Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, Louis Mermaz, Laurent Fabius et Henri Emmanuelli, anciens présidents de l'Assemblée nationale, viennent d'écrire à Bernard Accoyer, président de cette assemblée, sollicitant une rencontre afin d'évoquer avec lui le projet de loi organique destiné à accorder aux différents groupes des temps de parole limités. L'objectif du gouvernement est, dit-il, d'empêcher les manœuvres d'«obstruction» qui ne grandiraient pas le travail parlementaire par le dépôt d'amendements en grand nombre. Il s'agit d'une réforme apparemment anodine qui ne l'est pas du tout. L'objectif du gouvernement est, sous le prétexte de mieux faire fonctionner l'Assemblée nationale, de limiter les pouvoirs de l'opposition et finalement de la museler.
J'entendais sur une chaine de radio, ce matin, un éminent constitutionnaliste, M. Carcassonne, expliquer que cette réforme allait dans le bon sens. Il a oublié de préciser que les projets de lois du gouvernement sont tous déclarés «en urgence» si bien qu'une seule lecture est possible devant les deux chambres réduisant d'autant le sérieux, la réflexion, nécessaires pour établir de bonnes lois. Nicolas Sarkozy est un agité. Tout doit être vite fait, trop vite fait et donc mal fait. Quand on réfléchit aux textes proposées par Mme Dati — un fait divers, une loi, un autre fait divers, une autre loi — on cherche la cohérence de cette politique pénale construite dans l'émotion et non dans la durée. Faire la loi oblige au sang-froid, au contrôle, à la distance…
Limiter le droit d'amendement de l'opposition, c'est porter atteinte au fonctionnement même de la démocratie. On savait Nicolas Sarkozy autoritaire, autocrate, adepte d'un césarisme modernisé. Comme l'a bien dit un commentateur ce matin, il ne s'agit pas de l'opposition gauche-droite, il s'agit des rapports entre l'exécutif (le gouvernement) et le législatif (les deux chambres du parlement). Les Français feraient bien de suivre avec attention ce qui va se passer, dès aujourd'hui, au Palais Bourbon. Se trouvera-t-il des députés UMP pour empêcher ce «coup de force» qui, un jour peut-être, se retournera contre eux ?