Ce qui m’ébouriffe le plus à propos de ce disque, c’est qu’au moment où le groupe atteint des degrés d’hypnose jusque là inenvisagés, il parvient à livrer des morceaux plus structurés et plus pop que tout ce qu’il avait pu produire auparavant. Le plus bel exemple reste “My Girls”, géniale combinaison de sons rave, de candeur enfantine et d’un brin de putasserie premier degré terriblement efficace, matérialisée par des “Ooh” qui tiennent davantage de Mia que des Beach Boys. Les “girls” en question sont la femme et la petite fille de Panda Bear, dont il était déjà largement question dans Person Pitch. Plus pop encore, “Bluish” pourrait presque paraître un peu cheesy pour les puristes, mais c’est avant tout une belle chanson d’amour, lente et intensément harmonieuse. Si les mélodies sont d’une netteté inédite, l’ensemble des titres est noyé dans un océan d’échos, de boucles subliminales et de drones qui frise parfois la démence. L’utilisation systématique du sampler et celle, plus parcimonieuse, des beats 4/4 caractéristiques de la techno (sur “In The Flowers” ou “Summertime Clothes”), en disent d’ailleurs assez long sur la répartition des rôles sur MPP. Là où Avey Tare (Dave Portner) semblait avoir la main mise sur Strawberry Jam, c’est bel et bien Panda Bear qui a pris les commandes.
Déjà perceptible sur des morceaux antérieurs comme “Peacebone” ou “Fireworks”, la mutation électronique du groupe s’accélère donc sur cet opus. Dans différentes interviews, la troupe explique son attirance pour la “dance music”. A ceux qui douteraient de l’influence de la techno et de la house sur MPP, je conseille d’écouter (ci-dessous) le montage réalisé par des petits malins qui n’ont pas mis longtemps à s’apercevoir de la similitude de “My Girls” et du classique house “Your Love” de Frankie Knuckles. C’est assez bluffant. Il ne s’agit plus ici de freakfolk ou d’indie rock, et surtout pas d’électronica, mais bien d’un son nouveau, un sommet de métissage musical pour lequel aucun terme générique réducteur n’a encore été inventé.
Un titre comme “Brother Sport” parvient à marier un climat afro-caribéen à la Graceland, porté par le ping-pong vocal de Portner et Lennox, à des motifs électro obsédants et un message crypté qui pourrait tout aussi bien être une invitation néo-hippie à l’ingestion de LSD qu’une incitation au chant ou au sexe oral : “Open up your throat”... En écoutant mieux, on comprend toutefois que Panda console son grand frère après la mort de leur père. “Open up your throat” s’apparenterait donc à une sorte de “The Show Must Go On”, et la cohabitation de ces lyrics touchants et d’un instrumental euphorique et tribal ne rend le morceau que plus précieux. Autre piste annoncée sur Strawberry Jam (notamment sur “#1”) et développée ici : celle d’un minimalisme répétitif à la Philip Glass, comme sur “Daily Routine”, où les différentes séquences de claviers accélèrent progressivement jusqu’à former une seule et même nappe enveloppante.
Moins rock et moins heurté que les albums précédents, Merriweather Post Pavilion frappe à la fois par sa fluidité et la joie qui en émane. Très homogène (sûrement trop pour certains amateurs de foutoirs sonores), il est l’oeuvre d’un groupe qui sait où il va, et s’achemine peu à peu, avec une sérénité presque effrayante, vers la polyphonie pop absolue. Seule la présence de morceaux plus anodins comme “Taste” ou “Guys Eyes” l’empêche de taquiner la perfection, mais l’irritante pluie de louanges dont il est l’objet est bel et bien justifiée. Un album à acheter en vinyle, ne serait-ce que pour son artwork gerbant et hallucinogène.
En bref : Le meilleur disque du groupe, et de loin. Une sorte de rave au coin du feu, stupéfiante rencontre des textures électroniques et des structures pop et folk, de la célébration et de l’introspection, de l’intimité et du désir collectif. Pas encore le chef-d’oeuvre du groupe, ceci dit. On prend les paris pour le prochain album ?
A noter : Avant même la sortie de ce disque, les AC sont déjà retournés en studio pour enregistrer ce qu’ils désignent comme un “album visuel”: une longue vidéo musicale conçue en collaboration avec leur ami Danny Perez, réalisateur du clip de “Who Could Win A Rabbit” en 2004. Aucune date de sortie n’est annoncée pour le moment.
Et n’oubliez pas : Animal Collective en concert à Paris le 16 janvier et en province en mars.
Le site d’Animal Collective
Leur Myspace
Lire les chroniques de leurs concerts de Strasbourg et Bordeaux en 2007
Animal Collective - Brother Sport.mp3
My Girls Vs Your Love.mp3
“Daily Routine” au Hove 2008:
“In The Flowers” au Hove 2008 :
“My Girls” live à Saint-Louis en septembre 2007 :