Je crois que j'ai gardé ma capacité d'émerveillement d'enfant lorsque je vois la neige tomber et surtout tenir sur les toits malgré la chaleur relative de la grande agglomération parisienne, avec ces quelques degrés d'écart qui la sépare de sa banlieue. Ce début de semaine, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à cette toile de Caillebotte, peinte en 1878 "Vue de toits (effet de neige)", dit "Toits sous la neige, Paris", exposée au Musée d'Orsay.
Depuis le balcon de son ami et du peintre Édouard Dessommes, rue du Rocher, Caillebotte, tel un photographe, nous met dans la grisaille d'une journée de neige parisienne, avec une vue plongeante, comme il les affectionne, sur les toits avec leurs cheminées en brique rouge, leurs gouttières, leurs pignons et leurs chiens assis. Par rapport à d'autres de ses toiles de la même période, on sent que le trait est moins précis, la touche est indéniablement plus impressionniste. La neige est représentée avec des aplats de blanc et ressort sur le fond dominant gris-bleu, qui est lui-même rehaussé par les quelques touches de rouge des tuyaux de cheminées et de quelques haut de façades d'immeubles au loin.
Mais, peut être plus encore que le cadrage original, il nous plonge dans le silence et le calme d'une ville enfouie sous la neige et, sans parler d'inquiétude - "faut-il souligner que le silence en ville est inquiétant" - on sent poindre une certaine tristesse, "un confinement où règne une action monotone".
"Cette incursion dans les espaces cachés de la ville, la vision de ses toits, n'était pas sans présenter une certaine charge émotive ... dans la mesure où de tels lieux témoignent toujours, au sein même de l'aire de civilisation, d'un certain désordre qui semble ramener la cité à la nature" (les textes cités sont de Rodolphe Rapetti, catalogue de l'exposition Caillebotte).