Fainéants

Publié le 11 janvier 2009 par Malesherbes
Avec l’élégance rare et la délicatesse d’expression qui le caractérisent, l’éternel agité qui déforme notre pays vient de traiter, semble-t-il ses prédécesseurs, de rois fainéants. Passons sur cette nouvelle manifestation d’incontinence verbale d’un grand monarque si maître de ses nerfs pour nous concentrer sur une décision à laquelle ont participé ses deux successeurs survivants, décision qui a suscité dans nos médias moins d’écho que les insultes du susdit. Jeudi 8 janvier, au terme de cinq heures et demie de délibéré, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision n° 2008-573 DC, à propos du projet de la loi relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés.
Ce projet, adopté le 11 décembre 2008, autorise le redécoupage des circonscriptions électorales législatives. On pouvait y lire, au premier alinéa du 1° du II de l'article 2, que les opérations de redécoupage « sont mises en œuvre sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général en fonction notamment de l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Cette formulation éminemment floue a été censurée et l’ensemble du membre de phrase commençant par en fonction a été supprimé. On pouvait légitimement se demander ce que signifiait cette évolution respective. Fallait-il s’écarter des bases démographiques lorsque la population s’élevait plus rapidement que le nombre d’électeurs ou bien le contraire et dans quel sens ? Une merveille dans le vague autorisant toutes les distorsions. Les sages auraient d’ailleurs pu poursuivre leur nettoyage en supprimant la réserve puisque rien n’indique, ni ce qui justifierait d’éventuelles adaptations, ni quels pourraient être ces motifs d’intérêt général. Tous ces ajouts sont d’ailleurs parfaitement inutiles. Puisqu’il est dit que ces opérations sont mises en œuvre sur des bases essentiellement démographiques, cela implique qu’il est des cas où la commission est autorisée à prendre en considération d’autres éléments que la démographie, éléments qui ne sont ni précisés, ni encadrés. Mais voilà cette commission prévenue que des recours ne manqueraient pas d’être déposés s’il lui prenait fantaisie d’en prendre à son aise avec l’égalité devant le suffrage.
Le deuxième alinéa de ce même paragraphe stipulait : « Le nombre de députés ne peut être inférieur à deux pour chaque département ». Il a été estimé que cette règle n’avait aucune valeur constitutionnelle et cette phrase a donc purement et simplement été supprimée. Cette règle permettait de donner à des départements très faiblement peuplés, ruraux et donc sociologiquement de droite, une représentation totalement disproportionnée comparée à celle d'autres départements.
Saluons donc ce rappel à l’ordre prononcé par le Conseil constitutionnel qui permet d’espérer que le découpage électoral s’écartera quelque peu du charcutage réalisé en 1986 par Charles Pasqua. Et remercions MM. Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac de ne pas être aussi fainéants que le prétend leur indigne successeur.