Designer les marques de légende

Publié le 08 janvier 2009 par Jérémy Dumont

Le design ou la conception de la vision pour permettre l’expérience.

Le design est une activité passionnante qui permet de donner corps à l’histoire, la vision conçue précédemment. Il s’agit en effet de rendre tangible, de mettre en scène ou encore en situation cette histoire qui permettra à chaque individu, usager de vivre la sienne.

On comprend bien ici qu’on va au delà du design dessein/dessin, car on lui ajoute la notion d’expérience de vie. « Inventez la vie qui va avec » disait la publicité : pourvu qu’elle soit simple, facile, humaine, relationnelle, émotionnelle.

On pourrait donc présenter le design sous la forme d’une matrice à 3 dimensions en forme de triangle :
•   la dimension culturelle et mythique qui sous-tend la vision et crée l’universel et le souffle qui fera toute la différence
•   la dimension fonction
•   la dimension forme

A titre d’exemple, c’est bien le souffle et la vision d’Apple (la machine s’adapte à l’homme) qui créent l’expérience de la musique numérique et font qu’Ipod vaut 3 fois plus cher que ses copies et détient 70% de PDM.

Ainsi continuer à penser le design comme la simple création d’un objet pour une marque c’est prendre le risque de rester sur la forme et la fonction et de faire « plus de la même chose ».
On est donc au delà de la stratégie de réponse à un usage (quel usage vais-je faire de ma chaise, se reposer), puisqu’on veut la charger d’une dimension supplémentaire.

La marque a alors deux moyens d’entrer en résonnance avec sa cible : créer une vision forte universelle et lui donner corps au travers d’un scénario aspirationnel, et écouter les histoires des usagers pour s’en inspirer, dans l’ordre ou dans le désordre :

Le storytelling dans le process de design :

Storytelling par ci, storytelling par là, l’histoire a toujours eu une place centrale dans le design, car :

•   On se souvient d’une bonne histoire  (la réminiscence qui fait la force des marques) bien au delà des principes qui la sous-tendent (le rituel de la machine à café restera bien au delà de ses enjeux qui la sous-tendent).
•   Si elle vous parle, on a envie de la partager, et elle en appelle une autre (résonance) via l’empathie, la vibration commune.
•   A l’instar du design d’expérience et de relation, tout le monde sait que les histoires sont informelles, pas forcément justes et précises, arrangées même : elles permettent de sentir le terrain, et sont un moyen de se parler (designer et utilisateur) et de créer le terrain d’un engagement commun. On est donc bien au début d’une expérience de possibles. Cf. les premiers sketches du designer dont l’imperfection est autant de portes ouvertes sur des possibles (à l’opposition d’une image 3D en phase 1 qui telle de la poudre aux yeux peut éblouir, mais arrête tout processus d’imagination, de création de la part du récepteur).

Penser le Design comme une activité qui permet une expérience c’est agir en générosité et créer les conditions de la fidélité

A ce stade on peut avancer que s’ériger en designer d’expérience, c’est agir en générosité : ne plus penser comme au 20ème siècle à concevoir et pousser des produits source de profits, mais penser à créer les conditions pour que les individus vivent des expériences seront les remparts des marques faces à la montée des MDD, des marques à bas prix, et autres copies.

Le designer, conteur moderne, est bien le bras armé de la marque, celui qui va donner du sens et de la matière à sa vision de légende, et créer le supplément d’âme qui va marquer et faire toute la différence. Or on dit bien : cette histoire m’a marqué.

Ce qui fidélise c’est la force de l’émotion d’une expérience réussie grâce à une marque qui a marqué… et qui drive en conséquence la préférence.

L’expérience : la solution pour un développement durable

Penser expérience est en fait le vrai moyen de faire du développement durable. Repenser son métier pour créer un écosystème entre marque, usagers et planète deviendrait par exemple :
•   Vendre une prestation de KM (si l’on vend des voitures), c’est créer une valeur immatérielle source de croissance.
•   L’expérience nouvelle de l’usager : il voit enfin son véritable besoin pris en compte (se déplacer)  ce qui engendre une augmentation du bien-être et une baisse de sa charge mentale associée à la possession d’une voiture.
•   Croissance déconnectée de la seule consommation de matière et optimisation de l’utilisation des ressources pour le bien de la planète.
•   La  marque devient donc bien une ressource pour tous, non pas simplement une ressource pour ses actionnaires, la boucle est bouclée
•   C’est urgent, car c’est tant pour la planète que pour beaucoup de marques c’est désormais une question de vie ou de mort !

Ce qui change en mettant l’expérience au centre c’est la conception même de son métier ce qui va avoir un impact sur le design dans son ensemble :
•   si mon métier est de vendre des voitures, je vais essayer d’optimiser son esthétique, ses performances, son confort, de faire de l’écoconception ou même du greenwashing : faire (un peu) mieux de la même chose.
•   Alors que si mon métier est de vendre du kilomètre, je suis centré sur la valeur d’usage de la voiture et sa valeur d’expérience : le design de ma voiture va évoluer, comme il va falloir designer les interactions et services d’accès, entretien, retour etc.. de même il va falloir se pencher sur les implications de ne plus posséder sa voiture (objet ostentatoire), sur les implications en terme de sécurité… car l’expérience modifie aussi la vision des choses.

Comment le storytelling peut faire évoluer la vision

Si on se place du côté de l’individu qui nous consomme ou pas et que l’on se demande en quoi notre marque peut lui faire vivre des aventures, on ouvre la porte à une nouvelle façon de voir sa marque, et une nouvelle façon de la designer :

Quand l’agence Nouvel Œuvre a proposé à la marque LU de créer une métaverse pour sa mascotte Prince qui n’avait alors de l’archétype que le nom, nous avons ouvert une brèche à la création d’une vraie expérience de la marque au delà de son produit lui-même (avant les enfants disaient : passe-moi un Prince, car Prince n’était rien d’autre que le biscuit) : Prince sous les traits d’un vrai héros de Bande dessinée a depuis atteint le cœur des enfants et leurs vies de tous les jours. Ils se sont s’identifiés à lui dans sa quête, dans ses peurs, et dans les conflits et combats qu’il doit résoudre avec ses compagnons, contre les monstres et autres créatures qui viennent s’y opposer. La création de cette histoire selon les archétypes du voyage du héros chers à Joseph Campbell a su résonner dans le cœur des enfants, et changer la donne en terme de gestion de la marque : BD et web aujourd’hui (www.Prince.fr) et demain jeux de plateau pour créer du lien, jeux vidéo en ligne, blog… pourquoi pas.

Parions qu’un jour des enfants connaitrons l’expérience de Prince au cœur de leur jeux avant de connaître le biscuit : alors la puissance de la marque sera incommensurable vs le bon vieux BN qui sourira jaune…



Ecrit par: Cédric François
Posté par: Morgane Craye
Publié sur: levidepoches/marketing
Pour plus d'information cliquez ci-après pour lire le rapport d'innovation "le Storytelling" réalisé par les membres de courts circuits