L’exposition du Brésilien Cildo Meireles à la Tate Modern à Londres (hélas terminée le 11 janvier, mais visible à Barcelone de février à mai, puis en Amérique du Nord) mérite plusieurs billets, en particulier du fait de l’ampleur et de la force de ses installations. A l’entrée, un remix des chansons des Beatles, des 27 chansons qui furent en tête du hit-parade. Ce remix est en fait une superposition musicale des chansons préalablement ‘centrées’, c’est à dire qu’on commence par entendre la plus longue des 27, Hey Jude; au bout de quelques minutes, se rajoute le son de la seconde plus longue, Help, puis une autre et encore une autre, et encore, jusqu’à ne comprendre plus rien, n’entendre plus rien. C’est d’abord assez cacophonique, puis, quand les 27 chansons sont présentes, il y a une sorte d’harmonie, comme une essence de Beatles. Ensuite, peu à peu, les chansons les plus courtes s’arrêtent, la décrue s’amorce, les sons s’apurent et on finit avec Hey Jude. Evidemment, il faut entendre Liverbeatlespool (2004), graphiquement, la superposition des paroles n’est pas aussi brillante. Je me dis que l’exposition commence bien, avec ce jeu à la fois conceptuel et humoristique, cet hommage décalé et cete manière détournée de parvenir à l’essentiel.
Un peu plus loin, les fameuses bouteilles de Coca : sous la dictature, Meireles, confronté à la censure et à la répression, utilise les bouteilles de Coca, qui sont alors consignées au Brésil, pour y apposer des petits autocollants translucides portant des messages politiques (Qui a tué Herzog ? Yankees go home !) ou artistiques (Quel est le plan d’une oeuvre d’art ?) qui sont ainsi vus par des milliers de gens. Il fait de même avec des billets de banque, tamponnés des mêmes slogans (j’ai entendu parler d’une action similaire avec des shekels et des slogans anti-occupation, mais je ne retrouve pas la référence) et il dit que ces billets brûlaient la poche des gens, qui s’empressaient de s’en débarrasser, augmentant d’autant leur diffusion et leur impact. D’autres billets ou pièces sont diffusés avec la dénomination zero (dollar ou cruzeiro). Cette série, dénommée
Insertions dans les Circuits idéologiques, conjugue la composante politique du travail d’un artiste sous la dictature et sa dimension conceptuelle (et, toujours, humoristique) (très bon texte d’Okwui Enwezor dans le catalogue).
D’autres oeuvres conceptuelles de Meireles ont à voir avec le paysage et la manière dont l’homme peut interagir avec lui : aller poser un fil sur la ligne d’horizon, ou au pied de l’arc-en-ciel, ou bien faire le tour du pôle Nord en canoë (quand les glaces auront fondu) en allant à l’envers du temps. Une de ses bagues contient un seul grain de sable, une autre une petite charge explosive : il suffit de placer la lentille qui ferme la bague sous les rayons du soleil, et on explose (
Condensation III : Ringbomb) : du danger de l’art, même en petite quantité.
Demain (et peut-être même après-demain), ses installations.