Magazine

Le cinéma meurt en décembre et renaît en février (Du coup, j'improvise)

Publié le 09 janvier 2009 par Noidor
Le cinéma meurt en décembre et renaît en février (Du coup, j'improvise)

C'est dingue! Les news ciné ont dépassé le stade du point mort pour atteindre le 2ème sous-sol, qu'est-ce qu'on s'ennuie! Quelques images de Watchmen par ci, quelques critiques par là, un peu de Monsters vs. Aliens et un peu de My Bloody Valentine... Bienvenue dans l'antre de la chiantise.
Bon, j'exagère peut-être un poil, mais quand je repense aux débuts de ce blog (c'était le mois dernier...) ousque je savais plus où donner de la tête, j'ai même cru un moment que même avec 30 billets par jour j'aurais relayé qu'un maigre quart des informations cinéma de la journée... J'ai beau trouver qu'un peu de vacances ça fait du bien, y'a un moment où faut songer à repartir. Assez rapidement, si possible.
Bon, du coup, je me retrouve avec pas grand chose à me mettre sous la dent, alors je rumine des truc un peu plus anciens. Disons, au hasard... (je jure que c'est du hasard, hein!) le film Irréversible, de Gaspar Noé.
Le cinéma meurt en décembre et renaît en février (Du coup, j'improvise)

Parce que y'a beaucoup de choses à dire sur ce film, tellement de choses qu'avec un peu d'inspiration et en brodant des jolies phrases, on pourrait même faire une dissertation de philosophie sur le sujet. Mais j'irai pas jusqu'à faire subir ça aux lecteurs, y'a des limites.
En revanche, je veux bien papoter un chouïa de quelques détails du film, en racontant ma propre expérience (et pourtant je suis pas nombriliste) qui me semble être assez représentative du schmilblick.
Mettons-nous en condition: tu es un jeune (ou moins jeune, on se fout de l'âge) cinéphile aimant tout particulièrement le thème de l'absurde, surtout lorsqu'il est traité de façon pertinente et, pourquoi pas, nihiliste. L'apothéose de l'absurdisme nihiliste, c'est Fight Club.
Et un tout petit (vraiment riquiqui) cran en dessous, on trouve Gaspar Noé, que j'idolâtre comme un barge, avec toute la subjectivité que l'idolâtrie sous-tend.
Son premier film, Seul Contre Tous, est tellement puissant que c'est même plus une claque, c'est un crochet du droit décoché par Tyson himself. Ou une prise à hurler de douleur effectuée par Mickey Rourke, au choix. Voire même les 2 en même temps. Enfin bref, c'est un film que quand le générique de fin se met à défiler, ça fait déjà une bonne demi-heure que t'es au tapis, recroquevillé en position de larve humaine.
Le cinéma meurt en décembre et renaît en février (Du coup, j'improvise)

Mais le film dont j'ai envie de parler, là, c'est le second film de Noé, à savoir Irréversible. Vincent Cassel et Monica Bellucci (entre autres) au casting, un scénario surpuissant et une réalisation qui fait montre d'une maîtrise de la caméra d'une perfection rare. Etant donné que j'ai pas l'intention de faire la critique du film (y'a des films, comme ça, qui t'ont tellement foutu le cervelas dans tous les sens que tu te sens même pas capable de faire un jugement de valeur dessus), je passe outre le résumé et tout le blabla qui s'ensuit.
Non, ce qui m'intéresse, moi, ce sont les 25 premières minutes du film.
Tiens, mets-toi dans l'ambiance: tu t'installes devant l'écran en connaissant quand même déjà l'histoire du film; et c'est tant mieux, parce que c'est un film glauque, trash, dur et violent. Du Gaspar Noé, quoi.
Alors que tu es tout confortablement installé, le film démarre. Tiens, ça commence par le générique de fin. Bizarre. Bon, admettons, c'est sûrement une ficelle cinématographique pleine de sens et tout. Attendons la suite.
Ah, le nom des acteurs apparaît. Ouh, nom d'une pipe, les caractères écrits sur fond noir sautillent comme de la lumière stroboscopique. Et la musique derrière, qu'on dirait que quelqu'un cogne un marteau contre une enclume, ça vrille les tympans, c'est d'un désagréable!
Ah, enfin, les images apparaissent. Ouille, c'est encore pire que le générique: la caméra tourne partout, et que je te montre le ciel, et que je te virevolte n'importe comment, et que je te montre le trottoir à l'envers. Ca tourne encore plus que Space Mountain, la gerbe. Et c'est que ça dure foutrement longtemps cette connerie, quand est-ce que ça s'arrête à la fin?!
Malheureusement pour toi, pauvre spectateur odieusement manipulé comme un vulgaire pantin par les mains expertes de Gaspar Noé, la suite est encore pire. Non seulement les images ne se stabilisent pas du tout, mais en plus elles te laissent entrevoir les tréfonds glauquissimes d'une boîte sado-masochiste de Paris (le Rectum...), ousqu'on t'offre de façon épileptique le spectacle sombre et angoissant des bas-fonds de la dignité humaine. Et pendant ce temps, la caméra continue de tourner comme une toupie, la gerbe s'accentue un peu, pour la forme.
Et là, un coup de point: une musique se fait entendre en fond du film, une musique électronique qui monte et qui descend comme des montagnes russes, qui s'amplifie, qui s'efface, puis qui s'amplifie de nouveau. Je te dis pas les dents du fond qui baignent. Et ce cocktail, il dure 25 minutes. Quand tu te retrouves dans un état pareil, à plus savoir s'il faut vomir ou s'évanouir, je peux t'assurer que 25 minutes, c'est loooong, très looong.
Le cinéma meurt en décembre et renaît en février (Du coup, j'improvise)

Heureusement, après 25 minutes, tout se calme et peu et le spectateur est autorisé à reprendre un peu les rennes de son propre corps. Hallelujah.
Mais là, quand même, tu te demandes: 'Mais pourquoi ces 25 minutes m'ont mis dans un état pareil?' Et la réponse, que je ne connaissais pas avant de voir le film, est à la fois simple et géniale: l'état dans lequel est plongé le spectateur, il vient majoritairement de la musique.
Pas celle qui monte et qui descend, enfin pas totalement; Noé a été encore plus vicieux que ça: tout au long de ces longues minutes, il a diffusé un son extrêmement bas (28 Hertz au compteur) que les oreilles ne perçoivent pas de façon consciente, mais la cage thoracique, si. Ton coeur bat en mesure avec les pulsations de 28 Hz (et 28 Hz, c'est un rythme très lent), il est tout oppressé là-dedans, on dirait qu'il tambourine contre la grille des côtes. T'as l'impression que tu vas faire un arrêt cardiaque imminent. A la limite, ça te soulagerait, un arrêt cardiaque, parce que t'es pas dans ton assiette, mais alors pas du tout. Gerbe et compagnie, t'as le visage tout vert et les yeux tout écarquillés.
Et en plus de ça, t'as mal aux oreilles. Ca siffle, ça fait des bruits bizarres, ça cogne les tympans, ça te bouche les oreilles comme quand tu montes en haute altitude. Et tu peux bien essayer de bailler à t'en décrocher la mâchoire, rien n'y fait: tes oreilles restent bouchées.
Le coupable de tes souffrances? 28 Herz.
C'est, paraît-il, le son propagé lors d'un tremblement de terre. C'est un son sournois: il provoque chez l'être humain un état maladif tout ce qu'il y a de plus physique: torture pour les oreilles, pour le coeur et facteur de nausées monstrueuses. Bilan, tu passes 25 minutes à essayer de comprendre ce qui t'arrive, sans savoir que derrière des images qui sont déjà pas toutes roses à la base, un son ennemi vient frapper ta cage thoracique et tes tympans pour te rendre malade comme un chien.
Je savais pas, moi, que ça venait du film. J'ai cru que j'étais malade parce qu'il faisait trop chaud, alors je me suis fait de l'air; puis j'ai cru que c'était à cause du froid, alors j'ai arrêté de me faire de l'air; puis j'ai cru que j'avais chopé une saloperie virale et que merde, ça tombait mal quand même, pendant que je regarde un film. J'ai jamais autant perçu mon corps comme mon propre ennemi que le jour où j'ai visionné Irréversible pour la première fois.
C'est à la fin du film, alors que je reprenais un peu (mais juste un peu) mes esprits, que je suis allé me renseigner sur le pourquoi du comment de ce mystère vaudou incompréhensible.
Et c'est là que j'ai découvert ces foutus 28 Hz, maudits soient-ils.
Reste que, depuis ce jour où quelqu'un que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam a manipulé mon propre coeur comme s'il le tenait entre ses mains, j'ai bien revu ma façon de voir les choses. Ca a presque tout changé. Ca te détruit toute sensation de puissance, ça, en seulement 25 minutes. Après le coeur, c'est le cerveau qui est torturé.
Et ça, les aminches, ça fait un bien fou. Un film qui, sans paroles et avec des images à peine perceptibles, te fait bien comprendre que tu n'es qu'un "Je" enfermé dans un amas de chair que n'importe qui peut manier à sa guise. Un film qui te montre la vraie définition de l'absurdisme; qui envoie chier les théories nihilistes en leur préférant la puissance de la pratique. Après 25 minutes, si tu as encore une once d'optimisme dans le cervelas, c'est pas normal.
C'est dingue. J'idolâtre Gaspar Noé.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Noidor 20 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte