Le Monde mène l’enquête

Publié le 08 janvier 2009 par Chrisos

Scoop : la crise touche tout le monde, même les restaurants! La preuve, le Monde en parle : “les chefs adaptent leur carte à la crise économique”.

“Or, subrepticement, la crise sociale oblige la cuisine à changer de mode. Certains restaurateurs et chefs l’ont compris. A Paris, au Café du Commerce, vaste espace populaire et dernier des fameux Bouillon Chartier, voué à la promotion de la viande de race limousine, les prix ont subi une cure d’amaigrissement. Un “menu des familles” (19,50 euros) propose le choix entre des hors-d’oeuvre classiques de brasserie, un plat à partager (andouillette, pièce de boeuf ou tartare) et les desserts d’enfance (pêche Melba, poire Belle-Hélène).”

La crise n’est pas seulement économique, mais aussi sociale. Les prix auraient “subi une crise d’amaigrissement” : hum, et la qualité et la quantité aussi? Ou alors rien n’a changé et le restaurateur abusait profitait juste de la situation? Quelle candeur!

“Gérard Vié, qui connut la célébrité à la tête du Trianon Palace à Versailles, est de retour sur la scène gourmande dans un modeste bistrot de la rue du Cherche-Midi, à Paris, où il nous régale de ses terrines (volaille, lapin, hareng, pied de porc haricots blancs), et de poissons ou viandes d’exception (paleron, côtes de cochon, volaille, veau du Limousin) admirablement servis. Une formule à 24 euros, un menu carte à 34 euros : du sur-mesure à prix soldé !”

Payer 24 ou 34€ dans un bistrot, même si c’est celui d’une ancienne star de Versailles, ça ne me semble quand même pas l’affaire du siècle.

“Au Zébra Square, entièrement restructuré, la nouvelle carte se veut branchée sous la houlette de Thierry Burlot, chef d’expérience. Cela donne une carte aux entrées multiples servies dans de petits plats à la façon d’un mezzé libanais (9 cold appetizer pour 16 euros ou 7 hot appetizer pour 18 euros). C’est amplement suffisant, et délicieux, pour un déjeuner entre copines.”

C’est vrai qu’au Liban les gens ont tendance à mettre de l’arabe, du français, de l’anglais et pourquoi pas quelques mots d’une énième langue étrangère dans la même phrase. Le Monde, qui fut un temps le quotidien français de référence, pourrait nous éviter ce genre de pédanterie.

Au Six New York, le Normand Jérôme Gangneux, cuisinier avisé, joue la continuité avec la formule éprouvée d’un menu carte sans surprises à 30 euros et 35 euros. Il invite à lutter contre la crise avec du solide : parmentier de paleron, assiette tout cochon et tripes à la domfrontaise dans lesquelles le poiré remplace le vin blanc.

Ah, 30-35€, avec du cidre à la place du blanc, diable, cela va souvent combler le trou de la sécu! Et à combien étaient ces menus avant?

La meilleure réponse à la situation annoncée paraît être celle de l’Escarbille à Meudon, où tous les ingrédients de ce qui fit autrefois à Asnières le succès du pot-au-feu de Michel Guérard sont réunis. Sans marketing, ni effet d’annonce. D’abord une bâtisse anonyme dans une rue calme, ancienne gare de Meudon-Bellevue, décorée par Alberto Balli. Là, Régis Douysset, solide gaillard de 35 ans, a fait son nid depuis 2005 et obtenu une étoile au Michelin en 2008. Une carte courte, lisible, annonce la couleur : menu 44 euros. Chaque plat est signé. Suprêmes de pigeon au sang, cuisses confites et choux frisés ou bien agneau de Lozère, polenta et artichauts : voici deux plats où chaque élément conserve sa texture. Pour Régis Douysset, le temps de crise est un temps de création.

Il me semble que la Maison Courtine, avenue du Maine, 75014, Paris, une étoile Michelin, propose aussi une formule à 44€ et une autre à 39. Pas de quoi se la péter!

Les malheureux avaient leurs habitudes dans les grandes tables de la capitale et dépensaient sans compter ; certaines aujourd’hui les aident à sauver les apparences. Ainsi, en face de la Bourse, Mori Venice Bar, fameux italien, propose-t-il un menu à 40 euros, indexé sur le CAC 40. Une aubaine ? Non, un clin d’oeil, car l’indice joue sur le pourcentage journalier arrêté à la clôture des cours de la veille, mais sans effet cumulatif !

Vue de la rue Lamenais, au Taillevent, la crise est parée de vertus inattendues. Elle oblige à un effort, reconnaît Valérie Vrinat, qui compense la dureté des temps par une faveur accordée à ses clients, avec le menu hebdomadaire du chef Alain Soliverès à 80 euros, au déjeuner, accompagné de vins au verre à partir de 10 euros.

Où est la nouveauté? Pléthore d’étoilés proposent depuis un moment des menus déjeuners à moins de 100€. Un verre de vin à 10€, c’est sensé ne pas être cher? J’ignorais qu’être journaliste au Monde était aussi rémunérateur.

Chez Lasserre, menu à 75 euros au déjeuner et vins au verre. Chez Guy Savoy, trois étoiles Michelin, les internautes qui hésitent… sont invités à partager une demi-entrée, un plat de la carte et un demi-dessert pour un forfait de 100 euros par personne.

Et si je fais la vaisselle ou que je fais un Savoy Drive, je peux payer moins cher en bénéficiant de la TVA à 5,5%?

Ailleurs, pas question, pour le moment, de baisser les prix. On se contente de serrer quelques marges. Jusqu’au 13 mars, Alain Ducasse cédera la truffe à prix coûtant dans quatre de ses établissements parisiens (Spoon, Rech, Aux Lyonnais, Benoît). Par chance la truffe noire du Périgord - Tuber melanosporum - est abondante et pas trop chère cette année !

On se demande vraiment si une marge a été serrée. Enfin, pour cette histoire de truffe (déjà, vient-elle du Périgord ou de Provence?), enfin, qu’elle soit vendue à prix coûtant, why not, mais de quel prix coûtant parle-t-on? Celui du marché du gros (où l’on serait à moins de 500€ le kg dans certains cas, 750-850€/kg pour la Perle Noire du Périgord), ou celui des épiceries de Paris, qui affichent un honteux 1500€/kg? Les truffes ne sont pas forcément celles qu’on croit…

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