La pilule contraceptive a “des effets dévastateurs sur l'environnement” et est en partie responsable de “l'infertilité chez l'homme”, écrit samedi [date précise] le journal du Vatican, l'Osservatore Romano.
Je suis tombée des nues en lisant cet article. On se croirait revenu au moyen âge, lorsque seule l’Eglise et quelques « élus » détenaient un pouvoir « surhumain », le savoir, et où toute science ne pouvait avoir droit de cité que dans la mesure où elle respectait doctrine et dogme chrétiens. C’était l’époque où les épidémies étaient présentées aux fidèles comme une punition divine contre une société pécheresse. L’époque où, pour détourner les fidèles de la sexualité, Robert de Sorbon n’hésitait pas à proclamer que la lèpre (qui terrorisait à juste titre l’Europe médiévale) se transmettait par relation sexuelle (et que la femme – naturellement – en était le vecteur, en tant que porteur sain). Souvenons-nous aussi, un peu plus tard, du procès de Galilée.
L’article de l’Osservatore Romano replonge dans l’obscurantisme dont usent les « maîtres » pour garder « leurs serviteurs » à leur merci, il joue avec nos inquiétudes. Cela porte un nom : le gouvernement par la peur. Le moyen ? Une publication présentée comme « scientifique », surfant sur une vague efficace, le phénomène de mode du siècle (de son début tout au moins), l’écologie. L’Eglise se met au vert ! Pourquoi pas ? Après avoir habillé ses princes de pourpre, il ne lui est pas interdit de modifier sa palette.
La pilule contraceptive serait donc (pour les maîtres de nos âmes) à l’origine de la baisse de la fertilité masculine. Les femmes – encore elles ! – prenant cette « invention diabolique » pour ne pas tomber enceintes pollueraient et détruiraient les spermatozoïdes dans l’œuf, voire avant. Divine surprise, pour le moins !
Scientifique, cet article ? Ceux qui connaissent les rudiments d’une étude scientifique, savent qu’il n’y a pas d’hypothèse formulée ni de conclusion tirée sans un chapelet (si j’ose dire…) d’études disparates, menées par plusieurs équipes afin d’échapper aux erreurs d’une subjectivité bien humaine et de confronter et croiser les résultats. En d’autres termes, une seule étude, non confirmée par d’autres, ne peut prétendre à la vérité scientifique.
Or, l’article ne cite pas une référence, pas davantage de biobibliographie. Il est juste fait allusion à un mémoire (d’une centaine de pages, paraît-il), publié par une association internationale de médecins catholiques, dont on ne trouve a priori de copie nulle part sur le net, pas même sur le site de ladite association ou sur celui du Vatican, jusqu’à présent. Bizarre. Citons une seule phrase, mais particulièrement significative de l’absence de tout esprit scientifique et d’une volonté plus ou moins délibérée d’abuser ou d’infantiliser la population : “Nous avons suffisamment de données pour affirmer qu'une cause non négligeable de l'infertilité masculine (marquée par une baisse constante du nombre de spermatozoïdes chez l'homme) en Occident est la pollution environnementale provoquée par la pilule”. Parole divine, parole indiscutable, quoique ne remplissant pas (encore) les critères requis pour se targuer de l’infaillibilité pontificale ! Rien n’a pas vraiment changé en deux mille ans. Ce « suffisamment », justement, n’est pas suffisant pour convaincre ; en revanche, il en dit long sur les auteurs de cette prétendue étude et sur leur… suffisance !
Ce que ce comité scientifique, sans doute honorable, a évité de préciser (et ce n’est probablement pas par oubli), c’est que cette fameuse pilule n’est pas ingurgitée que par des femmes redoutant une grossesse. Elle fait partie de nombreux schémas thérapeutiques, prescrits chez des femmes (et des hommes aussi) de tout âge, même chez des personnes n’ayant pas ou plus aucune activité sexuelle. La pilule est également prescrite dans le traitement hormonal substitutif de la ménopause, dans l’hormonothérapie de certains cancers (féminins mais aussi masculins), dans le traitement de certains troubles hormonaux ou de leurs conséquences (méno-métrorragies, fibromes, endométriose, tumeurs, hypertrophie de la prostate, acné, etc.). L’infertilité aussi requiert, dans certains cas, le recours aux traitements hormonaux ; faut-il les éviter pour ne pas troubler la fertilité ? Le mal, pour une fois, n’est plus une exclusivité féminine. Saint Augustin doit se retourner dans son tombeau… D’où, peut-être, le silence de ceux qui s’en inspirent.
Il ne faut pas oublier en outre que, en matière de contraception, les pilules sont de moins en moins dosées en hormones, pour un meilleur confort de l’organisme. Quant aux médicaments rentrant dans le cadre d’une hormonothérapie, là les choses changent. Les doses peuvent doubler voire tripler. C’est également le cas de l’hormonothérapie de substitution.
Alors que faire ? Interdire, dans un souci « écologique », l’usage des traitements hormonaux ? Il serait absurde de faire courir aux femmes ménopausées par exemple tous les risques de santé liées à la ménopause (à commencer l’ostéoporose et le risque cardiovasculaire), ou d’opérer à tout va un fibrome qui aurait guéri simplement par la prise de pilule, de charcuter un simple adénome prostatique ou de faire exploser un cancer de la prostate dans le simple souci de ne pas éliminer les métabolites de ces hormones dans la nature !
Ce que cet article ne dit pas non plus, c’est qu’une grande partie de ce qui nous entoure contient des hormones, ou des molécules se comportant comme des hormones, à commencer par les phyto-œstrogènes qu’on trouve, entre autres, dans le soja. La responsabilité prétendue de la pilule s’en trouve singulièrement relativisée. L’article oublie aussi de dire que l’hypofertilité est expliquée par d’autres facteurs qui sont omniprésents dans notre vie : une pollution extérieure et interne (tabagisme, déséquilibre alimentaire, etc.), une hygiène de vie souvent déplorable, une alimentation déséquilibrée, un stress permanent, des médicaments qu’on prend pour soigner les bobos de la vie et de la civilisation etc. Les jeans trop serrés, on le sait, ne favorisent guère cette fertilité, est-ce toutefois une raison suffisante pour appeler à les mettre à l’index ?
En lisant cet article on ne peut s’empêcher de sourire devant un comportement puéril (mais exempt de l’innocence de l’enfance) : Brandir la bannière de l’écologie pour défendre en fait l’hostilité inébranlable de l’Eglise envers la pilule. On a le droit de se poser une question : et le préservatif ? Ça ne lâche pas d’hormones ; on pourrait juste craindre que les oisillons s’étouffent avec s’ils y passaient la tête. A moins que leur fabrication ne participe au réchauffement climatique, le Vatican devrait y penser. Et le stérilet ? Ça ne fait de mal à personne, sauf que le cuivre (pour ceux contenant du cuivre) pollue aussi. Il faudrait sérieusement songer à bannir les casseroles de cuivre des cuisines pontificales et épiscopales.
Arrêtons l’hypocrisie. Dans l’occurrence qui nous intéresse, l’Eglise n’a pas plus… cure de l’écologie, que les affamés de l’Ethiopie du bonus malus. La seule hantise qui trouble la conscience des hautes sphères c’est de garder à leur merci des fidèles devenus nombreux à sortir des sentiers battus. Les équipes de communication de la Curie font bien leur métier : Les nouvelles peurs de la société se rapportent à l’obsession maladive des dangers écologique, jouons le jeu. Comme Robert de Sorbon avec la lèpre en son temps. Les individus, de plus en plus sourds aux interdictions sans fondement logique, pourraient finir par se plier à ce nouvel appel de la nature….
A la fin du XIXe siècle, les autorités chrétiennes s’insurgeaient contre l’anesthésie, jugée diabolique. Si Dieu avait décidé que nous devions souffrir, personne – et surtout pas les scientifiques – ne pouvait faire obstacle à cette volonté aussi divine que mortifère. L’étude évoquée par l’Osservatore Romano procède d’un principe similaire. Cela dit, avant d’agir, attendons les nouvelles mesures que le Vatican ne manquera pas de proposer, si sa fibre écologique n’est pas que de façade. Les idées ne manquent pas. On pourrait en revenir à sonner les cloches manuellement (et non plus au moyen de moteurs électriques). Les cierges électriques qui ont envahi nos cathédrales au mépris de toute symbolique religieuse pourraient aussi être remplacés par des cierges classiques. Les Monsignori pourraient encore renoncer à leurs luxueuses limousines immatriculées « SCV » pour se déplacer en petites berlines hybrides. La papamobile pourrait, elle aussi, devenir électrique. Les directives sont toujours mieux suivies lorsque l’exemple vient d’en haut.
A lire sur la prévention de l’infertilité : http://www.orgyn.com/en//webzine/2008/issue_25/knowledge_of_inferti.asp?svarqvp2=0&componentid=205625&sourcepageid=204675