L'action se déroule en France, en partie à Paris, mais les couleurs sont si chatoyantes qu'on se croirait à Barcelone, en plein soleil. Les mouches virevoltent dans tout le volume et tracent en l'air des arabesques, comme des variations sur un thème de jazz, Fly Blues. Elles dansent, nous parlent en voix off, elles communiquent entre elles ; ce sont elles qui font l'histoire. A contrario, les relations humaines apparaissent pauvres, violentes. Les images choc y remplacent les mots, le coït y tient lieu de discours amoureux.
Kenny Meadows est un trompettiste de génie qui rejoint Paris en car pour enregistrer en studio avec un jeune trompettiste parisien, créateur du thème Fly Blues. Sur une aire d'autoroute, il croise les pas bottés d'une bande de loubards armés de couteaux et de téléphones portables. Les mouches en sont témoins, ainsi qu'une jeune femme qui parle aux voitures.
Gros défauts, en vrac : la narration est très décousue, sans doute parce qu'elle est portée par quelques millions de mouches. La BD met en scène une bande de jeunes criminels dont les actes sont ultra-violents, mais dont le langage (et les codes vestimentaire, gestuel) prête à sourire, vague condensé de clichés langagiers populaires. Le scénario fonctionne par ambiances et cela colle plutôt bien à la "bande originale" jazzistique, mais à quoi servent ces embryons épars de réflexion sur nos sociétés déclinantes... lorsque les auteurs se sentent obligés de clore 88 pages pessimistes sur un happy end ?
En somme, le volume se lit plutôt bien et j'aimerais retrouver les deux ou trois personnages principaux dans une autre histoire, un autre contexte. En donnant autant de place à la bande de tueurs, les auteurs me donnent l'impression de céder à la tentation du contemporain. Ils abordent un monde de violence dont ils ont une idée romancée, peu convaincante. On ne bascule jamais totalement dans le monde des tueurs, et les gentils restent finalement toujours à l'abri, dans leur citadelle d'art et de sentiments.
Fly Blues, c'est un peu comme un conflit de sensations : du sensationnel sanglant au sensualisme bourgeois. A chaque bord ses clichés, et vogue la BD ! Tout ça n'est bon ni mauvais, et c'est peut-être ça que je regrette.
92 pages en tout (l'épilogue de 4 pages est un vrai happy few),
coll. Futuropolis -