ballade de la lueur
blanche
« assez gémi, ma fille
et oubliée la peine ! »
- vois maman au fond de la nuit
une lueur blanche et froide.
« c’est feu follet ma fille,
un feu follet, rien d’autre.
qu’il aille dans les forêts arides
et jamais ne revienne. »
- comment serait-ce un feu follet,
pourquoi un simple feu follet ?
il fait battre mon cœur plus vite
sous sa lueur blanche et froide.
« récite vite le chémâ, ma fille,
Dieu sait ce que ça signifie ! »
- la lueur blanche, maman chérie,
est un appel de l’autre côté.
et si elle appelle, comment pourrais-je,
comment ne devrais-je pas y aller ?
puis-je vraiment laisser mon cœur
rester là-bas tout seul ?
au dehors mugit l’orage,
au dehors tombe la neige.
- un moment, toi lueur blanche,
un moment, je viens. –
elle met son châle autour du cou,
le châle est rouge.
encore plus rouge est son sang,
blanche la lueur de mort.
la mère se tient à la fenêtre,
s’imprègne de cette image :
on voit la silhouette de la fille
disparaître dans la lueur blanche.
Traduit du yiddish par Jean-René Lassalle.
di balade funem wajssn
schajn
„genug gejomert, techterl,
un ojssgewejnt dem pajn!“
- se mame, oifn fon fun nacht
a wajssn kiln schajn.
„a toess-licht, majn techterl,
a toess-licht, nit mer.
ojf pusste welder sol ess gejn
un schojn nit kumen mer.“
- wi ken ess den a toess-licht,
a toess-licht nor sajn?
ss’zaplt doch majn ejgn harz
in wajssn kiln schajn.
„sog gicher krischme, techterl,
got wejsst, woss doss batajt!“
- der wajsser schajn is, mameschi,
a ruf fun jener sajt.
un as men ruft, wi ken ich den,
wi tor ich den nit gejn?
zi ken ich den majn ejgn harz
losn dort alejn?
in drojssn is a schturemwint,
in drossjn is a schnej.
- ejn rege noch, du wajsser schajn,
ejn rege un ich gej. –
si chapt oif sich doss schalechl,
doss schalechl is rojt.
un rojter noch ir ejgn blut
un wajss der schajn fun tojt.
di mame schtejt bajm fenzterl
un kukt un kukt sich ajn,
un set dem mejdl-ssiluet
fargejn in wajssn schajn.
extrait de : Itsik Manguer : Dunkelgold, Suhrkamp 2004.
mon papé
mon papé, le cocher de Stoptschet
attelle les chevaux et « hue ! » démarre,
on monte et on descend dans les années perdues,
les oiseaux et les nuages rivalisent en vol.
mon papé se tait, c’est sa tristesse qui parle :
« chaque rose saigne sur son épine,
la faux chante en coupant le blé,
c’est toi qui l’a inventé, poète toqué ? »
et on s’éloigne encore par-dessus monts et vaux,
traversant villages endormis. vieux moulins qui meulent
le pain et la mort pour chacun sur la terre,
le soir s’obscurcit. où es-tu, vieux papé ?
je suis couché non-sacrifié sur l’autel,
et ne vois que les ombres de tes chevaux fatigués…
Traduit du yiddish par Jean-René Lassalle.
majn sejde [mayn zeyde]
majn sejde der balegole fun sstoptschet
schpant ejn di ferd „heschto“ un mir forn,
barg arojf, barg arop, durch farschpilte jorn,
di wolknss un di fejgl flien in gewet,
majn sejde schwajgt, nor sajn tifer trojer redt:
„a jede rojs blutikt oif ir dorn,
di kosse singt schnajdndik doss korn,
hosstu ess ojssgetracht, meschugener poet?“
un wajter gejt der weg iber berg un toln,
durch schtile derfer. alte miln moln
brojt un tojt far jedn oif der erd,
der ownt tunklt. wu bisstu, alter sejde?
ich lig a nischt derkojleter oif der akejde,
un se blojs di schotnss fun dajne mide ferd…
extrait de : Itsik Manguer : Dunkelgold, Suhrkamp 2004.
Contribution de Jean-René Lassalle, choix et traductions inédites
Bio-bibliographie de Itsik Manguer
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