Libération
Jean-Pierre Bellemare, prison de Cowansville
Dossier chronique d’un prisonnier
L’orgueil, cet imposteur, s’est toujours pris pour ma fierté. Le temps que j’ai dû purger avant de réaliser cette supercherie se compte en années. Ce fut le plus grand obstacle à franchir pour accéder au bonheur. Les efforts consacrés à défendre et polir un orgueil inutile ressemblent à certaines campagnes publicitaires. Toutes les diversions qu’utilisent la télévision, la mode et la publicité visent un but bien précis: nous confondre. Nous faire oublier que le véritable bonheur ne coûte rien.
Grâce à des lectures judicieusement sélectionnées, je suis arrivé à me remettre sérieusement en question. Quand on se retrouve seul face à soi-même, nos besoins refont surface, ridiculisant nos caprices qui agissent exactement comme les publicités. Des artifices éphémères qui n’ont qu’un but: aveugler notre discernement!
Un simple sourire glissé en présentoir sous des yeux accueillants peut vous éblouir totalement. Un doigt caressant votre peau délicatement peut vous remplir d’une tendresse enivrante. Un mot gentil peut vous faire oublier des chapelets entiers de bêtises. Ce, pour nous rappeler que le bonheur ne provient jamais d’une chose qu’on achète.
Je retourne à la liberté physique, celle des obligations, celle des conventions. Si la prison n’est pas agréable, elle n’en demeure pas moins une expérience riche en émotions fortes et intenses. Je crois avoir réussi à passer au travers sans trop de dommages mentaux. Ce qui, en soi, est une belle démonstration de résilience. Je vais tenter, grâce aux moyens qui sont mis à ma disposition, de produire un bilan constructif et utilisable pour la société.
Pour y arriver, je dois d’abord faire la paix avec moi-même. Ensuite, j’utiliserai adéquatement ce passé boiteux. Ce cheminement en est un de longue haleine. Personne ne peut faire ce travail à ma place. Sachant que les mauvaises habitudes ont la vie dure, je reconnais la nécessité de rester vigilant.
Pour les vindicatifs et les inquisiteurs, sachez que vous êtes une source de motivation nécessaire parfois lourde, parfois irritante mais, comme moi, vous devez sûrement servir une mission qui dépasse votre entendement.
Avec toute ma considération.