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LA SUBMERSION
D'YSQuand la grande
marée de Mars, la mer de Douarnenez déchale si loin qu'elle met au jour les
décombres d'une ville immense et les restes des chaussées de pierre. Cette ville
engloutie avait nom Is. Elle s'étendait sur neuf lieues, ceinturée d'épais
remparts. Peut-être était-elle déjà une île quand elle fut édifiée et donna son
nom à Douarnenez qui veut dire, en Breton, le Terre de l'Ile .... En ce temps là,
le roi Gradlon régnait sur la Cornouaille, il avait établi en maître, dans sa
capitale Kemper, le saint homme Corentin, et s'était retiré dans Is, près de sa
fille unique Ahès-Dahut.On ne sait si la ville d'Is était
le précieux cadeau que le roi voulut faire à sa fille ou si Ahès-Dahut la fit
surgir en une nuit par l'opération des mauvais esprits, car les septs péchés
capitaux menaient sa cour dissolue.Tous les soirs, la princesse
prenait un nouvel amant, dont le corps au matin, était jeté dans l'enfer de
Plogoff. Un soir, un
prince étrange tout vêtu d'écarlate et venu on ne sait d'où, se rendit maître de
la princesse. "Belle, si vous m'aimez, donnez moi de votre amour d'assurés
témoignages." - "Quels témoignages, mon cher
seigneur, vous donnerais-je ? - "La clé des écluses"
- "C'est la clé confiée à Gradlon
seul par les esprits de la mer. Elle ne quitte pas le col de mon
père."- "Votre père est vieux. Il dort.
Et vous avez la main si douce." Voilà Dahut qui
dérobe la clé, et le prince largue les écluses. Voilà la mer qui tombe sur Is
comme une bête. Elle déferle au galop dans les rue, abat les maisons, étouffe
les cris d'horreur.Sur son cheval marin, le vieux
Gradlon chevauche durement dans les vagues, aux côtés de saint Guénolé, pour
regagner la Grande Terre. Mais le cheval peine dans la tourmente.-
"Gradlon, jette à l'eau la sale bête qui s'accoche à toi"-
"Mais c'est ma fille Guénolé. Je ne saurais la laisser"
- "Toi seul seras sauvé,
toi seul !"
Gradlon en larmes, se libère des
bras de sa fille. Le cheval allégé gagne sur la vague et prend pied en terre
ferme. La mer s'apaise. Elle n'est plus qu'un lac éteincelant où meurent des
sons de cloches .
Extrait de Légendes de
la Mer de Pierre-Jakez Hélias