Au tour de l’hôpital. En visite, vendredi 9 janvier à Strasbourg pour inaugurer le nouvel hôpital de la ville et présenter ses voeux aux personnels de santé, Nicolas Sarkozy a prévenu. 2009, sera l’année de la réforme de l’hôpital. Et pour la méthode, sur le papier, c’est simple. Il faudra faire mieux, à moyens constants.
Le cadre de la future réforme est déjà posé. “L’hôpital ne souffre pas d’un manque de moyens, comme l’affirment de nombreux syndicats. Comme toujours en France, on ne regarde pas à l’intérieur du moteur ce qui se passe, on dit “il faut plus”. Entre 1998 et 2008 - j’ai pris cette période parce qu’il y a eu des gouvernements de droite et de gauche -, la France, au travers des dépenses de l’assurance-maladie au profit des hôpitaux, a augmenté le budget de 50 %. Ce sont 23 milliards d’euros de plus pour l’hôpital au cours des dix dernières années. Le défi de l’hôpital d’aujourd’hui, c’est que cet argent nécessaire soit plus efficace parce que l’hôpital doit être mieux organisé”.
Pour être sûr d’être bien compris Nicolas Sarkozy sa indiqué “qu’on n’avait pas les moyens” de faire plus. Il faudra donc gérer mieux et notamment les moyens humains qui pèsent 70% du budget des hôpitaux en moyenne. Ce langage, s’il a le mérite de la clarté, ne suffira pas à mettre un terme à la grogne de personnels. Saluer le dévouement est une chose. Améliorer les conditions de travail en est une autre.
Malgré les derniers incidents largement relayés par les médias, un sondage indique que 77% des français ont confiance dans l’hôpital public. La république par la voix de son président l’a confirmé “Les drames récents ne sauraient remettre en cause la confiance que la nation porte à l’hôpital et à ses personnels». «Le système hospitalier français est l’un des meilleurs du monde. J’aimerais que vous compreniez que la France vous aime, que je suis parfaitement conscient de vos difficultés et qu’on va accompagner l’hôpital vers sa modernisation, pour une meilleure qualité de vie du personnel qui y travaille, et pour de meilleurs soins pour les Français.”
Sous l’écume des vagues, Le Point évalue à 400 le nombre moyen « d’événements indésirables graves » qui se produisent quotidiennement dans les hôpitaux et cliniques et qui pourraient être évités. Une situation qui pourrait se révéler explosive si le battage médiatique autour de ces cas perdure. Il signifierait une multiplication des procédures judiciaires et surtout une pression supplémentaire sur des personnels déjà à bout qui n’en ont pas besoin.
Les syndicats de médecins et de personnels hospitaliers dénoncent la “logique comptable” du projet de réforme de Nicolas Sarkozy. Celui ne ne viserai qu’à “un retour à l’équilibre budgétaire en 2012″, sans pour autant “soigner plus et soigner mieux”. La particularité de cette réforme, c’est que la santé ne peut être considérée comme un secteur ordinaire. Derrière les chiffres froids, il y a des êtres humains, des souffrances mais aussi des espérances.
“Lorsque Nicolas Sarkozy dit que l’hôpital a suffisamment de moyens, je pense qu’il a pour référence la clinique privée où Mme Dati a accouché ou l’Hôpital américain de Neuilly”, “Je suis outrée quand on parle d’immobilisme. Il y a déjà eu cinq réformes à l’hôpital dont la dernière en 2004 qui n’a toujours pas été évaluée, ni digérée par les personnels”, “La première revendication du personnel soignant, c’est d’être consulté en amont et associé aux adaptations” a vertement déploré le Dr Rachel Bocher, porte-parole de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
“On ne peut pas réorganiser sans moyens”, a pour sa part estimé Patrick Pelloux. Le président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) refuse de voir dans les fermetures une bonne organisation. Selon lui, “100.000 lits d’hospitalisation ont fermé au cours des dix dernières années” et, “il y a 20.000 suppressions d’emplois qui sont en cours”.
La CGT-santé, premier syndicat des hôpitaux a engagé la bataille des chiffres en relevant dans un communiqué que l’hospitalisation publique représente 50 milliards d’euros par an de dépenses de l’assurance maladie, moins de 40% du total, pourcentage en constante diminution depuis 20 ans quand, de 1996 à 2006, les exonérations de cotisations sociales sont passées de 10 milliards d’euros par an à 23,6 milliards d’euros.
Finalement c’est la CHM (médecins), qui a le mieux posé la problématique en jugeant “inexact de croire que la disparition à court terme du déficit (des hôpitaux) peut se faire, partout, sans répercussions sur la qualité de soins”. La dérive redoutée serait qu’au titre d’une recherche de l’équilibre financier se mette en place une “sélection des patients”, au détriment des “moins rentables”, notamment les malades les plus “lourds” ou les plus pauvres. A titre d’illustration on retiendra la fermeture fin novembre, du jour au lendemain, pour “manque de rentabilité” du service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint Joseph à Paris. 500 personnes séropositives y étaient suivies. L’exemple est hélas loin d’être unique. La plupart des hôpitaux de province sont confrontés à des choix tout aussi cornéliens au titre de l’équilibre financier . C’est tout le drame de Nicolas Sarkozy. Lui qui se rêve en homme du mouvement et en incarnation de la réforme apparaît comme le fossoyeur des acquis. Ce que Laurent Joffrin de Libération décrit admirablement comme “le grand recul en avant“
Face à cette casse programmée sur l’autel d’une pseudo bonne gestion, la “défense du service public hospitalier” s’organise. Des grèves et manifestations sont annoncées pour le 29 janvier.