Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais le PAF s’entiche depuis quelques semaines de sujets de société absolument pas racoleurs…
À la tête de ceux-ci, le thème sans cesse rebattu des familles recomposées.
Avec son lot habituel de témoignages - chez Delarue et les autres - de maman qui est tombée amoureuse de la bonne ou de papa qui vit depuis trois ans en concubinage avec son bouledogue. Tout cela nous conduit tout naturellement à repenser les fondements du concept de famille.
En effet, cette notion de famille a tellement évolué depuis les trente dernières années qu’on devrait aujourd’hui dénoncer le mensonge originel de cette perception donnée à l’enfant occidental, siège de nombreuses névroses ultérieures.
La famille est avant tout une construction artificielle, géographiquement circonscrite et historiquement datée.
Cette construction mentale et sociale, élaborée de façon différente selon les âges et les civilisations, permet de justifier l’alliance d’individus et la création de groupes sociaux cohérents, qui partagent une règle du jeu commune.
De nombreux anthropologues ont ainsi démontré que les civilisations tribales avaient également développé ces formes d’alliances ou de transactions destinées d’une part à permettre le renouvellement et la perpétuation de la « race », d’autre part à éviter l’éparpillement du patrimoine, notamment génétique.
Pourtant, cette construction mentale a beaucoup évolué en occident.
Du « clan », articulé autour d’un patriarche, et d’où l’on ne ressortait que bafoué ou mort, la famille est devenue « tribu », lieu informel où passent les maris, femmes, enfants, amis et autres personnages de ces familles dites « recomposées ».
La famille, telle que la dépeignait Mauriac par exemple, était un univers clos, empli de non-dits et de frustrations. Elle ne pouvait que devenir le siège d’une implosion, qui s’achevait par l’élimination de l’élément déclencheur du « scandale ».
Le tournant décisif des années 70 s’est incarné par la transformation de l’implosion en explosion, provoquant l’inévitable dispersion des atomes de la cellule familiale.
Tel un univers miniature, la famille est donc aujourd’hui en expansion, une expansion sans limites.
Or, cette expansion ne peut se faire que par une remise en cause radicale des fondements initiaux de la famille de sang, à laquelle s’est aujourd’hui substituée une famille de cœur, ce qui ne signifie pas pour autant que cette dernière soit exempte de règles : comme tout groupe, elle ne saurait en effet s’en affranchir totalement.
Aujourd’hui, la famille, c’est avant tout celle que l’on choisit, et de moins en moins celle que l’on subit.
Elle est devenue virtuellement absolue et mondiale, comme en témoignent les nombreuses communautés virtuelles et les chats sur Internet, axés sur des centres d’intérêts communs, et débouchant sur des amours également virtuelles, dont l’impact sur le psychisme humain resterait à étudier.
Après s’être débarrassée du carcan de la génétique, la famille ne s’encombre même plus de celui des distances…
Parallèlement, l’effort de construire quelque chose avec autrui parce qu’il partage le même patrimoine génétique n’a plus de sens.
Il serait donc grand temps d’adapter la perception de ces nouveaux modes relationnels à la pédagogie, pour présenter à l’enfant des individus, qu’il aura le droit d’aimer ou de haïr, d’accepter ou de rejeter, et lui proposer de partager une expérience de vie au sein d’un groupe dont le nom même reste à réinventer… puisque la famille n’existe plus !