Il y a des moments de janvier où la vie et les vœux s'arrêtent, quand le gel empêche les portes de s'ouvrir, les voitures de circuler et les automobilistes de voir à travers les vitres. Dans la cour des écoles, les enfants glacés s'empressent de regagner les salles de cours. Ils ont le museau froid et leur souffle éperdu rajoute du brouillard au gris de la cour.
Il paraît qu'on va y faire pousser un arbre en souvenir d'une petite fille de sixième morte tragiquement pendant les fêtes de Noël. Je le lis sur le tableau d'affichage en arrivant. Elle avait onze ans, faisait sa rentrée au collège. Mort aussi dans un tragique accident de la route, au lendemain de l'an, le père d'une élève sage et studieuse que j'ai en classe depuis la sixième. Elève modèle, véritable petit ange.
L'heure sonne. Les pas sur le ciment de la cour résonnent bizarrement. Je vais chercher les élèves. Je suis ébranlé, je ne sais plus faire cours, je voudrais trouver les mots, leur exprimer autrement mes incontournables vœux, formuler autrement mes condoléances. Les petites silhouettes sont debout, transies et gauches. De l'autre côté de la grille, les arbres du square où sont garées les voitures blanchies penchent piteusement la tête.