Quelques amis avaient bravé la froidure et le verglas pour se retrouver à Mareuil-sur-Belle chez Anne et Benjamin. Au programme, une quinzaine de vins accompagnant un beau et bon repas. C'est peu de dire que c'est un bonheur de revoir cette joyeuse bande. L'espace de quelques heures, nous sommes dans un monde complètement à part, en totale communion. Cette soirée ne fit pas exception à la règle : magique! Mais laissez-moi vous la conter...
Nous avons démarré avec des gougères maison et un premier vin que nous soupçonnons être un champagne (indices : y a des bulles et c'est très bon). La robe est d'un beau doré, avec des bulles formant de fins cordons. Le nez est bien mûr, sur la pomme chaude, les épices et le pain perdu (je l'avais jamais celui-là, encore). Curieusement, la bouche n'a pas le moelleux que l'on est en droit d'attendre. C'est en fait très dense, avec une acidité bien présente, acérée. Le tout est d'une grande intensité aromatique - ça décoiffe! - avec de la mâche, et une finale sacrément persistante. Benjamin nous donne un indice : il n'est pas millésimé. Nous pensons forcément à la Grande Cuvée de Krug, sans vraiment retrouver nos impressions de dégustation précédentes. C'est en pourtant bien une! Cette cuvée est vraiment changeante. C'est la quatrième que je bois. A chaque fois, de nouvelles facettes apparaissent. Ceci dit, je m'en suis resservi une p'tite goutte une demi-heure plus tard. L'acidité s'était beaucoup estompée, le moelleux amplifié : cette bouteille avait apparemment besoin d'une bonne aération.
Le vin suivant a moins de bulles et un nez plus discret (levure sèche, épices, fruits secs). Pour le coup, la bouche est vraiment moelleuse, riche, sensuelle, avec une acidité en filligrane. Et c'est surtout d'une intensité rare et d'une longueur époustouflante. Ca n'en finit pas! Je soupçonne l'une des bouteilles dont Benjamin a parlé il y a peu sur LPV. C'en est une : c'est un Perriet Jouët "Belle Epoque 1979! Sous la torture, il nous avouera sa source d'approvisionnement. Nous irons ensemble le lendemain : il n'y en avait plus qu'une ... que nous lui avons laissée. Par contre, il y avait d'autres trésors pour lesquels nous avons craqué!
Nous passons ensuite à table et commençons par deux vins blancs aux caractères assez dissemblables. Le premier a des arômes qui vous sautent au nez : roche fumée, varech, petite pointe de truffe blanche. Ca peut plaire, comme déplaire. Typé, en tout cas. La bouche coule comme de l'eau d'un torrent, limpide, cristalline... Avec une finale de toute beauté et une grande persistance. Du bel ouvrage. Nous sommes plusieurs à partir sur un Chablis. C'en est un : la Forest 2001 de Vincent Dauvissat. [Rebu le lendemain soir à la maison (un petit fonds de bouteille). Au nez, c'est beaucoup plus sage : citron confit, avec une pointe de fumée. En bouche, il a gagné en ampleur, avec plus de mâche. Plus classique, mais moins intéressant...].
Le deuxième vin a des arômes moins dérangeants. Fruits bien mûrs (poire, pêche) beurre noisette, massepain. La bouche est vive, éclatante, dirai-je, avec une acidité magnifique qui porte le vin très haut et très loin. C'est grand, tout simplement. Benjamin nous dit que nous en avons bu un il y a peu... Cela ne suffit pas à nous aider. Lorsqu'il rajoute que les deux vins sont situés aux deux extrêmes de la région de production. Comme le premier est un Chablis, celui-là est un ... Macon! Non, ce n'est pas...???? Si, si : c'est le Macon Pierreclos "le Chavigne" 2004 de Guffens-Heynen. Incroyable : il ne ressemble pas du tout à celui que nous avions bu en novembre, plus discret, plus lisse. Le vin offre décidément de drôles de surprises...
Avec ces deux vins, nous furent servis des Saint-Jacques juste poêlées, sur un risotto au safran, truffe et pluche de cerfeuil. Que dire? Cuisson juste des noix, moelleux impeccable du risotto, petite note anisée du cerfeuil, plus terrienne avec la truffe. Un très beau mariage avec les vins. Bravo à la chef!
Non, il n'y a pas de problème de mise au point de la photo En fait, c'est le vin qui est trouble. Ca aurait pu être un indice pour trouver son géniteur, connu pour faire des vins "nature". Si nous avions hésité tout à l'heure sur le cépage commun des deux vins précédents, c'est ici flagrant : nous avons affaire à deux riesling. Le premier est donc trouble, avec un nez aux notes d'agrumes confits et d'aiguille de pin. La bouche est de belle ampleur, avec une impression de souplesse, et une acidité qui monte crescendo pour exploser littéralement en finale sur des notes citronnées intenses. Une bombe! C'est un Pfersigberg 1995 de Gérard Schueller. J'avais déjà bu des vins de ce producteur, mais jamais aussi beau!!!
Le deuxième impressionne déjà par son nez, pétroleux à souhait. Anne évoque le gasoil qui flotte sur l'eau des ports. C'est tout à fait ça. Y a plus qu'à boire la tasse, maintenant... En bouche, c'est la grande classe: riche, moelleux, mais sans lourdeur aucune tant l'acidité vibrante de ce vin lui apporte un grand équilibre. Autant dire que le léger sucre résiduel de la finale est très vite oublié tant on est emporté par l'histoire que nous raconte de vin. Et la fin de celle-ci est très belle, sur des notes d'écorce de pomelo, délicieuse astringence incluse. Un de mes plus beaux rieslings jamais bus. Logique. C'est l'une des références mondiale en la matière : Riesling Sharzhofberger Spätlese 1990 d'Egon Muller . Un chef d'oeuvre!
C'est un
Nous sommes des gens raisonnables. Nous savons qu'il ne faut pas boire sans manger. Ca monte vite à la tête. Aussi nous sommes nous sustentés avec des délicieuses lasagnes "à la Nelson" ( concassée de tomates, avocat, aubergines et courgettes grillées, pignons et basilic). La preuve définitive que ce ne sont pas les lasagnes qui sont lourdes, mais ce que l'on met dedans... Car celles-ci étaient d'une grande légèreté!
Le plat suivant, une effilochée d'agneau au basilic, cocos à la tomate, nous amène aux deux premiers vins rouges ... qui ne deviennent plus qu'un car le deuxième est bouchonné (c'était un Châteauneuf du Pape, Snifff). Celui qui reste a une robe pourpre, un nez sur le noyau, les fruits noirs, et un soupçon de truffe. La bouche est assez ample, mûre, fruitée, aux tannins fondus. Ce vin ne fait pas dans la puissance, mais dans l'élégance discrète. Un peu gachée par une finale un poil chaude et tannique. Guy parie sa paye que c'est un Bordeaux. Je ne suis pas vraiment convaincu mais je ne risque pas la mienne ;o) Il avait raison : c'est un Château Pontet Canet 2001! Etonnant, car je n'aurais jamais imaginé que ce puisse être un Pauillac..
Le plat de résistance arrive : des joues de boeuf cuisson basse température, sa sauce a la moelle et aux truffes,
purée crémeuse. Comme le reste, un régal : viande fondante, sauce goûtue, purée robuchonesque... Avec évidemment deux nouveaux vins afin de ne pas se déshydater :
Le premier a un nez superbe sur les fruits ensoleillés, le noyau, les épices et la garrigue. La bouche est ronde, fruitée, charnue, avec une grande fraîcheur (quand on sait ce que c'est, c'est un sacré indice pour retrouver le producteur). Ce vin est d'un équilibre et d'une digestibilité étonnante (deuxième indice!). Lorsque Benjamin évoque le mourvèdre en dehors de Bandol, ma réponse fuse : Valinières de Barral (Faugères) C'en est un. Un 1998 exactement.
Le second a un nez plus discret, encore dominé par l'élevage (notes lactées, caramel). La bouche ne m'emballe guère : les tannins demandent encore à se fondre. Par contre je me demande si l'amertume assez marquée disparaîtra... Si je rajoute une finale assez courte ("frustrante", ai-je marqué sur mon bloc-notes), on peut dire que je n'ai pas été trop emballé par ce Terroir Mailloles 2001 de Sarda-Malet. Toutefois, je crois me souvenir que d'autres l'ont bien apprécié. Ne vous fiez donc pas à ma seule critique...
Les fromages arrivent. Pour changer, j'ai omis de prendre la photo (les plats, c'est un réflexe, le fromage, je n'y pense presque jamais). Pour info, il y avait du Saint Nectaire, un comté 24 mois et de la vieille mimolette. Avec du fromage, forcément ... du vin!
Le premier a un nez sur la framboise, la terre mouillée, le tabac gris et une p'tite touche de cuir. La bouche est fraîche, limpide, avec un beau fruité et des tannins très discrets. La finale est plutôt courte, sur des notes de terre (à lire positivement, c'est trop terroir, comme sensation!). Pas vraiment surpris d'apprendre que c'est un cabernet franc de Loire : c'est un Clos Rougeard 2003.
Le deuxième est sur la fraise, les épices et le noyau. La bouche est ronde, gouleyante, avec un joli fruit qui a tendance à disparaître en approchant de la finale, plus chaude, tannique et balsamique. Un peu dommage... Je me doutais que c'était un pinot noir, mais ne l'imaginais pas de l'Oregon. C'est un Pinot noir 2002 des Beaux frères.
Le dessert est de saison : c'est une galette des rois (du boulanger : Anne avait bien assez à faire avec le reste...). C'est la maîtresse de maison qui coupe. Il faut croire que nous avons perdu notre esprit d'enfance. Personne n'est allé sous la table pour le "c'est pour qui?". L'assiette a simplement tourné et chacun s'est servi. Affligeant...
And the king is .... Patriiiiiiiicckkkk!!!!
Qui dit dessert, dit vins de dessert. Là encore, servis par deux. Le premier est sur les fruits jaunes confits et le miel. La bouche est fraîche, gourmande, sans lourdeur. Le sucre se ressent à peine. Belle buvabilité. J'avais consacré un article sur mon blog à son aîné de 2002. C'est un Vendanges dorées 2005 du domaine d'Escausses (Gaillac).
Le deuxième est plus confit, sur la cire et l'ananas, avec une pointe de volatile. La bouche n'a pas la richesse que l'on pouvait attendre, ni la fraîcheur du vin précédent. La finale est plutôt courte. Bref, pas vraiment emballé. Mais peut-être que je fatigue un peu... C'est un Sauternes Haut Grillon 2003.
Le repas se conclut autour de la table basse du salon, avec des macarons citrons et framboises, et des truffes au chocolat.
Et une dernière bouteille pour la route (non, je déc... on a dormi sur place) : un Perrier-Jouët Belle Epoque 1979 ... rosé! La rose saumon a viré vers le cuivré. La bulle est rare. Le nez est vineux, sur des notes de cake (ne me demandez pas quel type de cake: j'ai écrit ça à deux heures du mat', sans précision supplémentaire...). La bouche est toute aussi vineuse, soutenue par une vaillante acidité. La fin est légèrement sucré, pas très longue. C'est bien pour un Champagne rosé de 30 ans, mais franchement en dessous du "non rosé" bu quelques heures plus tôt.
Julien avait pensé à amener un Trivial Pursuit "spécial vins" et nous a posé quelques questions. Si je me souviens bien, ça n'a pas duré très longtemps, car nous commencions un peu à fatiguer... Donc, rapidement, ce fut dodo sous la couette...
Le lendemain, il y avait un soleil radieux (mais un sacré froid aussi!). Nous nous sommes balladés dans le village, et acheté quelques bouteilles chez ce fameux caviste. Un endroit assez surréaliste, avec quelques pépites. De notre côté, nous avons dû donner l'impression de clients peu ordinaires... En tout cas encore un chouette moment qui a prolongé celui de la veille :o)
Merci à Anne et Benjamin pour leur accueil!