Et voilà. Je laisse le blog pendant quoi ... cinq six jours, et paf, quand je regarde l'actualité, c'est la navritude: ça part de tous les côtés et le nombre incalculable de petites conneries politiques qu'on peut commenter a explosé. Je me souviens d'une époque plus calme où on avait le temps d'analyser les loufoqueries françaises, où les gouttes d'idioties tombaient, lentement, égrenant de leurs plic-plocs humides les jours qui passaient calmement dans ce pays à la dérive. Ce temps est révolu. Le petit crachin de nouilleries politiques s'est transformé, sous la double impulsion de Sarkozy et de la criiiiise, en une véritable averse, cataracte de sons et lumières médiatiques consternants.
On se souvient.
C'était il y a des siècles et des siècles, lorsque Sarkozy venait de remporter les présidentielles. Le temps politique, nullement comparable au temps des cloportes payeurs d'impôts que nous sommes, se déroule sur un rythme effréné et c'est en effet dans un autre siècle que le nouveau président avait pondu un nouveau commissariat, tout beau, tout neuf, avec un nom assez extraordinaire : le Haut Commissariat aux Solidarités Actives contre la pauvreté.
Le nom est particulièrement savoureux. On dirait un slogan pour poudre à laver :
Avec Blanco Vanhirsch, vous aussi faites disparaître toutes les traces de pauvreté ! Blanco Vanhirsch contient des Solidarités, actives jusqu'au plus profond du linge sale qu'on lave en famille !
Ce n'est pas innocent. Avec la médiatisation maladive de notre politique où le rythme des décisions prises dans la réflexion a laissé la place aux pulsions réactives de l'action à tout prix, on veut du Qui Pète, Qui Bouge et Que Rien n'Arrête. Et si on doit avoir un commissaire, balayons les standards : fini le Maigret de Jean Richard, terminé le brouillon Colombo, et on oublie bien vite Dupond et Dupont ou Labavure. Non, on veut un type jeune qui décape. Et comme en plus c'est un mec sympa qui bossait pour une association d'utilité publique, on ne peut même pas taper dessus. Blanco... pardon banco ! Ce sera Martin Hirsch.
Un nom court, mais une fonction à rallonge !
Bon. Soit. Sous son appellation ridicule avec un titre à rallonge qui doit occasionner des cartes de visites hors-format, notre joyeux Martin va donc se dépenser, mouiller la chemise pour produire un nouveau machin administrativo-fiscalo-solidaire, le RSA.
A ce point là, on se dit : c'est bon, le Sarkozy a son commissaire de choc, et nous allons voguer vers de nouvelles aventures ! Derrick n'a qu'à bien se tenir, surtout que ce teuton rigolo n'est qu'Inspecteur, sapredieu !
Eh bien non. Cela ne suffira pas. Dès qu'on sent le Hirsch se fatiguer, pof, Sarko récidive. Le 18 décembre, re-belote : la République se fend d'un autre commissaire, Yazid Sabeg. Et, pour ne pas faire de jaloux, lui aussi aura un titre qui s'écrit avec des Et, des À, et une demi-douzaine de capitales. Il sera, je vous le donne en détail, Commissaire A La Diversité Et A L'Egalité Des Chances.
Rappelons qu'en France, nous n'avons pas réellement de problème avec la lutte contre la discrimination, pour l'égalité des chances, pour éviter les méchantes phobies qui se cachent sous les sommiers poussiéreux, tout ça... Nous avons SOS Racisme (qui est, comme pour SOS Baleines, un organisme destiné à sauver les ... baleines racistes victimes de racistes) ; nous avons aussi la HALDE, dont on aime, régulièrement, narrer les avancées ludiques en matière de luttes concrètes contre les poésies classiques, les contes enfantins et les métiers aux noms sexistes.
Image au hasard sans rapport avec le sujet
Mais cela ne suffit pas. Et bien que le président ait précisé lors de sa campagne qu'il voulait une diminution des Commissions Théodules, il a su garder l'esprit Vème République de partage des deniers citoyens vers de festives alcôves aux plantureuses rémunérations et aux titres ronflants.
Et maintenant, ça va aller ? C'est bon ? C'est fini avec les commissaires ?
Non. Apparemment, les Solidarités ne sont plus suffisamment Actives. Un problème chimique, sans doute : les enzymes de Hirsch se sont peut-être épuisées, ou les médias, ou les deux, mais force est de constater qu'il ne pourra plus aller laver moins pauvre et pénétrer au coeur de la tâche ministérielle qui lui avait été confiée : il va délaisser son commissariat rue de Ségur et la brigade de secrétaires, chef des cabinets et tout le bazar qui va avec.
Maintenant, ça ne rigole plus. Il va devenir Commissaire A La Jeunesse. Et même mieux : Haut Commissaire. Au contraire du précédent qui, puisqu'il n'avait pas le titre de Haut, devait être Bas Commissaire, comme dans Bas Morceaux, ou Bas Clergé, disons, lui pourra se targuer d'être un cran au-dessus. Eh oui : c'est ça de connaître personnellement Nicolas, sans doute. Ou, plus prosaïquement, d'être déjà connu du milieu...
Il va donc être Haut Commissaire à La Jeunesse. Il fallait au moins ça : avec tous les jeunes en manque de repère, un bon commissaire, ça donne tout de suite une ligne, une idée précise de là où on doit aller. Et comment cela se traduit, dans la vie réelle du bas des marches de l'Elysée ? Eh bien c'est simple : M. Hirsch, je cite, entend définir un nouveau "pacte social" entre les générations, monter de nouveaux programmes d'insertion plus proches des préoccupations des jeunes – et notamment des plus exclus d'entre eux – en matière d'emploi, de santé, de logement et d'éducation.
Voilà. Z'êtes contents ? Vos impôts vont donc partir dans la définition d'un pacte social entre les générations. Evidemment, ce "pacte social", je le sens bien qu'on ne va pas vous demander de le signer. Ni vous, ni les jeunes en face. Et puis, c'est marrant, cette petite opposition pas du tout artificielle entre les générations. Toi, tu as moins de 25 ans ? Tu es jeune. Tu signes là. Voilà, bien dans le cadre. Sans déborder. Laaaaaà, c'est bien. Et vous, monsieur, vous avez 50 ans, c'est ici. Voilà. Et toi, tu as combien mon petit ? 26 ans ? Alors c'est dans la case vieux schnoques de la génération suivante. Eh oui. Désolé.
Bref. Dès la nomination, ça sent l'usine à air chaud à plein nez. Tout y est. Lisez l'article donné en lien, c'est frappant : les mots "social", "insertion", "emploi", "santé", "éducation" sont tous là. Vous les avez tous ? Vous pouvez crier FOUTAISES très fort, et avec les deux mots bonus "génération" et "pacte", vous avez le SuperBingo du Gouvernement.
Avec ce SuperBingo du Gouvernement, rappelez vous que vous pourrez bientôt échanger deux barils de Blanco Vanhirsch contre un baril de Hirsch Jouvence. Contactez l'Elysée pour plus de précisions.
Décidément, ce pays est foutu. Mais il est aussi très très rigolo.