Il
suffirait peut-être de le signaler. Dire par exemple que
Lumière d'août, de Faulkner, est un
chef-d'œuvre. Ça devrait suffire.
Mais, bon, vous savez ce que c'est.
L'envie de bavarder, d'exprimer ses sensations. Et puis c'est un
petit exercice de style, de faire un post sur un livre qu'on a aimé.
On pourrait commencer en
expliquant que Lumière d'août est, comme
l'indique le quatrième de couverture, la genèse d'un
meurtre. Ou affirmer que le livre raconte la quête d'identité
d'un orphelin blanc qui a du sang noir dans les veines, d'un
mulâtre qui ne sait pas qui il est. Ou constater que deux
histoires se mêlent, celle de Christmas, l'assassin, et celle
de Lena, jeune fille séduite, engrossée, abandonnée,
à la recherche de son amant, et qui découvre dans cette
quête un but et une jouissance.
On pourrait encore
conclure que Faulkner fait le portrait d'une société
puritaine figée dans ses croyances et ses principes, qui
produit des fanatiques et de la haine à gros bouillons. Une
société livrée à un Dieu de colère
et de vengeance, violemment raciste, vivant sur des principes rudes,
lesquels produisent, par surgissement d'opposition, un érotisme
désolé.
Les femmes chez Faulkner sont
facilement séduites, ne demandent qu'à tomber dans le
péché et à s'avilir. Le sexe est morbide,
malsain. Soit il se révèle sans plaisir, violent, soit
il tourne en nymphomanie. Sur tout cet univers romanesque court la
méfiance de la femme, qui incarne la pulsion irrépressible,
mais aussi la douceur, l'amour, la charité, choses que ces
hommes rudes et corsetés refusent de tout leur être.
Lumière d'août est
servi par une narration assez classique, pour qui a déjà
fréquenté Faulkner. Il n'y a pas ici de grand flux de
conscience, de monologues intérieurs constituant le récit
comme dans Tandis que j'agonise. Il n'y a pas non plus de jeu
excessif avec la temporalité. Ça commence avec le
meurtre et l'arrivée de Lena dans la ville, un long
flash-back raconte l'enfance et la formation de Christmas, puis on
revient à la traque de l'assassin et à son lynchage
final.
Mais le livre n'est pas si simple,
quand même. Les non-dits, les points de vue, les idéologies
donnent un soubassement et une force à l'histoire. Elle est
vue et racontée par les personnages témoins des faits,
qui les expliquent selon leur point de vue, d'après leur
vision du monde.
Et comme toujours chez Faulkner, le
destin manipule les personnages comme des marionnettes et cet univers
pessimiste, tragique, hanté par la faute, s'il est d'une
puissance rare et d'une profondeur tragique, n'est pas des plus
faciles à habiter.
William Faulkner, Lumière
d'août, Folio
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