Manipulation générale

Publié le 10 janvier 2009 par Feuilly
En fait, dans ces conflits du Proche-Orient, je me dis que tout le monde manipule tout le monde et que tout le monde exploite tout le monde.
Les Américains, par haine du communisme, ont armé et entraîné les musulmans intégristes afin qu’ils se battent à leur place contre les Russes en Afghanistan.
Les mêmes Américains se sont servis de l’Irak, qu’ils ont armé, pour combattre l’Iran.
Israël, de son côté, s’est servi de l’Occident lors de la première guerre du golfe. En effet, il fallait ruiner l’Irak et l’empêcher de devenir une puissance de frappe nucléaire. Pour cela, il ne suffisait pas de bombarder une centrale, il fallait beaucoup plus, mais Israël ne pouvait pas mener cette guerre lui-même contre un pays musulman sans avoir tout le monde arabe contre lui. Il a donc délégué. La France, pourtant à gauche à l’époque, a suivi.
Les Américains, cependant, ont stoppé leur progression militaire et ne sont pas rentrés dans Bagdad, sans doute par crainte de trop grandes pertes dans les troupes de la coalition. Ils ont alors manœuvré les Populations du Sud de l’Irak, en les invitant à se rebeller contre Sadam Hussein. Ce dernier leur infligea des représailles sanglantes, ce qui n’émut pas beaucoup l’oncle Sam.
Mais le problème n’était pas réglé. Il fallait anéantir l’Irak. Pendant 10 ans l’aviation américaine et anglaise se sont donné le droit d’effectuer des frappes sporadiques en dessus du 36° parallèle. Puis ce fut la deuxième guerre d’Irak, pour le plus grand soulagement d’Israël. Comme la France et l’Allemagne refusèrent d’y participer, les Usa firent le travail eux-mêmes (non sans recevoir l’appui d’anciens pays de l’Est, comme la Pologne). Il faut dire qu’ils mettaient au passage la main sur les puits de pétrole, permettaient aux actionnaires de ce secteur de s’enrichir et faisaient tout payer par le contribuable américain, celui qu’on envoyait au front en fait. Enfin, pas vraiment, car pour cela on avait trouvé les latinos récemment arrivés du Sud, tout contents, eux, de devenir américains. Ils pouvaient bien, pour cet honneur, aller donner leur vie dans le désert irakien.
Ensuite, les Etats-Unis soutinrent les Kurdes du Nord et mirent en place la plus belle guerre civile qu’on avait connue depuis longtemps, qui réduisit un pays prospère et riche, qui s’occidentalisait et où le niveau d’instruction était élevé, en une ruine fumante jonchée de morts.
Malheureusement les Kurdes en question commencèrent à s’agiter un peu chez l’allié turc, qui se mit à les pourchasser jusqu’en Irak même, avec l’accord tacite de ces mêmes Américains qui s’étaient appuyés sur eux.
Ensuite, pour grignoter la Russie, on se servit des Géorgiens (armés par Israël, tiens, tiens) et on provoqua le vieil ours russe jusqu’au moment où celui-ci estima qu’il devait réagir s’il voulait conserver son ancienne zone d’influence. Mais les russes ne font pas mieux, tentant de mettre l’Ukraine à genou en réduisant l’approvisionnement en gaz pour punir cette ancienne province de se tourner vers l’Occident.

Tout le monde, c’est la règle, exploite donc tout le monde. Le Hezbollah se sert du soutien de la Syrie, laquelle se sert du Hezbollah pour maintenir sa zone d’influence et contrer Israël. Le Hamas se sert des Palestiniens pour imposer sa nouvelle conception de l’Islam et Israël se sert des tirs de roquettes du Hamas pour massacrer les Palestiniens. Le Hamas se sert aussi de notre émotion pour qu’on condamne Israël et Israël se sert de notre culpabilité face au massacre de la Shoa pour que nous approuvions son action.
Je suis atterré quand je me mets à réfléchir de la sorte. Sur les événements en eux-mêmes, d’abord, qui sont toujours atroces comme on peut le voir en ce moment. Sur la complexité des phénomènes, dont nous ne percevons qu’une partie. Sur la mauvaise foi qui règne de tous côtés. Et finalement sur la nature humaine, dont on se dit qu’elle est vraiment bien mauvaise. La vie est déjà si courte et nous n’en avons qu’une. Il faut encore que nous nous fassions souffrir les uns les autres et que nous nous massacrions.
Restent les victimes, qui en tant que victimes ont tout perdu dans ce jeu de dupe. Restent ces morts de Gaza, hommes, femmes, enfants. Et même le soldat israélien qu’on aura envoyé là-bas pour des raisons politiques et électoralistes et qui va peut-être mourir également, même ce soldat mérite aussi notre compassion car rien ne dit qu’il avait envie d’aller la-bas, lui.
Il y a tant de haine de part et d’autre, tant d’injustices et de violence, tant de choses à reprocher à l’autre, qu’on ne peut que se dire qu’on n’en verra jamais la fin.
Je suis atterré. Pas seulement devant ce conflit, mais devant l’espèce humaine en général.
Que faire alors ? Continuer à élever la voix ? Se taire ? Tout oublier, se cacher dans son coin et ne plus contempler le monde, ne plus rien voir ? Trouver l’apaisement intérieur dans l’oubli, en refusant de regarder ? Ou au contraire crier plus fort que les autres ? Cela pourrait amener les plus radicaux d’entre nous à aller très loin dans la défense de leurs idées. Avec le risque de se faire manipuler à leur tour car toute bonne action est toujours récupérée par un plus malin qui s’en sert pour sa propre cause.
Mais se dire cela, c’est refuser d’agir, de parler, d’écrire et de clamer notre colère. Si les Allemands avaient montré un peu plus de désobéissance entre 1933 et 1939, on aurait évité bien des morts… Alors il nous faut bien nous concentrer sur l’événement du moment, sur ces morts injustes de Gaza, rien que pour conserver notre dignité d’homme. Mais en faisant cela nous ne réglons rien du problème en lui-même. Nous parons au plus pressé, c’est tout.
Et si l’Irak avait eu la bombe nucléaire (pourquoi pas après tout, nous l’avons bien, nous) et si Israël avait été frappé, nous aurions pleuré les victimes israéliennes. Allant d’une victime à l’autre, nous ne savons rien faire d’autre qu’apporter notre compassion. C’est le moins que l’on puisse faire, mais cela ne sert finalement pas à grand chose car les grands de ce monde continuent à jouer sur le grand échiquier qui leur a été donné.
En attendant, ce qui est sûr et certain, c’est le nombre des victimes innocentes à Gaza. Et nous n’avons rien pu faire. Et cela continue. Et nous ne pourrons rien faire.