Photo : Rouen, Palais de justice (gravure 1774)
copyright Inventaire général 1980 / ADAGP Miossec
Les prévenus du procès de l'hormone de croissance, jugés à Paris, ont tous été relaxés aujourd'hui. Ces médecins avaient prélevé des morceaux d'hypophyse sur des cadavres humains et causé la mort de 117 enfants. Les parents de ces enfants réclamaient des peines sévères contre les scientifiques comme tout parent qui confie l'être qu'il a de plus cher aux hommes de science. La mort est d'autant plus injuste que le traitement administré avait pour but de soigner des enfants victimes de dégénérescence nerveuse empêchant une croissance normale.
Le tribunal correctionnel de Paris a jugé que les médecins ignoraient qu'ils inoculaient la maladie de Creutzfeld-Jacob à ces enfants les condamnant ainsi à une morte certaine. Cela n'a pas empêché le professeur Job, décédé l'an dernier à l'âge de 86 ans, de demander pardon aux familles. Et les parents ? Jamais d'oubli, jamais de repos. C'est le sort de tous ceux qui perdent leur enfant. La douleur physique et morale est trop forte. C'est pour cela qu'ils ne peuvent pardonner et qu'ils crient vengeance. C'est pour eux que le parquet avait requis des peines de prison avec sursis contre ces six prévenus.
Mais c'est aussi pour cela que ce procès, l'un des plus longs et des plus lents de notre histoire judiciaire, a abouti à la relaxe. Comment condamner des hommes et des femmes qui ne savaient pas ? «Responsables mais pas coupables». L'expression a fait florès. Rappelons-nous l'histoire du sang contaminé. Les procès en Cour de Justice de la République de Laurent Fabius, de Georgina Dufoix et Edmond Hervé. Les trois anciens ministres ont comparu en février et mars 1999, devant la Cour de justice de la République (CJR) pour homicides involontaires. Le 9 mars 1999, Laurent Fabius et Georgina Dufoix ont été relaxés par la CJR, la CJR soulignant que l'action de Laurent Fabius « a contribué à accélérer les processus décisionnels ». Par contre Edmond Hervé a été condamné pour manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, mais dispensé de peine au motif qu'il avait été « soumis, avant jugement, à des appréciations souvent excessives ».…
L'affaire du sang contaminé poursuit encore Laurent Fabius. Au cours de ma campagne électorale cantonale, j'ai souvenir de l'apostrophe d'un habitant de Hondouville qui m'avait assuré : «Fabius ? Jamais je ne voterai pour un type qui a tué des Français». On voit jusqu'où la haine et la désinformation peuvent aller. On voit aussi comment la carrière d'un homme d'Etat — Laurent Fabius est un homme d'Etat — peut être (consciemment ou pas) freinée voire bloquée. Que des parents demandent justice (donc une condamnation) comment ne pas les comprendre ? Que des citoyens crient vengeance n'est pas le fait d'une nation civilisée. On voit combien une justice libre est vitale pour notre démocratie qui, jamais, n'apaisera la douleur des familles…