retarder la diffusion d’un documentaire dérangeant et éviter la constitution d’un front social. Le Collectif national contre les franchises, la Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics, la Coordination nationale des Comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, ont annoncé leur participation à la journée de grève et de manifestation du 29 janvier que convoquent l’ensemble des confédérations syndicales.