Il pleut sur Manihi, une ondée torrentielle, épaisse et chaude. Le vent joue avec les nuages, sous les yeux dépités des touristes venus d’Italie, de Hollande, de Californie admirer les fonds marins. Pour passer le temps lascif, Georges, informaticien à Santa Barbara, me montre des clichés de poissons perroquets, poissons lune et requins à ponte noire tandis que sa mère m’explique l’importance de l’élevage d’oursins en Basse-Californie…pour la marché japonais naturellement ! Sur l’unique route de l’atoll, les tupa (crabes des cocotiers) courent de travers, véloces et décidés après l’humidité sacrée. Les habitants de Manihi récupèrent l’eau céleste dans d’immenses cuves de plastique sombre. Si la perle noire abonde de beauté dans le lagon, l’eau douce demeure aussi précieuse. Cette pensée effrite toute velléité égoïste. Le soleil, de toutes façons, reviendra avecla marée.
Lundi, les enfants de Manihi retrouveront le chemin de l’école tandis que les plus âgés iront au collège à Rangiroa ou à Tahiti...Je songe à ces générations d’enfants qui doivent quitter leurs parents pour continuer leur scolarité…moi aussi j’ai fait ce chemin avant eux. Le pensionnat loin de ma famille au Lycée Notre-Dame des Oiseaux. Ensuite, des études que mes parents ne croyaient pas possibles près d’eux. Bien sûr, à l’époque, ils avaient raison. Mais la scolarité ne peut pas compenser le déracinement. Pourquoi, des enfants doivent ils à leur tour effectuer ce chemin pénible, pavé de solitude et de sacrifices ? A l’heure de l’Internet et du travail à distance, je frémis de désir révolutionnaire !