3 septembre 1939 : l’Allemagne vient d’envahir la Pologne. La France et l’Angleterre lui déclarent la guerre. Le 24 juin 1940, Pétain signe l’armistice. Le Sport, lui, va renaître assez vite après l’exode, les destructions et les brefs combats.
Les difficultés sont pourtant nombreuses : les soldats sont prisonniers, les rencontres sportives internationales sont suspendues, les compétitions vont souffrir de la division du Pays en trois zones : interdite, libre, occupée. Les problèmes de transport, d’équipement, d’alimentation dominent aussi chez les sportifs.
Pendant ces années de guerre, l’Italie fasciste et l’Allemagne d’Hitler vont rester des références en matière d’éducation physique et de sport. Les propagandistes de l’Auto et du Miroir des Sports, impressionnés par les infrastructures et par les grandioses démonstrations publiques des jeunesses sportives des deux pays, vont soutenir la politique de Vichy en propagandistes zélés. Vichy va critiquer avec virulence l’Intellectualisme responsable de la Défaite. Corollaire : on va vouloir donner à la jeunesse le goût de l’action et prôner le Culte du Muscle.
La France : le Pays des Réformes !
La France de 1940 devient le pays des Réformes et du Changement… dans sa politique sportive ! Vive les forts en muscles et les Hommes d’action !
Dès le 4 octobre 1940, Pétain ouvre un vaste champ de Réformes et en inaugure à tour de bras : Charte des Sports, Serment de l’Athlète, constitution d’équipes fédérales en football par exemple. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les compétitions sportives se jouent dans des stades pleins.
Deux choses sont à préciser sur cette «fringale » de spectacles sportifs. La première, c’est que le Sport permet aux Français choqués par la défaite d’oublier les angoisses quotidiennes (1). La seconde est que le Sport va permettre à Vichy de distiller ses thèmes de «redressement de la Nation » par l’effort et par la soumission à l’Occupant. Pour mener à bien sa politique d’embrigadement, l’Etat français va se servir des meilleurs athlètes comme propagandistes de sa «Révolution Nationale ».
C’est le tennisman Jean Borotra qui, dès 1940, va diriger le Comité National des Sports, institution qui réunit le Commissaire à l’Education Générale et Sportive, les Présidents des Fédérations entre autres. Le tennisman sera plus tard arrêté. Il sera remplacé par un homme «énergique », plus docile à Vichy et à Berlin : le Colonel Joseph Pascot.Le CNS va établir les règlements des compétitions (les mi-temps des football passeront à 40 minutes !), il va prélever une part des recettes aux stades et des cotisations. Avec la création de la Charte du Sport, Borotra place le mouvement sportif sous la tutelle sans équivoque du Gouvernement de Vichy. Détaillons cette boulimie de réformes :
- on abolit le sport professionnel avec effet immédiat pour le tennis, lutte, rugby à 13.
- délai de trois ans accordé au foot, boxe, cyclisme
- on interdit et on regroupe des fédérations : rugby à XIII avec rugby à XV, badmington, tennis de table, jeu de paume avec tennis.
- on interdit des fédérations nées du Front Populaire comme la FSGT, l’USEP, l’UFOLEP
- on interdit les compétitions féminines (cyclisme, football) considérées comme nocives.
- on saisit les biens des fédérations interdites.
Serment et législation raciale.
- Fin juin 1941, on instaure le premier Serment sportif au Parc des Princes (2). Un serment qui a des relents des JO de Berlin-1936. On y abhorre le sportif professionnel et on y magnifie la Force.
- La politique raciale, anti-juive est étendue aux sports. Le premier juin, l’ordonnance du Militarbefehlshaber du premier juin 1942, interdit aux Juifs, dès l’âge de 6 ans révolus de paraître en public sans porter l’étoile jaune. Au juif, il est désormais interdit de fréquenter une quelconque manifestation sportive, soit comme participant, soit comme spectateur.
Qui dit « Sport » dit Presse sportive.
L’Annuaire de la Presse des années 1942-43 cite le chiffre de 600 comme nombre de publications périodiques paraissant à Paris à cette époque : 40 d’entre elles sont consacrées aux Sports.Les plus lues sont au nombre de deux.
- « L’Auto » reparaît en septembre 1940 et va se mettre au service de l’occupant en passant ses communiqués militaires, ses appels. Plus tard, les lecteurs tomberont sur des appels en faveur de la Milice, de la Légion des Volontaires Français. Les résistants y sont appelés des « Terroristes » et les raids alliés y sont moqués. Malgré un tirage en baisse, celui-ci oscille entre 65.000 et 90.000 exemplaires.
- « Le Miroir des Sports » attendra avril 1941 pour reparaître : 158 numéros sont publiés jusqu’au 31 juillet 1944. Dans un numéro, il est banal de lire ces extraits : « La fameuse apostrophe : « Deutschland, erwache ! » ( Allemagne, réveille-toi !) peut et doit être transposée sous la forme de l’appel pressant : Jeunesse française, réveille-toi ! » ou encore : « Ainsi, dans les deux sports les plus populaires, le cyclisme et le football, l’élite est en bonne partie constituée par des athlètes qui ne sont pas de pure descendance française » « Giauna, Vietto, Bertocco, Zanti, Pernac, tous ces routiers sont français : nul n’en doute. Ils sont néanmoins français de fraiche date… ». Georges Frêche et Le Pen n’ont rien inventé…
(A suivre)
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(1) « Privés de bals, de longues sorties dominicales et d’alcool, les jeunes et les moins jeunes se précipitent vers les stades qui, pour l’athlétisme du moins, n’ont jamais connu pareille affluence. Un peu partout en France, on court, on saute, on joue au football ». (Henri Amouroux).
(2) « Je promets sur l’honneur de pratiquer le sport avec désintéressement, discipline et loyauté pour devenir meilleur et mieux servir ma patrie ».
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Cet article a été publié le Samedi 10 janvier 2009 à 20:16 et a été classé dans Sports Bizness. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant à ce flux RSS 2.0. Vous pouvez laisser une réponse, ou un trackback depuis votre propre site.