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Très cher Prince...

Publié le 08 janvier 2009 par Didier54 @Partages

Lorsque vous écrivez une lettre, Prince, ou un message, quoi que ce soit que vous adressez à quelqu'un, lorsque vous l'avez terminé, lorsque vous en êtes satisfait, demandez-vous toujours si vous pourriez l'envoyer au même moment à quelqu'un d'autre. Si vous n'auriez qu'à changer le nom, l'adresse. Si oui, oubliez cette lettre. Ca n'en est pas une. Vous racontez votre vie, Prince, vous n'écrivez pas à quelqu'un. Recommencez ou abonnez.
Lorsque vous serez bien familier de cette pratique, que plus jamais vous n'enverrez de lettre qui n'en sont pas, et cela prendra du temps, une décision s'ouvrira à vous. Pesez-là avant de la prendre car elle est de conséquence. Mais vous la soupçonnez déjà, n'est-ce pas. Déjà vous commencez à vous dire : Et si j'agissais de même avec mes paroles ?
Imaginez, Prince. A chaque phrase que vous allez dire, que vous formulez, si vous vous demandiez : Pourrais-je la dire en ce même moment à quelqu'un d'autre ? et si, au cas où effectivement vous le pourriez, vous ne la disiez pas. Et si vous taisiez...
Rares seraient alors vos paroles.
Mais il peut se passer autre chose, mon cher Prince. Il peut se passer qu'en changeant le nom, l'adresse, ou la personne, vous vous rendiez compte par hasard que c'était à quelqu'un d'autre que vous étiez sur le point d'écrire, ou de parler. Et qu'une fois ce nouveau nom, cette nouvelle adresse, cette nouvelle personne découverte, vous ne puissiez plus en changer.
Alors là, surtout, envoyez.
Alors là surtout, parlez.
Car vous n'aurez jamais été si courageux.
[conseils du tsar Andréi au jeune prince Andrei, son petit-fils]
Régis de Sa Moreira, Le Libraire, pages 154 & 155.


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