Il y a des titres comme ça, tel "Le vol de l'ibis rouge", qui ne vous attire pas plus que ça... et puis, vous ne savez pas pourquoi, vous vous saisissez quand même du livre, comme ça, parce que ça ne mange pas de pain, parce que le livre n'est pas très épais, parce que le nom de l'auteur vous évoque exotisme, voyage, découverte culturelle...
Un coup d'oeil sur la 4è de couv'...
"traduit du brésilien par Leonor Baldaque"
Brésil...
Ca tombe bien, vos connaissances sur la littérature brésilienne contemporaire sont pauvres, voire inexistantes, en même temps, vous n'êtes pas prêts à vous lancer dans n'importe qui (ni n'importe quoi), un échec cuisant avec un auteur brésilien encensé par la critique vous a rendu méfiant, les romans brésiliens, c'est peut-être pas pour vous...
Et pourtant... et pourtant... les premiers mots de la quatrième de couv' vous parlent tout de suite:
"Une prostituée atteinte du sida et un jeune manœuvre analphabète qui transporte un coffre plein de livres se rencontrent par hasard. Il a besoin que quelqu'un l'écoute et lui apprenne à lire. Elle a besoin d'exister pour quelqu'un qui la désire avec sincérité."
Voilà un thème inhabituel, me suis-je dit alors, et qui s'annonce bouleversant (limite j'avais déjà la larme à l'oeil...). Voyons ce que dit la suite:
"Anonymes et invisibles, ils joignent leurs misères et s'évadent dans un autre monde où l'imagination change la réalité et rend la vie un peu plus supportable.
Maria Valéria Rezende construit une narration à la fois simple et raffinée, mêlant éléments de la culture populaire brésilienne et de la culture érudite, les Mille et une nuits ou le Quichotte, dans un style musical et travaillé jusqu'à atteindre une extrême limpidité."
Aaah? Voilà qui pourrait vraiment me plaire!
J'embarque donc le livre, m'y plonge et wooouuuf! Me v'là embarquée pour une nuit blanche, je ne trouve pas les mots pour rendre justice à ce récit qui est tout simplement... wouf!..., la quatrième de couv' en est un descriptif parfait!
Que pourrais-je rajouter d'autres à part que c'est une magnifique histoire d'amour atypique, racontée avec tellement de noblesse d'esprit, de poésie, de pudeur, que toute la misère humaine à laquelle on est confronté ici en est sublimée.
C'est une sorte de Mille et Une Nuits à la sauce brésilienne, où les miséreux sont les héros de leurs récits, et où l'amour n'est pas que le privilège des princes et princesses (c'est vrai quoi, faut arrêter avec ça lol).
Je parlais de "larme à l'oeil" plus haut, et de "miséreux" à l'instant, mais pour peu que la situation de nos protagonistes soit terriblement triste (une prostituée atteinte du sida et un manoeuvre analphabète... essayons de faire pire...), l'auteure ne pratique pas de voyeurisme inutile malgré le fait qu'elle fasse état d'une réalité sociale indéniable. Elle met en avant non pas des miséreux mais des êtres humains avant tout, et le ton n'est pas employé à apitoyer le lecteur sur le sort des mal lotis mais bien à célébrer la vie, l'amour, la culture.
Voici un livre qui m'a permis, entre autres, d'avoir un petit aperçu des légendes populaires brésiliennes et d'avoir un bon résumé et une bonne analyse de Don Quichotte, et ce, sans l'avoir lu. C'est cool parce que je crois que je n'arriverai jamais à le mettre en haut de ma PAL un jour
Egalement commenté par Chiffonnette (et même catégorisé Coup de coeur!), et Yohan.
L'auteur
Maria Valéria REZENDE est née au Brésil, elle est entrée en 1965 dans la Congrégation des sœurs augustines et s'est dès lors consacrée à l'Éducation populaire, d'abord dans la périphérie de Sao Paulo et, à partir de 1972, dans le Nordeste. Elle n'a jamais cessé de lutter contre les injustices et la pauvreté. Cet étonnant premier roman a été unanimement salué par la critique brésilienne.