Responsable de la page culturelle du quotidien Al-Hayat, Abdo Wazen (عبده وازن) a publié à propos de Gaza un article, traduit par Courrier international. Le poète - qui a connu il y a quelques années des problèmes avec la censure pour un recueil (Le Jardin des sens حديقة الحواس ) un peu trop audacieux sur le plan des moeurs - s'en prend violemment à Amos Oz, David Grossman et autres A.B. Yehoshua. Les représentants du " plus beau visage d'Israël " - comme on peut le lire dans cet article publié sur le site littéraire du Nouvel Observateur à l'occasion du dernier Salon du livre de Paris dont Israël était l'invité d'honneur - se font aujourd'hui sans nulle honte les propagandistes d'une attaque proprement monstrueuse contre une population civile qui n'a aucun moyen de se défendre ou même de fuir les combats, prisonnière qu'elle est dans son ghetto.
A.B. Yehoshua, David Grossman et Amos Oz sont considérés comme faisant partie du "camp de la paix". Voilà pourtant les propos que tenait A.B. Yehoshua dans le quotidien israélien Haaretz, le 19 mars 2004. Ils inquiètent sur ce qui se passe dans la tête de certains intellectuels de ce pays, et ils obligent, à tout le moins, à se poser des questions sur le camp qu'ils ont choisi.
Il se peut qu'il y ait un jour une guerre contre les Palestiniens. Ce n'est pas certain mais ce n'est pas exclu. Mais si une telle guerre a lieu, elle sera très courte. Une guerre de six jours, peut-être. Quand on aura évacué les colonies, quand on aura cessé d'être une armée d'occupation, les règles de la guerre seront différentes. Nous déploierons toute notre puissance. Nous n'aurons plus besoin d'aller chercher tel terroriste ou tel meneur, nous emploierons la force contre la population toute entière. Nous interviendrons de façon différente... Ce sera une guerre totale... Elle sera beaucoup plus dure pour les Palestiniens. S'ils tirent des roquettes Qassam sur Ashkelon, nous couperons l'électricité à Gaza. Nous couperons les communications hertziennes à Gaza. Nous priverons Gaza d'essence. Nous déploierons toute notre puissance comme nous l'avons fait avec l'Egypte, contre les villes du canal en 1969, et là, quand la souffrance des Palestiniens sera tout autre, beaucoup plus intense, ils mettront d'eux-mêmes fin au terrorisme. Le peuple palestinien neutralisera lui-même le terrorisme. Il n'aura pas d'autre choix que de faire cesser les tirs. Peu importe qu'il s'agisse de l'Autorité palestinienne ou du Hamas. Quand les responsables de l'essence, de l'électricité et des hôpitaux verront que plus rien ne fonctionne, ils interviendront en quelques jours pour faire cesser les tirs de Qassam. La nouvelle donne changera complètement les règles du jeu. On ne le souhaite pas, mais ce sera une guerre de nettoyage. Une guerre qui montrera aux Palestiniens qu'ils sont souverains. La souffrance qu'ils subiront, quand l'occupation aura pris fin, leur montrera qu'ils doivent en finir avec la violence puisqu'ils sont désormais souverains. A partir du moment où nous nous serons retirés, je ne veux plus connaître leur nom. Je ne veux plus entendre parler d'eux. J'en aurai fini avec le régime de l'occupation, les opérations policières et les associations de défense des droits de l'homme. Ce sera peuple contre peuple. Etat contre Etat. Je ne vais pas commettre de crimes de guerre contre eux, mais je vais leur montrer toute ma puissance. S'il y a des tirs sur Ashkelon, il n'y a plus d'électricité à Gaza.Cette traduction figure dans Le nouveau philosémitisme européen et le 'camp de la paix' en Israël (La Fabrique, 2007, p. 97-99), un livre d'un autre écrivain israélien, Yitzhak Laor (déjà mentionné dans ces chroniques) dont nous citons également les commentaires :
Remarquez la phrase : " Nous n'aurons plus besoin d'aller chercher tel terroriste ou tel meneur. " En mars 2004, date de l'interview, " les assassinats ciblés de militants de l'Intifada dans les territoires occupés avaient pris l'allure de chasses à l'homme quotidiennes. Les maisons d'arrêt et les prisons étaient pleines, les camps de détention bondés, les Palestiniens bloqués aux barrages faisaient la queue pendant des heures, l'armée tuait sans distinction ceux qu'elle qualifiait de " terroristes préparant un attentant en Israël. " C'était une généralisation systématique des opérations des escadrons de la mort de l'armée. Analysons la logique terroriste du stratège A.B. Yehoshua : " Ils " tirent des Qassam. Que désigne ce " ils " ? Nous leur coupons l'électricité. Que désigne ce " leur " ? Comme il est facile de priver d'électricité les bébés de Gaza, comme il est facile de priver les hôpitaux de Gaza d'essence et d'eau, et ce, " parce qu'ils tirent des Qassam ". C'est la logique du terrorisme par excellence. [...] Pourtant, dans le genre, A.B. Yehoshua atteint un summum dans son interview de 2004 : " On ne le souhaite pas, mais ce sera une guerre de nettoyage. Une guerre qui montrera aux Palestiniens qu'ils sont souverains. " C'est un discours fasciste ou je me trompe ?Pour ceux qui souhaiteraient un autre éclairage sur A.B. Yehoshua, Pierre Assouline propose dans son blog cette " conversation animée " avec l'écrivain, en juin 2007, où il est question de morale et d'éthique...
Mots clefs : Abdo Wazen, Assouline, Gaza, guerre totale, Yehoshua