Xavier Bertrand a une très lourde tâche : construire la formation politique du nouveau siècle.
C'est un paradoxe étonnant. Au moment où la Constitution de 1958 reconnaît le rôle des partis politiques (art.4) ; leurs fonctions, voire même leur utilité, ont toujours été particulièrement contestées depuis 1958.
Au même moment et indépendamment des époques, ceux qui ont tenté de percer en dehors des partis politiques n'y sont jamais parvenus quelles qu'aient été leurs grandes qualités personnelles comme ce fut le cas hier de Messieurs Garaudy, Fouchet, Jeanneney, Jobert et plus récemment Chevènement.
Les partis politiques sont en crise car leurs fonctions classiques sont de plus en plus contestées.
Ils assurent de moins en moins une fonction de médiation.
Les partis n'ont plus l'exclusivité de la représentation des intérêts nationaux. Les associations, les syndicats, les médias les concurrencent redoutablement. Bien davantage, se sont multipliés les mécanismes de consultation directe de l'opinion à l'exemple du référendum voire, de manière moins solennelle mais tellement plus fréquente, des sondages.
Les partis politiques ne semblent pas occuper davantage des fonctions d'expertise ou de réflexion. Bien davantage, ils sont perçus comme des outils de discipline voire de soumission. STENDHAL avait donné dans " Lucien LEUWEN " une description de l'apparition d'un groupe dans un régime qui devient parlementaire. Il avait mis la lumière sur la discipline de vote qui devient l'une des raisons d'être des groupes parlementaires.
C'est cette discipline que les groupes politiques semblent aujourd'hui incarner dans l'ensemble de leur fonctionnement.
Les partis politiques n'ignorent pas leurs faiblesses. En conséquence, ils doivent rénover leurs structures. La plupart d'entre eux ont ainsi renoncé à être des partis de cadres ou de notables. Ils recherchent une assise numérique et représentative aussi large que possible.
Avec internet, ils multiplient les occasions d'échanges, de débats.
Les partis ont même créé des structures complémentaires pour des catégories très ciblées dont les jeunes et les femmes traditionnellement considérés comme sous représentés dans les structures classiques.
Tous ces efforts ne produisent pas pour autant les résultats attendus.
Ce constat d'échec tient en une réponse simple : les partis politiques sont en panne de sens.
La période présente n'est pas marquée par une recherche d'utilité mais par une recherche de sens.
Aujourd'hui, les questions majeures portent toutes sur le sens des choses, le sens même de la vie :
* pourquoi donner autant de place à son travail si la précarité peut frapper aussi subitement ?
* pourquoi s'engager dans des actes civiques si les paroles d'élection ne sont jamais des paroles d'action ?
* pourquoi chercher à consommer quand l'accumulation des biens n'apporte plus les satisfactions attendues ?
Les questions du moment ne sont pas des questions de nécessité ou d'utilité. Ce sont des questions qui touchent au but réel des actions donc à leur sens.
Or, dans de telles circonstances, les partis politiques n'ont pas trouvé les moyens de dégager des repères précis sur le sens de leur action.
Sont-ils des partis de pouvoir ou de simples structures protestataires ne cherchant à influencer les évènements qu'à la marge ?
Sont-ils des outils de conquête présidentielle pour leur leader ou de grands rassemblements d'opinions avec le brassage d'idées qui doit en résulter ?
Ce n'est qu'en rendant ces arbitrages essentiels que les partis politiques retrouveront un nouveau souffle.
Plus ils tarderont à rendre ces arbitrages, plus ils fragiliseront leur assise populaire.
Quand les partis politiques auront redéfini le sens de leur action, ils dégageront une nouvelle identité.
En fonction de cette identité, de nouvelles catégories d'adhérents se profileront.
Il est significatif que des personnes parlant d'un proche ou d'un familier qui s'engage dans un parti politique disent communément : " il a pris le virus de la politique ".
Qui connaît un être humain sain de corps et d'esprit être candidat à " prendre un virus " ?
Au moment où la lutte contre les virus alimente les fantasmes collectifs, cette expression est lourde de sens ...
C'est comme si en adhérant à un parti politique, un individu allait vers une punition auto-infligée certes mineure mais une punition quand même. Tant que cette formule populaire demeurera, l'état de santé des partis politiques sera inquiétant. A eux de trouver et surtout mettre en oeuvre leur automédication.
Alors, et alors seulement, le rapport que les Français entretiennent avec les partis politiques se modifiera et il en sera de même avec la politique dans son ensemble.
A ce jour, force est de constater qu'aucun parti n'est encore parvenu à gagner cette bataille. Est-ce que d'ailleurs un parti politique a vraiment cherché à livrer cette bataille ?
Le premier obstacle vers cette définition pour l'UMP ne résidera-t-il pas dans la personnalité même du Président de la République et dans sa capacité à accepter le pluralisme de personnalités fortes ... ?