En quoi un mode de communication peut-il influencer la création d'un produit ? Ou comment inverser le paradigme qui désigne la communication comme l’un des outils au service du produit ?
De nouveaux modèles de développement d’offres peuvent d’inscrire dans une logique de storytelling : Il s’agit d’histoires d’entreprises fortement incarnées par des fondateurs qui, à leur tour, s’engagent dans les produits qu’ils défendent. Ce sont des histoires d’entreprenariat.
L’entreprise n’est plus un tiers ; elle prend vie et corps via des personnes qui s’exposent et militent pour idées et un système de valeur. Dès lors, le portefeuille de produits n’est pas un résultat, mais l’une des expressions de ce système de valeurs.
Parlons de la marque Innocent : l’acte de naissance de l’entreprise part d’une petite histoire : comment les fondateurs ont décidé de changer de métier et de vie, en réconciliant leurs valeurs personnelles, à leur métier et à leur vie.
On retrouve un système très proche dans l’aventure de Michel et Augustin qui nous racontent leur histoire depuis le lycée. Une marque extrêmement bavarde sur la vie des fondateurs, de ses membres et bientôt de ses consommateurs.
Les fondateurs se mettent en scène à tous les niveaux de la communication. Celle-ci associe intimement ce que l’on considère habituellement comme le corporate, à la sphère produit. Mais l’approche n’est pas uniquement centrée sur les 2 personnages, elle est également interactive (blog, échange d’histoires drôles qui sont reprises dans les packs, retour de dégustations en « live » des consommateurs impliqués lors des soirées portes ouvertes mensuelles).
Une forme d’audace et un engagement personnel à tous les niveaux, qui renforce le sens, permet comprendre pourquoi les produits sont si bons et transforme le consommateur en partie prenante d’un système de valeurs.
Le style fait ici corps avec l’offre produits, de la conception à la commercialisation.
Au cœur de ces 2 démarches :
• Un modèle d’entreprise très incarné
• Un engagement personnel fort des fondateurs dans un système de valeur qui dépasse le lien aux produits commercialisés.
o Cet engagement personnel comme fondement de la confiance et du lien que la marque propose via ses produits.
• La volonté de gommer toutes les frontières: fabricant - consommateur, entreprise – produit, vie publique - vie privée.
o Un ton décalé, humble et humoristique, comme signe tangible de cette proposition de dépasser la logique normative fabriquant - consommateur : la relation se situe entre des gens normaux et des gourmands.
À l’heure ou la diffusion du meilleur état de l’art dans les techniques est si rapide que les avantages compétitifs des marques sont de courte durée, la conception des produits s’intègre dans un système global : l’expertise produit épouse plus intimement les valeurs de l’entreprise (par exemple exigence d’ingrédients purs et nobles, de goût, exigences environnementales etc.).
La chaîne de valeur de l’entreprise est re-centrée sur le système de valeurs.
L’histoire commencée dans ces termes peut se renouveler à l’infini sur les valeurs qu’incarne l’entreprise : demain par exemple, Michel et Augustin ne pourraient-ils pas, servir des biscuits et des repas aux personnes âgées de leur quartier ou les remettre aux les fourneaux pour lutter contre la dépression en hiver ?
Une histoire différente, simple,
Qui décroche un sourire,
Un produit qui a une manière d’être, puisqu’il colle aux valeurs,
Une entreprise qui réinvente son rôle d’agent social,
Une approche interactive,
Un nouveau contrat.
Cette logique est très différente de celle de sociétés ayant des portefeuilles de marques importants comme Nestlé, Danone ou l’Oréal, dont le développement suit schématiquement le modèle suivant :
Jusqu’aux années 90 : valorisation d’un savoir-faire technique et développement d’un portefeuille de marques perçues comme locales, permettant un bon maillage de l’offre.
A partir des années 90 : rationalisation des portefeuilles de marques, donnant plus de relief à la marque corporate ou instituant des megabrands.
La mise en avant des marques corporates ne s’est pas fait sans la conscience aigue du risque que représente ce décloisonnement, en cas de accidents pouvant frapper l’une des marques (sanitaire, qualité ou autre). Marque ombrelle ou marque écran, les dimensions de ces entreprises et leur niveau de complexité rendent plus difficile la notion d’engagement.
Le constat de ces différences, elles-mêmes très liées à des histoires de développement, pose 3 questions pour l’avenir :
Comment le storytelling peut-il venir en aide à ces grands groupes désincarnés et leur permettre de retrouver pertinence, sincérité, spontanéité et proximité ?
A quelles conditions peut-il aller jusqu’à renouveler le contrat d’entreprise et ré-engager l’ensemble de ses parties prenantes (dirigeants, salariés, actionnaires) ?
A quelles conditions les petites entreprises d’aujourd’hui réussiront-elle à grandir tout en maintenant le lien intime qu’elles entretiennent avec leur environnement ?
L’histoire continue…
Ecrit par: Jean Pascal Debailleul
Posté par: Morgane Craye
Publié sur: levidepoches/planning stratégique
Pour plus d'information cliquez ci-après pour lire le rapport d'innovation "le Storytelling"
réalisé par les membres de courts circuits