Garder la mémoire

Publié le 09 janvier 2009 par Zappeuse

Suivant peut-être en cela une habitude historiographique anglo-saxonne (qui n’empêche pas par ailleurs les historiens états-uniens de réaliser des travaux de recherches très fouillés) ou par abus de langage afin de parler au public, ce lieu porte le nom de Mémorial de l’Holocauste. Je reste profondément gêné par ce terme d’Holocauste, qui induit l’idée de sacrifice, un peu comme si les victimes avaient inconsciemment donné leur consentement. Petit point de vocabulaire : l’holocauste, au temps de la Grèce ancienne, était le sacrifice rituel, donc religieux, dans lequel l’animal entier était brûlé afin d’être offert aux dieux. Avant chaque sacrifice, l’animal était bichonné, chouchouté, dorloté et … parfumé. On attendait de lui qu’il donne son accord pour être mis à mort : l’animal n’étant pas doué de parole, son calme après les caresses tenait lieu d’assentiment. Grèce ancienne. Animaux. Là on évoque la mémoire d’humains qui furent eux aussi détruits, mais pour quelle cause, si ce n’est la satisfaction morbide d’un tortionnaire sachant manipulé les foules. Il est donc de meilleur augure d’utiliser le terme Shoah, qui donne certes la parole à la victime (puisque ce terme hébreu signifiant “catastrophe” est bien celui que les juifs survivants et leurs descendants ont choisi), ce qui n’est pas neutre, mais qui vaut de toute façon mieux que l’ignoble “solution finale”, qui est la parole insupportable des bourreaux (c’est en effet par cette litote que les nazis désignait le meurtre de masse décidé lors de la conférence de Wansee, en janvier 1942).
Cet ensemble occupant un large espace dans Berlin porte néanmoins, et bien que cela me froisse, le nom de mémorial de l’Holocauste. Des dalles de béton de hauteurs différentes, formant comme une immense vague peu haute, cet effet de vague étant renforcé jusqu’à la nausée par d’autres vagues plus franches formées par les travées entre les dalles, d’où une impression de s’enfoncer entre des pierres tombales. Je comprends que ce lieu puisse servir de terrain de jeu aux enfants, mais j’avoue que ce lieu m’opresse plus qu’il ne m’incite à la rêverie.
Dernier point, qui me parait hautement positif : une des rues longeant le mémorial porte le nom d’Hannah Arendt, cette philosophe qui s’est longuement penché sur les origines du totalitarismes.

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