Danielle et Nicolas

Pour ce premier édito de l’ère Sarko, j’étais bien décidé à écrire une chronique de repentance. En effet, après ces nombreuses années de persiflages divers et avariés, force est de constater que ma vision des choses était fausse. Oui : la droite a bel et bien changé. Grâce à elle, les vraies valeurs de notre nation redeviendront bientôt porteuses de sens pour le monde entier. Vous pensiez qu’en matière de pensée et de culture, les néo-gauchistes inspirés par Bourdieu avaient raison ? Vous vous délectiez du flow poétique de Grand Corps Malade ? Désormais, il va falloir vous convertir à la pensée de Petit Cerveau en Pleine Santé. Remarquez, avec Gilbert Montagné en fond sonore, ça devrait passer tout seul.
J’avais aussi prévu de vous parler de mes dîners au Fouquet’s (non, ce n’était pas pour célébrer une victoire) et du Yacht de mes amis (si seulement…), mais finalement, quelqu’un est venu déranger l’ultime résidu de mes certitudes envolées. Ce quelqu’un, c’est Danielle. Comme la veuve de Mitterrand. Sauf que cette Danielle-là porte un nom qui n’est pas sans rappeler le patronyme d’un ex-candidat du Front national aux élections régionales en Alsace. Afin de préserver l’anonymat de cette courageuse lectrice, je transformerai le B en P. Danielle Pinder, donc, m’a fait tout un cirque au sujet de mon édito de début Mai dans TopTV, intitulé, « Les doigts dans le docu ». (la reprise d’un article de 2004 que vous pourrez trouver ICI). Je vous cite Pinder dans le texte :
« La majorité des auditeurs et vous le reconnaissez vous-même, se compose de personnes qui n'ont ni envie ni les capacités de se casser la tête le soir en rentrant de l'usine. La TV c'est le loisir le plus accessible, la TV permet de s'évader et d'induire le rêve. La télé c'est le repos du guerrier. Il faut donner du rêve aux gens ;
Que vous appeliez "frivolités stupides " la façon de vivre des gens nantis, c'est votre droit; mais il ne vous appartient pas de regarder de haut les journalistes qui en rapportent les images, et de considérer avec dédain le vocabulaire "réduit" pour vous citer encore, employé pour le reportage. Croyez vous vraiment qu'il serait judicieux d'employer des mots incompréhensibles par ces "smicards" pour lesquels vous semblez n'avoir que très peu, pour ne pas dire aucune, considération.
Mais quel dédain, vous devriez avoir honte, cher Monsieur Brunoh !! vous n'avez qu'une chance, c'est que ces fameux smicards ne vous liront pas car ils préféreront rêver devant les jeux qui leur donnent l'illusion que peut-être, un jour, ce sera leur tour. »
Oui Danielle, vous avez entièrement raison. J’ai honte. Honte d’imaginer qu’une alternative à la gigantesque entreprise de décérébration mise en œuvre par les télévisions privées depuis plus de vingt ans soit un jour envisageable. Honte de croire encore que le bonheur des gens simples puisse résider dans autre chose que ce nouveau succédané de l’opium du peuple, cette église des temps modernes, qui a remplacé les sermons des curés par les admonestations d’un Marc Olivier Fogiel.
Honte de découvrir que des personnes éduquées comme vous préfèrent penser que les smicards sont incapables de lire et de comprendre un édito, a fortiori d’apprécier à leur juste valeur une œuvre d’art, un livre intéressant ou un programme dit « culturel ». Fort heureusement, je connais des ouvriers qui en rentrant de chez Peugeot écoutent Billie Holiday et John Coltrane, profitent de leurs congés pour voyager à l’étranger -autrement qu’en se rendant au Club Me(r)d- et s’inquiètent autant que moi des dérives médiatiques entretenues par une certaine classe de journalistes – ou prétendus tels. Merci pour votre réaction, Danielle. Elle me donne l’occasion, si besoin était, de rappeler que toute forme de révolte n’est pas encore devenue totalement inutile. Libre à vous d’en douter.