Scène surréaliste, mercredi après-midi au magasin Monoprix de la rue du Faubourg Saint-Antoine: à l’heure des dernières emplettes pour le réveillon, une cinquantaine de personnes bloquent les caisses.
Leurs chariots sont plein à craquer de victuailles: saumons, foie gras, mais aussi pâtes, huile et pommes de terre. Ils refusent de payer en se justifiant ainsi, comme le raconte Le Parisien :
“C’est une autoréquisition qui est juste en ces temps de crise et qui permet aux précaires de fêter aussi le Nouvel An dignement.”
Discussions avec les vigiles, négociation avec le directeur du magasin qui finit par les laisser partir avec la marchandise. Sans payer, comme ces militants (chômeurs, précaires et soutiens aux sans-papiers) le relatent dans un communiqué circulant sur le Net:
“Treize chariots pleins sont sortis du magasin après des négociations tendues avec une direction qui a logiquement choisi de ne pas prolonger le blocage des caisses (perte de chiffre d’affaires) ou prendre le risque d’une intervention policière dans les rayons.”
Monoprix a prévu de tenir une réunion de crise vendredi matin pour décider des suites judiciaires à donner à cette affaire, parlant d’un “pillage inacceptable et regrettable“.
Le groupe de distribution a des raisons de s’inquiéter. En dix jours, il a été la cible de deux “autoréductions”.
Des actions similaires à Rennes, Grenoble, Paris…A chaque fois, ces militants adoptent le même mode opératoire :
1. Une trentaine de militants entrent dans le supermarché en petits groupes, avec paniers ou chariot
2. Ils les remplissent de nourritures, arrivent aux caisses simultanément et au moment de régler leurs “achats”, refusent de payer
3. La sécurité intervient, puis les négociations commencent avec la direction du magasin
4. Parallèlement, les militants sans paniers distribuent des tracts justifiant l’action et déploient une banderole avec leur slogan (”Face à la crise, nous réquisitionnons, nous partageons”, à Grenoble)
5. Au bout de trente minutes à une heure, le magasin cède à la revendication, à la fois pour éviter que la situation ne s’envenime et en raison du manque à gagner
6. Le groupe des militants redistribue la nourriture devant une agence de l’ANPE ou à leur réseau (sans-papiers, précaires)
Le samedi 20 décembre, une première action a été menée aux Galeries Lafayette de Rennes, puis le samedi suivant au Monoprix de Grenoble et enfin, mercredi 31 décembre, à Paris.
Effet de la crise? Retour aux années 70? Radicalisation des “autonomes”?
Comme Robin des Bois en son temps, ces héritiers des autonomes italiens des années 70 s’appuient sur la popularité de leur action. D’ailleurs, les clients témoins de ces scènes n’ont pas l’air d’avoir à leur encontre une attitude hostile.
Tout comme les policiers qui ne sont pas intervenus, alors qu’ils étaient présents (en Bretagne, le récit du Mouvement des chômeurs et précaires en lutte de Rennes (MCPL) mentionne la présence de “deux nationaux à l’extérieur et un RG en fin d’action”).
En cas d’intervention, les forces de l’ordre laissent toujours les activistes repartir librement. De même, à ce jour, aucune plainte ne semble avoir été déposée par les responsables des enseignes concernées. Comment expliquer le retour de ce phénomène? Effet de la crise économique Retour des pratiques largement expérimentées dans l’Italie des années de plomb? Radicalisation des groupes se revendiquant “autonomes”? En tout cas, si la crise persiste en 2009, l’autoréduction a sans doute de l’avenir.
Source : Rue89