Après l’immense Tino Rossi, et son increvable Petit Papa Noël, que j'ai saccagé ici, je m’attaque à un autre monument de la littérature française, le colosse Victor Hugo. Je ne devrais donc pas tarder à avoir les héritiers sur le dos, eux qui se posent en gardiens gonflés et gonflants de sa mémoire. Cela commencé par un souvenir : un soir de mon enfance, j’entends mon grand frère répéter, dans la chambre d’à côté, les vers du célèbre “Pauca Meae”. Il a du mal à se les rentrer dans la tête, bute sans arrêt, recommence, s’agace... Le plus curieux dans l’histoire, c’est que plus il s’entête en pure perte, et plus moi, de l’autre côté de la cloison, je retiens cette poésie. Je ne l’ai jamais récitée à un prof, c’est donc du gâchis. Pour venger mon frangin et ramener une fois de plus ma science, je vais donc régler son compte à Totor. Pour rire, évidemment.
Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
(c’est vrai qu’elle a commencé très tôt à me casser les pieds. Et je suis poli)
De venir dans ma chambre un peu chaque matin
(Je devrais essayer les pièges à l'entrée…)
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère
(ça, pour me pourrir la vie, elle en connait un rayon)
Elle entrait et disait «Bonjour mon petit père»
(moi, j’ai plutôt le souvenir d’un hurlement strident. Mais si tu le dis…)
Prenait ma plume (je vous fais les bruits : là, ça fait «Crac !»), ouvrait mes livres («Scratch !», s’asseyait sur mon lit (elle ne reste pas longtemps assise. Ça fait très vite un truc comme «Boïng, boïng», lancinant, interminable et très énervant, à la longue) dérangeait mes papiers (Re-Scratch ! »), et riait (un peu à la Woody Woodpecker, vous voyez le genre…),
Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe (je dirais plutôt comme une horde de Mongols qui lèvent le camp en oubliant de faire le tri sélectif, ces gros étourdis…)
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse («Clac !», fait ma main qui frappe mon front las, las, las…)
Mon œuvre interrompue (Aaaaah, je vais enfin pouvoir retourner sur Facebook…)
et tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits (j’ai un Mac Book Pro, je te ferai dire), je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle (sympas, les petits crobards sur mon passeport… Ils vont apprécier, aux States…) et qu’elle avait tracée (J’y crois pas : elle a ouvert 57 onglets sur Firefox !) et mainte page blanche entre ses mains froissées (disons plutôt mâchonné, pré-digéré et recraché…)
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers (Nom de D%>& de B@ù€ de M#$ ? de P^:/% de gamine. Ça sonne bien, non ? )
Elle aimait Dieu (ça mange pas de pain), les fleurs (ça ne se mange pas en salade) les astres (tu veux dire les désastres…), les prés verts (raconte-moi pas d’histoire, steuplait, Jacques Prévert n’était pas né à ton époque)
Et c’était un esprit avant d’être une femme (vlan, attrapez-ça, les filles)
Son regard reflétait la clarté de son âme (t’as de bons yeux, tu sais)
Elle me consultait sur tout, à tous les moments. (j’ai même peint des yeux ouverts sur mes lunettes pour ne pas être dérangé et roupiller tranquille derrière)
Oh! que de soirs d'hiver radieux et charmants (même les soirs d’hiver, elle me bassine. Y a pas de mots)
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire, (euh, t’es gentille, mais là, je voudrais juste finir mon sudoku)
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère (ben allez-y, vous gênez pas, montez tous sur moi. A quoi ça sert qu’on se soit saigné aux quatre veines pour acheter un grand canapé)
Tout près, quelques amis causant au coin du feu! (mais dis donc, qui les a invités, au fait, ces blaireaux…)
J'appelais cette vie être content de peu! (moi, je me contente d’un peu plus de tranquillité)
Et dire qu'elle est morte! hélas! que Dieu m'assiste!
(ah euh… Mais… Je…)
Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste; (…)
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux (…)
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux (…)