2008 : les moments-clés pour l’opinion

Publié le 11 janvier 2009 par Cahier

De la victoire du PS aux élections municipales et cantonales à l’effondrement des marchés financiers, de la libération d’Ingrid Betancourt à la victoire de Barack Obama lors de l’élection présidentielle américaine, l’année 2008 a connu des moments d’actualité particulièrement intenses. Nos experts, Gilles Leclerc, Jérôme Fourquet et Jean-Daniel Levy reviennent sur les épisodes qui, à leurs yeux, ont le plus marqué l’opinion, et nous détaillent l’impact qu’ils ont eu, comment ont évolué les perceptions de Français lors de ces événements. et les leviers qu’ils ont activé dans les esprits. Leur choix s’est porté, sans surprise, sur la crise économique et sur l’élection américaine.

Gilles Leclerc : “Les Français ont compris que pour eux la situation était difficile”

Directeur du service politique de France Télévision

L’évènement n’aura pas marqué les Français dans leur vie quotidienne en 2008. Mais c’est pourtant cette année qu’une inquiétude forte s’est manifestée. Il s’agit bien sur de la crise financière augurant d’une crise économique, voire sociale qui, elle, a eu directement un impact sur le moral de nos concitoyens. Car une majorité de Français a vu des chiffres fous passer au-dessus de leur tête et a compris qu’on aidait d’abord les “gros”, c’est-à-dire les banques sans qu’on s’intéresse aux plus “petits”, c’est-à-dire à eux. C’est évidemment un raccourci facile à la limite de la caricature. Mais pourtant, le ressenti est là. Les Français ont déjà compris pour eux et pour leurs enfants que la situation était difficile et qu’elle le serait plus encore en 2009. Reste au gouvernement à les convaincre que Nicolas Sarkozy ne les néglige pas. Cela signifie que la relance décidée en fin d’année malgré des déficits et une dette dans le rouge, s’adresse d’abord à eux. Cela passe par une intense communication pédagogique sous peine au minimum de septicisme ou encore plus grave, de risque de crise sociale l’année prochaine.

Jérôme Fourquet : De la crise de confiance à la confiance de crise

Directeur adjoint du département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’Ifop

Le 15 septembre dernier, l’annonce de la faillite de Lehmann Brothers allait précipiter le monde dans la crise. Cette onde de choc a très vite traversé l’océan et atteint notre pays. Interrogés les 18 et 19 septembre, 81 % des Français se déclaraient inquiets pour l’économie française. Signe de cette angoisse collective, une personne sur dix avait même pensé à retirer tout ou partie de ses économies de sa banque… Depuis l’inquiétude ne s’est pas dissipée et se maintient au même niveau, nos concitoyens redoutant la multiplication des plans sociaux et des fermetures d’entreprise causés par le ralentissement brutal de l’économie mais aussi des troubles sociaux à l’image de ceux qui ont secoué la Grêce dernièrement. Dans cette ambiance de crise et profitant de la Présidence Française de l’UE, Nicolas Sarkozy a su déployer une nouvelle fois son volontarisme énergique. Et alors que la trêve estivale ne s’était pas traduite par une remontée sensible de sa cote de popularité, sa gestion de la crise tant au niveau européen qu’au plan intérieur lui a permis de regagner du terrain dans l’opinion en passant de 37 % en septembre à 44 % en décembre (soit son score le plus haut depuis janvier 2008). Cette capacité à réagir extrêmement rapidement aux événements et à répondre sans s’encombrer de références idéologiques aux préoccupations des Français est l’une des principales forces de Nicolas Sarkozy. L’avenir dira si la crise de longue durée qui s’installe lui permettra de retremper sa légitimité via de nouvelles annonces et mesures ou si elle viendra au contraire éroder une confiance partiellement retrouvée.

Jean-Daniel Lévy :”La présidentielle a été suivie avec une très forte intensité et un réel espoir”

Directeur du département Opinion de CSA

Parmi d’autres, l’élection de Barack Obama est l’événement de l’année. En France, la campagne pour les primaires puis pour la présidentielle a été suivie avec une très forte intensité et un réel espoir. Cependant, ne nous méprenons pas sur les raisons de la grande satisfaction ressentie par les Français à la suite de l’élection du candidat démocrate, qui va même jusqu’à faire évoluer fortement (et positivement) les représentations des Etats-Unis.

Certains mettront en avant une sorte de phénomène de mode, d’air du temps. Le signe que l’élection d’un président noir annonce l’avènement d’une société plus ouverte sur les questions sociétales. Ce serait oublier que les Français, même les sympathisants de droite, préfèrent systématiquement les candidats démocrates aux républicains. Ce serait également ignorer que derrière la jeunesse, la diversité, le charisme du personnage, Barack Obama représente - à leurs yeux - l’espoir de voir naître une « nouvelle » Amérique : un pays plus proche des valeurs des Européens que de celles traditionnellement portées par George Bush et son administration. Ce serait enfin sous-estimer la projection que se font les Français d’une politique menée par Barack Obama : une politique entrainant un retrait des troupes américaines de l’Irak, une politique plus « sociale », plus « solidaire », plus ouverte vers le monde. Soit, à peu de choses près, ce qu’attendent les Français d’une politique… française. Espérons qu’ils ne seront pas déçus.