Vingt mille lieues sur la terre
Ils sont venus comme le vent, multitude prophétique, peuple après peuple, comme autant de plaies d’Egypte : Les nomades surgis de l’insondable steppe eurasiatique. Huns, Avars, Turcs, Mongols : durant des siècles, depuis la plus haute Antiquité, ils ont déferlé sur les nations civilisations sédentaires assoupies par la prospérité. Les grandes cités de la Perse achéménide, de l’Europe chrétienne et de l’empire chinois ont ainsi tremblé, de toute éternité, devant les hordes d’archers montés. David Nicolle revient sur les traces de cette chevauchée millénaire, à travers l’océan terrestre du plus vaste continent au monde.
Richement illustré par le talent d’Angus Mc Bride, l’ouvrage se propose de décrire les différentes vagues d’envahisseurs qui se sont succédées d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Cette formidable odyssée est dominée par les grandes figures d’Attila, de Gengis Khan et de Tamerlan, bien que d’autres peuplades, moins célèbres, y soient également abordées. Car si les Huns, les Turcs et les Mongols sont sans conteste ceux qui ont laissé dans l’histoire - presque toujours écrite par les sédentaires - l’empreinte la plus marquée, la steppe n’a jamais cessé de bouillonner, d’être secouée par les coups de boutoir d’une tribu chassant l’autre vers l’Ouest, et ainsi de suite. De vastes et éphémères empires ont été érigés par des peuples dont le sort actuel pourrait faire oublier le passé glorieux : Ouighours, Tibétains, Kirghizes, Hongrois, Bulgares ont ainsi chevauché le long de la mythique « Route de la soie », qui traverse de part en part le continent asiatique. David Nicolle a bâti son travail sur un découpage chronologique, nécessairement un peu artificiel, en trois phases d’invasions majeures s’étalant du III° au XIII° siècle de notre ère. Cette portion congrue est précédée d’un bref chapitre consacré à l’équipement, au mode de vie et à l’environnement commun des nomades, qui révèle quelques redondances inévitables avec d’autres livres publiés par la même maison.
Le mieux étant décidément l’ennemi du bien, là où le bât blesse, c’est précisément qu’à s’efforcer de tendre vers l’exhaustivité, on en vient à tailler à coups de sabre, si j’ose dire. C’est en effet une gageure insurmontable que de parvenir à résumer près de mille ans de transhumances, d’invasions et de campagnes menées par une mosaïque ethnique d’une grande complexité dans les soixante-quatre pages que compte ce volume de la collection « Élite ». En dépit d’un titre accrocheur, le portrait de l’illustre « fléau de Dieu » n’est ainsi brossé qu’à grands traits, et il conviendra de se procurer un second livre*, celui-ci exclusivement réservé au singulier destin du grand homme de guerre, pour en savoir davantage. Une fois n’est pas coutume, il faut reconnaître que la remarquable qualité des publications « Osprey » a été suffisamment saluée dans nos colonnes** pour que le lecteur assidu s’autorise à faire la fine bouche. N’est pas René Grousset*** qui veut ! La concision du format couplée au désir émis par l’auteur de dresser un panorama aussi complet que possible aboutit donc à une certaine confusion ou à des ellipses regrettables. Quel comble pour un ouvrage sur ce thème que de manquer… d’espace ! Toutefois, pour qui veut entrouvrir le grand livre de l’épopée des fils de la steppe, embelli par un véritable luxe illustratif, Attila and the nomad hordes constitue un préambule des plus convenables.
Ujisato
* The Hun, scourge of God, également publié chez Osprey dans la série « Warrior »
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*** René Grousset est l’auteur de L’Empire des Steppes, ouvrage faisant autorité sur le thème des cultures nomades d’Asie centrale.
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Article paru le 08/01/09