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Dérive nocturne

Publié le 08 janvier 2009 par Zegatt

Cher tous, lecteurs d’un soir ou réguliers,

Une fois n’est pas coutume, je voudrais vous parler de moi le temps de quelques lignes. Et si celles-ci sont vraies ce soir, elles ne le seront peut-être plus demain. L’écriture n’est pas objective. L’écriture est subjective. Elle est un mensonge.

Je n’ai rien. Le mensonge est mon alibi. Ainsi je continue à mentir, et vous à me croire. C’est là que le miracle opère : ma subjectivité propre réveille parfois votre objectivité, et nous nous rencontrons. Le temps d’un mot, le temps d’une phrase. Voilà l’écriture : elle est vérité. Parce que nous sommes trompés volontairement, en pleine conscience.

J’aimerais vous tromper ce soir, demain, et après. J’aimerais. La plume me nargue, comme elle sait si bien le faire lorsqu’elle ne doit pas être ma priorité. Parce qu’elle est un échappatoire, une évasion. Je vous tromperais, ou du moins je tenterai de le faire. Bientôt.
Ma réalité ce soir, c’est le manque. Le doute également, mais avant tout le manque. Le manque tactile, le manque palpable, le manque psychique. Mon esprit s’égare ; il veut créer, il veut sentir. Mon corps veut vivre, il veut que son coeur batte, que son coeur s’emballe.

J’ai écrit aujourd’hui. Une lettre. Vous ne la lirez pas. Une seule personne la lira. Je ne suis pas allé assez loin. Je me suis retenu. Je n’aurais pas du. Plutôt que de déborder dans - ou par ? - l’écrit, je déborde en moi à retardement, par quelques frémissements, quelques pensées à la dérive.

L’épanchement viendra un de ces jours, dans quelques heures peut-être. On ne rattrape pas le temps perdu, on ne fait que multiplier les tentatives, multiplier les aveux.

Camus avait raison. Solidaire, solitaire aussi. A chacun ses armes, à chacun ses compensations. Ils sont deux, nous sommes un. Ensemble nous trouvons, seul nous créons, mais nous vivons dans les deux cas. Que ce soit par procuration ou dans l’acte, peu importe, du moment que l’intensité est là.

L’écriture. C’est ma vie. Passée, présente, et à venir. C’est mon sang. Mon seul héritage légitime, parce que je ne le dois à personne, et parce que je le dois à tous. Parce qu’il me hante au point de m’aveugler, parfois de me dégoûter, mais parce qu’il fait palpiter mon coeur, parce qu’il me fascine à répétition. Parce qu’un jour des personnages issus de ma propre imagination m’envoient un “merde” en pleine gueule pour me dire qu’ils vivent à présent indépendament de moi, qu’ils sont ma schizophrénie latente, que je peux créer, qu’ils sont une preuve supplémentaire que je vis - même si ce n’est pas dans le factuel, ou en tout cas que ce factuel si n’est qu’un noircissage de pages blanches.

Il s’agissait de crier au monde ma détresse et ma révolte en attendant une hypothétique réponse : “je t’aime” ou “moi aussi, je ne suis que solitude”. J’ai toujours ma détresse et ma solitude, mais le cri a changé : “je vis”, voilà mon affirmation. Je vis, parce que je ressens, je partage, je crée, parce que je prends aussi, ce qui m’est donné ou ce que je vais chercher. Je ne viens pas dire au monde que je l’aime, je ne veux pas l’accepter. Je ne veux pas fermer les yeux, je ne veux pas sacrifier ma révolte sur l’autel de l’oubli.

Je ne veux pas vieillir pour accepter, parce qu’accepter, c’est se taire. Physiquement, j’en suis incapable. Ce qui ne m’empêche pas de craindre le silence.
Et, non, je ne me limite pas à un refus puéril. J’aime aussi. Pas le monde, encore une fois. Mais ceux qui le composent. Vous, qui êtes prêts à vous émerveiller, à nous émerveiller, à partager vos rêves pour que nous restions des enfants rêveurs où des brins d’idéalisme et d’espoir se sont entremêlés. Parce que si je rêve, maintenant, ce soir, si j’ai cette envie mordante de partage, de don - que ce soit par l’écriture qui demeure mon média vital, ou par mon corps, mes actes comme ma parole - c’est grâce à vous. Parce qu’il n’y aurait pas de solitaire sans le solidaire, et inversement. Parce que le paradoxe nous entoure, mais que finalement nous l’aimons bien, même si nous avons du mal à l’admettre.

Ces lignes, cette lettre informelle, elle est pour vous. Merci.

  

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